samedi 13 avril 2013

Tryo : quand l'humanisme rencontre l'optimisme


collaboration spécialeComme les mousquetaires, ils sont quatre à former Tryo : Cyril Célestin (alias Guizmo), Daniel Bravo, Christophe Mali et Manu Eveno.
J'ai eu le plaisir de rencontré Manu et Guizmo de la formation Tryo, de passage à Montréal pour nous présenter son dernier album, Ladilafé il y a quelques semaines. 

Voici quelques questions en relation avec les chansons humanistes et souvent engagées du célèbre… quatuor qui poursuit sa lutte progressiste, en troquant cependant son aspect un tantinet frontal contre une certaine ironie.

Votre dernier chapitre se nomme Ladilafé; qui est-ce?
Manu Eveno : Patricia Bonnetaud. C’est elle qui nous a découverts, il y a 15 ans. Elle était directrice du label Yelen; elle nous a signés, énormément protégés et nous a permis de rester nous-mêmes. On avait très peur des médias au début, et elle nous a permis de continuer à exister par la scène en communiquant directement avec le public par l’intermédiaire des réseaux associatifs. Un jour, elle a quitté son label chez Sony pour créer sa propre étiquette : Ladilafé. Ce qui veut dire la rumeur, les commérages, dans la langue réunionnaise. Ce qu’elle a transformé en : «Je l’ai dit, je le fais.» C’était un engagement auprès de ses artistes. Puis elle a lutté contre un cancer et elle nous a quittés. (Sanglots) Elle est partie malheureusement avant que l’album sorte, mais elle l’avait écouté et validé.

Une pièce de l’album s’intitule Printemps arabe. N’a-t-il pas finalement été une aubaine pour les islamistes?
Guizmo : Entre le moment où la chanson a été écrite et celui où on l’a enregistrée, les choses ont évolué à une vitesse incroyable. C’est une chanson qui parle des dictateurs qui tombent et de nous aussi, jolis Français, qui allons en vacances en Tunisie depuis des années avec nos œillères. Il y a cet aspect et aussi l’idée que, même si les choses ne vont pas bien et que ça va être long, la démocratie ne se fait pas en deux jours. On sent une menace fanatique dans la plupart des pays qui ont vécu le printemps arabe. Il y a aussi une volonté de démocratie pour plein de gens là-bas, dont ceux qui étaient à la Place Tarir, au Caire. Ces personnes sont pour les droits des femmes, pour la laïcité. Ce courant-là existe, même s’il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, on peut effectivement craindre le pire parce que l’islamisme arrive en force.

Vous chantez Greenwashing. Pensez-vous que la conscience écolo est devenue une nouvelle morale sacrée?
Manu : Non. C’est un peu ironique. On pourrait dire que l’écologie est devenue un sac publicitaire. C’est terrible, parce que plein de gens ont envie de consommer de manière plus responsable, mais pas nécessairement d’écouter tout ce qui se trame. On est tous un peu victimes du greenwashing. Un mot qui est un dérivé de brainwashing, c’est-à-dire lavage de cerveau. Ce qu’on traduit chez nous par écoblanchiment : on lave sa conscience avec du vert. C’est une chanson qui décrypte ce problème et qui dénonce aussi les stratégies du marketing.
Guizmo: Mais cette chanson n’est pas un constat d’échec.

***
Un journal chanté
Le dernier album de Tryo, Ladilafé, aborde des thèmes qui font l’actualité, dont une (très belle) chanson sur l’euthanasie et une autre qui dénonce Marine Le Pen. C’est comme un journal chanté, finalement, fait-on remarquer à Manu et à Guizmo.
«J’ai vécu la perte de quelqu’un qui était malade et qui souffrait, et c’était un moment rempli d’émotions fortes, dit ce dernier. Alors oui, on a la chance d’avoir un micro et trois voix pour dire des choses qui nous touchent. Dans le cas de l’euthanasie, c’est de manière assez accessible grâce au reggae.»
Une volonté d’atténuer des propos sombres sur des notes joyeuses façon Trenet et sa chanson du pendu?
«Ça dépend du contexte, répond Manu. Si on parle d’une chanson dont le texte est plutôt dramatique ou très sérieux, si on trouve que le texte est trop frontal, trop pathos, on va contraster avec de l’humour ou de l’ironie. Mais quand on évoque, par exemple, la vie de Bryan Williamson et l’homophobie dans le reggae, là on n’a pas envie de rigoler, on y va sans ménagement et on dénonce les artistes en question qui sont homophobes et lancent des appels au meurtre dans leurs chansons.»

Cette entrevue a d'abord été publié dans le Journal Métro le 7 avril 2013.

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