samedi 4 octobre 2008

André Sauvé

Humble serviteur



Exit les rapports hommes-femmes et autres inepties surannées, l’humoriste déjanté André Sauvé s’en vient nous faire pétiller les zygomatiques avec intelligence et originalité.

Claude André

Le cliché à la vie longue mais s’il est vrai que l’humour est la politesse du désespoir, André Sauvé, mieux que quiconque par les temps qui courent, l’incarne à merveille. Si comme des milliers d’autres, le journaliste qui écrit ces lignes avait remarqué les capsules particulièrement savoureuses d’André Sauvé (plusieurs se retrouvent sur You Tube) lors de ses passages à l’émission 3 600 secondes d’extase animée par Marc Labrèche, c’est en tombant sur son monologue dans lequel il rendait hommage à son «découvreur» Yvon Deschamps que votre interlocuteur à compris que l’on avait vraiment affaire à un humoriste exceptionnel.

Mais également à un être torturé qui a semble désormais doué dans l’art de canaliser ses angoisses et autres «bibittes» pour en faire des numéros qui, paradoxalement, deviennent des exutoires qui nous font rigoler et/ou nous émouvoir comme ce fut le cas avec «Le bonheur» adressé au torturé Yvon Deschamps dans lequel il abordait la thématique du mal de vivre.

En plus de son intelligences manifeste et des ses mimiques qui font mouche, c’est peut-être une exquise vulnérabilité qui plait tant chez cet ancien de l’école de mime Omnibus et jadis danseur de danses classiques de l’Inde.

Comme si, mine de rien, il était pour nous allé voir de l’autre côté de la fenêtre noire et marchait depuis, tel un funambule, entre la folie et la grâce. Et puis, n’importe quel psy le confirmera, ne trimballons-nous pas tous en nous une part de névroses qui pourrait, interprétées par un professionnel malveillant, nous faire passer pour le dernier des demeurés ?

«Je pense que c’est Yvon qui me disait : un humoriste, c’est un dramaturge de dos. Ça me ressemble beaucoup ça ainsi que ce cliché sur les humoristes désespérés. Paradoxalement, je voulais me diriger vers l’écriture dramatique et, au début, par le concours des circonstances, j’étais un peu déçu de me retrouver en humour. Or, je me rends compte aujourd’hui que je me retrouve dans une situation où je peux dire en humour exactement les mêmes choses que je souhaitais aborder en drame», confie ce lecteur boulimique influencé, encore aujourd’hui, par Ionesco et le poète et dramaturge Jean Tardieu.

Celui-là même qui lors d’une crise névrotique à l’âge de 17 ans éprouva une étrange angoisse métaphysique qu’il ne cessa (tiens tiens,) d’interroger. «Écoute, il écrivait des affaires en 1960, sous le rège de l’église, complètement à se péter…Tu lis ça et c’est encore moderne et avant-gardiste aujourd’hui. Ces choses là m’ont beaucoup influencé et, à ma manière, j’essaie aujourd’hui de faire ma mouture», dira-t-il de plus en plus à l’aise devant le journaliste et le photographe qui s’est joint à la discussion.

Clé de voûte


«Je ne suis pas un lac calme. Je suis quelqu’un qui se questionne énormément. Je cherchais quoi ? Le bonheur, tout simplement. Trouver une paisibilité en-dedans», dira-t-il après nous avoir entretenu, sourire en cascade, de ses nombreuses thérapies. Car s’il ne semblait pas très enthousiaste à l’idée de causer de sa petite personne en ce jeudi après-midi dans un immeuble du Mile-End, le comique ultrasensible déjà réclamé par la France s’emballe lorsque l’on appui sur le bon bouton. En brossant, par exemple, un parallèle entre lui et la grande dame en noir, Barbara. Elle qui chantait si merveilleusement «Le mal de vivre» ? «Hé, c’est une de mes idoles. Tu sais ça toi ! Mon ancien coloc n’était plus capable de l’entendre. Je peignais des toiles et ça jouait en loops. L’écriture de cette femme est extraordinaire, chacune de ses pièces est un roman», raconte-t-il en revoyant dans sa tête ces tableaux de scènes d’accouplements orgiaques inspirées des sculptures des temples indous qu’il peignait pour en faire une toile de fond lors d’un spectacle de danse…

Flash : ses yeux s’illuminent et, avec ses cheveux électriques, l’homme de 42 ans fait soudainement songer au fakir hypnotiseur dans Tintin et Les Cigares du pharaon. C’est que notre adepte du yoga et des philosophies orientales, qui grandi avec Larry Bouledingue, La Fricassé, Court-circuit, Pop Citrouille et autres émissions où il n’y avait pas de soucis de pédagogie avant que le Ministère de l’éducation s’en mêle, vient de penser à son auteur fétiche : Christian Bobin dont les livres trônent à côté de son lit (de clous ?).

Nous dévoilant ainsi la clé de voûte de son approche si singulière de l’humour pour un humoriste d’ici depuis, peut-être, Sol et Yvon Deschamps. «Il s’agit de quelqu’un qui a quasiment vécu toute sa vie dans une petite ville postindustrielle laide avec plein d’usines fermées qui se nomme le Creusot, en France. Quand tu le lis, tu te dis : il a écrit ces merveilles dans ce bled affreux ! Nous prouvant ainsi que tout est alentour. Tu pourrais t’assoir sur ton balcon pour le reste de tes jours, et toute la vie défilerait là, devant toi, si tu sais regarder», s’enflamme-t-il.
Ne terminait-il pas d’ailleurs son numéro sur la Loutre d’Amérique en disant avec justesse : «Ceux qui s’emmerdent, c’est parce qu’ils le veulent bien». Bobin serait d’accord. Lui qui disait : «les enfants sont comme les marins : où que se portent leurs yeux, partout c'est l'immense». À découvrir.




Sa dope à lui
«Dans la création, nous sommes un humble serviteur de quelque chose qui est en arrière. Notre job, c’est de s’enlever la tête de là. C’est facile à dire mais pas à faire : tu veux donc que ça fasse du sens, tu veux donc t’en allé là. Mais non, ce n’est pas la bonne direction. Il faut seulement écouter. Donc la création, oui, valait toute les thérapies. Si je crois en une puissance supérieure ? Hum, comment dire ? J’ai fait des retraites de méditation en Indes et ici, ça n’a rien de religieux je le précise, où je restais immobile et en silence pendant des périodes allant parfois jusqu’à 10 jours. C’est le cocktail le plus puissant que l’on puisse imaginer : écoute, tu es assis pendant 10 heures par jour et tu observes à l’intérieur de toi. C’est effrayant ! Souvent les gens me disent : «j’aimerais ça avoir l’adresse de ton pusher». Ça vient de là ostie. La différence entre un fou et un sage ? Le fou se noie dans la même eau que celle où le sage à appris à nager. Comprends-tu ? Quand t’es assis pendant 10 heures, tu vois tes névroses, tes psychoses, tout est là. Il suffit de se plugguer là-dessus pour écrire», s’esclaffe ce sympathique faux hurluberlu qui a, notamment, exercé la méditation vipassana. Une forme, très ardue, qui, pour le Québec, s’enseigne seulement à Sutton dans les Laurentides



La vie, la vie
«Macrobiotique ? Je peux désormais manger un hamburger avec de la viande sans problème. Mais j’ai été maniaque là-dedans. Pendant une période de dix ans, toutes les thérapies, nomme-les, je les ai faites. De la plus straight à celle où tu te garoches dans la bouette à crier après ta mère. Aujourd’hui, cela se fait de façon plus apaisée mais ce questionnement m’habite encore. Il faut faire attention cependant de ne pas devenir sectaire genre : t’applique les dix lois du bonheur de je ne sais qui de Californie. Cela, ça m’écœure. Il faut en prendre mais aussi aller vivre car la vie, elle se suffit à elle-même».

6 au 11 octobre
Supplémentaire du 12 au 15 novembre
au Monument-National

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