samedi 17 octobre 2009

L'ultime lâcher-prise


                   To jump or not to jump ? Telle est la question...

Lorsque j’ai communiqué avec Voltige 2001, l’école de parachutisme fondée par le comédien Guillaume Lemay-Thivierge et quelques autres en 2001, un des dirigeants, Mario, m’a fait une proposition après que nous eûmes réglé les détails: «Si tu as envie, tu sauteras toi aussi. Comme ça, tu sauras mieux de quoi tu vas parler». Fuck ! Voilà ce que je craignais. Moi, m'expulser d’un avion à 13 500 pieds d’altitude ?

Car si j’étais enthousiaste à l’idée d’accompagner quelqu’un histoire de savoir comment ça se passe lors d’un premier saut en tandem, je n’avais certes pas l’intention de le découvrir par moi-même. Moi, qui, depuis l’enfance, suis en proie au vertige et ressens l’appel inquiétant du vide dès que je me retrouve sur le balcon du second étage qui mène à mon appartement.

«Y a pas de trouble si tu ne décides pas tout de suite, tu verras sur place le matin même» a-t-il rajouté avec, au bout du fil, un sourire, que je devinais. Sans le savoir en recevant cette proposition, je venais, silencieusement, de conclure un pacte avec le diable.

Une sentence

Cet appel eut lieu quelques jours avant le moment prévu pour le saut de mon amie Isabelle, une comédienne devenue maman depuis peu.

Trois journées et surtout trois nuits de doutes et d’angoisses à la manière d’un condamné qui attendrait sa comparution devant un magistrat.

Car si d’une part j’en avais nullement envie, une autre partie de moi insiste depuis longtemps : «Tu dois affronter cette peur de sauter en parachute pour te sentir plus libre et te prouver que tu as du courage».

Jour J (pour jump)

Puis vint le jour fatidique. Lundi 18 mai. Ciel radieux. Fête des patriotes. Bonne journée pour accomplir un geste héroïque… On se rend à Joliette. L’endroit ressemble à un terrain de golf. À gauche, une aire de pliage où seuls les parachutistes sont admis. À droite, un dortoir pour les sauteurs réguliers en plus des vestiges des installations de l’équipe de tournage du film Les pieds dans le vide de Marie-Loup Wolfe qui met en vedette Guillaume Lemay-Thivierge et Laurence Leboeuf et qui devait prendre l’affiche en août.

Je trépigne. Ma potesse qui vient d’allaiter son petit arbore une totale zen attitude. Elle a même plutôt hâte de plonger dans le ciel cette dingue qui «aime les émotions fortes et a toujours rêvée de voler tel un oiseau». Tandis que, moi, je me demande encore ce que je suis venu foutre dans cette galère.

Puis dans l’azur les parachutes entament leur ballet multicolore. L’effet est saisissant. Je m’enquiers auprès de deux ou trois «survivants» et tous affichent le sourire gaga de ceux qui viennent de s’envoyer une cigarette de clown (lire joint) carabinée avant de me répondre : «Vas-y. Tu seras content par la suite». Isa me dit qu’elle commence à avoir un peu peur mais est quand même excitée.

La décision

On nous appelle au micro. Jusque-là, je me garde le droit de prendre ma décision finale après la petite formation qui durera une quinzaine de minutes mais je suis tenté. Le sympathique Richard nous explique le processus. Je lui demande ce qu’il adviendra de mon vertige : «Cela se manifeste seulement lorsqu’il y a ancrage au sol ce qui n’est pas notre cas….», me répond-t-il. Humm. Pas convaincu. Une intuition me dit que je ne dois pas y aller. J’annonce à Richard que je me désiste et quitte pour m’asseoir sur une table à pique-nique. Il me rejoint et me propose de sauter avec lui. M’explique que je vivrai la plus belle expérience de ma vie et patati et patata avant de conclure pince-sans-rire : « Tu seras entre bonne mains, c’est moi qui en échappe le moins ici » !



L’envol (cliquez pour visionner le vidéo du saut).

Finalement, j’enfile la combinaison. La quinzaine de sauteurs monte à bord de l’avion. Vingt minutes s’écoulent. Ma dernière heure semble venue. Surtout ne pas paniquer. Demande à mon partenaire, qui est l’instigateur du tandem au Québec, si je peux changer d’avis. Nenni. Je regarde en bas par le hublot. La vue des conifères m’effraie. Les arbres deviennent des tâches. Nous sommes à hauteur de cumulus. Richard, derrière moi, me rassure et me dit de ne pas me laisser impressionner quand la porte s’ouvrira sur l’immensité. Je suis à genoux. La tête dressée vers le ciel. Je regarde l’éternité. Puis hop, on plonge dans le vide. J’ouvre les yeux. Le caméraman est devant moi. Sa présence me rassure. J’ai l’impression de flotter même si je descends à 200 km/h. On dirait une pièce de hardcore tant s’est rapide. Je me dis : «Man, tu flottes dans les airs, tu voles». Sourire. La crainte se dissipe. Cinquante secondes se sont égrainées. Tape sur l’épaule. Je m’accroche les mains sur les harnais. Pop. Choc, je suis à la verticale. Le rythme effréné se transforme en valse. L’horizon est magnifique. «Crisss, comme c’est beau», je m’exclame. «Bienvenue dans mon bureau», rétorque Richard. Il effectue quelques vrilles. «Yahouuu». Le cœur monte en me titillant l’entre-jambe comme dans les montagnes russes à La Ronde. 5 minutes s’écoulent. Hors du temps, hors du monde.

Je viens, après la naissance de ma petite fille, de passer le plus beau moment de ma vie. Atterrissage en douceur. Sourire grand comme le bar du Ritz. Désormais, je serai au dessus de tout…



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