mercredi 30 novembre 2011

Tu te reconnaîtras : La Superbe

mardi 29 novembre 2011

Les Cowboys fringants : toujours face au vent



Les Cowboys Fringants
Que du vent

À la première écoute, on se dit que sur le plan orchestral la bande ne sort pas de sa zone de confort même si cet album, le onzième (et huitième de chansons originales) s'avère plus énergique et rock/néo-trad que le précédent, «L’Expédition». 

Puis, on tend l'oreille et on prête attention: bang !

Les mots et les mélodies demeurent toujours aussi redoutablement efficaces grâce notamment à l'efficace plume de JF Pauzé, un parolier issu de l'école Renaud-Plume-Desjardins et des arrangements savoureux de la violonistes (et multi-instrumentise) Marie-Annick Lépine. 

Quant à la voix de Karl Tremblay, elle nous semble plus maitrisée, nuancée et surtout moins «garrochée» que par le passé. 

Comme sur les disques précédents, on retrouve, ô bonheur, de ces chansons finement ciselées et immédiatement familières qu'on apporterait précieusement en exil à l'étranger telles L'horloge, Shooters ou On tient le coup. 

Entre l’humour moqueur, la critique sociale, l’autodérision et le désenchantement nostalgique, le Cowboys Fringuants sont encore, finalement,  très loin d’être des hasbeens. 

En tournée au Québec et dans la francophonie dès le 10 décembre. 

**** 

vendredi 25 novembre 2011

Bashung chante Gainsbourg



Alain Bashung
L’homme à tête de chou

Rencontre au sommet chez les morts : Après l’Histoire de Melody Nelson, son prédécesseur paru 5 ans plus tôt (1971), cet album-concept, qui à aussi fait un bide à sa sortie, est le second volet d’un diptyque désormais promu au rang d’œuvre culte par les initiés. 

On se souviendra qu'il s'agit d'un l'histoire d'un quadragénaire (Gainsbourg) qui tombe érotiquement amoureux d'une shampouineuse fantasque (Jane Birkin) qui sera assassinée par son amant jaloux.

Seul Bashung pouvait s'y frotter tout en imposant le respect eu égard à son rang. 

Ce qui fût fait en 2009 grâce aussi à la musique réenregistrée par Denis Clavezolles (JL Murat) et mixée par Jean Lamoot (Fantaisie militaire, Des visages, des figures...) dans le cadre d’un spectacle de danse chorégraphié  par Jean-Claude Gallota. 

Spectacle où Bashung devait chanter live n'eût été du putain de crabe (lire cancer) qui le rongeait.

Voici enfin le cd. **** 


jeudi 24 novembre 2011

The Artist : le film événement en noir et blanc

Jean Dujardin et Bérénice Béjo livrent un savoureux numéro de danse dans The Artist

Le fabuleux destin de George Valentin

Pas d’explosion, pas de couleurs, ni même de dialogues et pourtant The Artist sera le film événement des prochaines semaines


Il en fallait de l’audace pour, à partir d’une idée saugrenue lancée sur le plateau du succulent OSS 117 : Le Caire, ni d’espions (2006), convaincre un producteur (Thomas Langmann), se rendre à Hollywood et tourner un film hommage au cinéma américain des années vingt.

Cette audace de réaliser son fantasme cinématographique le réalisateur Michel Hazanavicius l’a eue et Jean Dujardin, après une courte hésitation, a accepté de tenir le rôle principal.

En plein âge d’or du cinéma hollywoodien des années folles, le célèbre acteur George Valentin (étonnant Dujardin) voit son étoile pâlir et sombre dans la déliquescence avec l’arrivée du parlant. De son côté, Peppy Miller (énergique Bérénice Béjo), la jeune figurante à laquelle il avait donné un coup de pouce, est propulsée au sommet de la gloire. Leur destin commun ne fait que commencer…

Si l’audace initiale de Hazanavicius, qui distille ici et là des clin d’œil à ses maitres dont Chaplin pouvait sembler farfelue, elle s’avère fort heureuse puisque cette comédie romantique est non seulement promise à un bel avenir en salles nord-américaines mais pourrait bien concourir à la prochaine cérémonie des Oscars du 26 févier prochain.

Et cela dans plusieurs catégories dont celle du meilleur film et du meilleur acteur. Notons que Jean Dujardin a déjà raflé la statuette du meilleur acteur au dernier Festival de Cannes alors que le film n’était pas destiné originellement à être présenté en compétition officielle.

Le charme

C’est que le charme opère dans cette histoire qui, malgré ses moments légers, porte aussi sur la résilience et l’adaptation au milieu dans un monde en perte de repères. Comme à l’époque où se déroule le film, la société d’aujourd’hui est en proie l’instabilité économique, au chômage et à une certaine propension au jeunisme. Sans parler de l’orgueil, l’ego et de l’arrogante vanité du succès.

Jean Dujardin est étonnant et fort crédible dans The Artist
Cela dit, la trame de fond du film, plutôt mince, demeure premier degré : une histoire d’amour qui n’est pas sans évoquer les contes de châteaux sauf que, cette fois, c’est plutôt la belle qui vient à le rescousse du prince déchu.

Bien que le tout ne soit pas sans longueurs, Hazanavicius est parvenu à transposer un maximum d’émotions grâce aux différents codes qu’il emploie et au jeu fortement appuyé des acteurs. La musique particulièrement efficace de Ludovic Bource (qui avait collaboré à L’impudence  de Bashung) n’est pas étrangère à cette homogénéité.

Peut-être légèrement surévalué en raison de la paradoxale originalité de sa facture, L’Artiste et sa «réalité stylisée» demeurent un savoureux spectacle qui saura vous émouvoir tout en vous faisant sourire et pourra, de surcroit, plaire à toute la famille.

*** 1/2

À l’affiche dès le 9 décembre au Pine à St-Adèle et au Beaubien à Montréal.


Merci à l'équipe du Journal Accès qui a publié ce texte dans son édition de cette semaine.



lundi 21 novembre 2011

Avoir autant écrit : Salut Tabra !

C'est aujourd'hui que paraissait enfin dans les bac des disquaires l'album «Avoir autant écrit». Un collectif qui rend hommage au parolier Roger Tabra et sur lequel j'ai eu le privilège d'écrire une petite préface. Puisque nous sommes entre-nous, voici un hommage plus personnel. 

Tabra par Martin Sévigny
1992. Laurentides. Chez Coco, bar mythique. En guise de drapeau, j’avais enfilé mon t-shirt qui arborait la gueule de Ferré. Convaincu que s’il me remarquait, Tabra aller y déceler une éventuelle complicité.

Il venait de débarquer au Québec. L’a fait son tour de chant. Encore subjugué, suis allé à la table des amis puis j’ai chanté : « on est putain du désespoir/quand c’est lui qui nous paye à boire...», une chanson de Tabra que nous connaissions déjà vu qu’on se passait son démo sous le manteau.

Soudainement, une voix venue d’outre monde s’est approchée de plus en plus et a accompagné la mienne. 


C’était lui avec sa superbe de desperado, d’anar, de baroudeur rescapé de l’Atlantide qui venait me livrer le secret du triangle des Bermudes.

Sommes devenus des chums. Puis complices. Sa blonde venait de le larguer. Il créchait chez moi. 500 coups. Téléphonait la mienne pour lui dire combien je l’aimais, je faisais de même avec son ex…

Cinéma permanent en alcoolorama.

Puis, le cercle s’est élargi : poètes, auteurs, peintres, intellos, comédiens et bien sûr les superbes filles de la nuit… Effervescence naissante. Il en était le centre. Gourou de nos jeunes années.

J’avais l’impression de vivre dans un roman où les personnages sublimaient le crépuscule. Il s’est écrit tant de choses au cours de ces nuits écartelées…

Tabra est désormais le plus grand parolier du Québec voire de la francophonie. Lapin dessine sa légende et fait accourir les foules. Mistral demeure le meilleur écrivain de sa génération. Les autres ont tracé leur route. 


Et moi, notamment grâce à Tabra qui relisait jadis mes premiers textes, suis devenu journaliste et j'ai connu le privilège de rencontrer tous ces gens qui danseront encore sur mes souvenirs au soir de ma vie.

Et j’aurai alors, comme en ce moment, un souvenir parfumé de Gitane. Je penserai à lui, ce vieux frère de la nuit qui m’aura appris à transgresser la pudeur des hommes lorsqu’ils parlent des choses du cœur. 


À lui qui m’aura aussi permis de vivre mon Saint-germain des Prés à moi. Sous le ciel de Montréal.

La trame sonore est désormais aussi entre vos mains, bande de veinards.

Salut Camarade.


Claude André

vendredi 18 novembre 2011

Hughes Aufray : nostalgie quand tu nous tiens

Hugues Aufray
Troubador Since 1948

Après le succès français de son excellent album dylanesque New Yorker (2009), qui a malheureusement passé comme une balle de ce côté-ci de la grande mare, le vénérable troubadour de 82 ans (!) qui fut l’idole de Renaud (et avec lequel il est question d'une tournée éventuelle), revisite ses grands succès sur des rythmes folks, brésiliens, et, entre autres, espagnols.

Pour ce faire, il est accompagné de la même équipe de top musicos que sur New Yorker avec, notamment, Jimmy Breaux de BeauSoleil à l'accordéon sur
«Prends la vie comme telle», de l'étonnante violoniste Sarah Watkins (de Nickel Creek) sur «Les portes du pénitencier» en version plus soft que celle de Johnny, en plus de Herb Pedersen et Pat Sauber (de Loafer's Glory) aux guitares et banjo sur la version bluegrass du classique «Santiano».

Et cela sans parler de la lunaire Françoise Hardy qui officie en duo sur «J'entends siffler le train» ou de le l'indispensable Hammond B3 chevauchée par Brad Cole.

Si certains textes d'Aufray font sourire en 2011 avec leur moralisme à deux balles (Céline, Les portes...) ou leur côté franchouillard américanisé, cet album qui carbure à la nostalgie vachement bien orchestrée accroche néanmoins un sourire béat de bonheur et la voix du troubadour est vraiment fidèle au poste.

Et nous, on est pas du genre à bouder notre plaisir pour des considérations hipstériennes ou autres. 


mercredi 16 novembre 2011

Le Vendeur : sympathique crosseur




Vendre son âme

Le vendeur, chaudement accueilli dans plusieurs festivals dont le prestigieux de Sundance, n’est pas sans évoquer les grands films d’hiver du cinéma québécois des seventies.

Marcel Lévesque, un vendeur de chars usagés, sexagénaire et veuf vivant au Lac Saint-Jean (Gilbert Sicotte, puissant), mène une vie composée d’attente de clients éventuels, de « mensonges enrobés de fleurs » et de moments doux en compagnie de sa fille adorée et de son petit-fils, à qui il apprendra les rudiments de la vente dans une scène mémorable.

En parallèle, une grève qui perdure à l’usine de pâte et papier plombe le moral des travailleurs et menace de chambouler toute l’économie du patelin.

Malgré sa collection de trophées et de médailles qui officialisent en toc ses dons de vendeur, et cela depuis des décennies, Marcel enregistrent toujours ses pitchs livrés aux clients sur un magnétophone afin de s’améliorer encore.  

Au grand dam de sa fille (Nathalie Cavezzali, très juste), une sympathique coiffeuse, qui se demande, comme le spectateur, pourquoi il persiste de la sorte. Elle qui, bienveillante, voudrait le voir se reposer et faire attention à lui, histoire de le garder longtemps.

Substance

Gilbert Sicotte livre une performance de haut vol 
Et c’est là que se jouera toute la substance de ce film qui distille aussi une puissante réflexion sur le sens des valeurs et le destin : Marcel, incapable de décrocher de ce rôle de vendeur, sa seule identité sociale, non seulement passe à côté de sa vie, mais il devra aussi assumer les lourdes conséquences de ses petits calculs.  

En nous proposant une histoire proche des gens et philosophiquement profonde, Sébastien Pilote s’est inspiré du parti pris pour la working class d’un Bruce Springsteen – il faut voir la scène du spectacle dans le sous-sol d’église à la fois drôle et respectueuse – mais aussi de La Cerisaie, pièce du célèbre dramaturge russe, Anton Tchékhov, qui illustrait la fin d’un monde auquel on reste attaché. Comme c’est la cas de ce vendeur vieille école qui, par certains aspects, n’est pas sans rappeler le célèbre « crosseur sympathique » qu’était Jean-Paul Belleau. Ce personnage créé pour la télé par Lise Payette et rendu célèbre par le même Gilbert Sicotte dans les années quatre-vingt.

Clin d’œil du hasard, la papetière AbitibiBowater installée à Dolbeau-Mistassini, au Lac Saint-Jean, devait effectivement fermer pendant le tournage. Le réalisateur Pilote, un fils du Saguenay, s’est donc servie de ses entrevues réalisées avec des véritables travailleurs de l’usine pour apporter une touche de cinéma-vérité à son film poético-réaliste poignant, magnifié des images signées Michel La Veaux. À voir.





Le Vendeur est actuellement à l’affiche au cinéma Pine et au Beaubien.


Merci à l'hebdo Accès qui a publié ce texte dans son édition en cours.

jeudi 10 novembre 2011

Arno au Rayon X



Arno en prestation au Festival des nuits secrètes
Arno : Discomanie

Puisque le magnétique Arno, un des top chanteurs de mon petit panthéon perso, sera sur scène à Montréal ce soir dans le cadre de Coup de coeur francophone, je vous propose une sympathique reprise d'une entrevue réalisée en 2008 qui portait sur ses choix musicaux.

Hélas trop méconnu dans nos parages, le Belge Arno demeure une légende du rock européen encensée tant par ses pairs («Tribute to Arno») que par les amateurs de rock qui craquent pour sa voix déchirée, sa dégaine de flibustier et ses chansons délirantes. Sur chacun de ses disques, le zigoto s’est toujours affairé  à reprendre soit des chansons qui le font pleurer (Brel) ou plutôt rire (Abba). À l’occasion de la publication de Covers Cocktail, on a soumis au détecteur de musique cette bête de scène qu’on ne saurait trop vous conseiller de (re)découvrir sur You Tube avec, par exemple, sa reprise de la géniale «Comme à Ostende», de Ferré/Caussimon (ci-haut).

Claude André
Album ou chanteur européen préféré ?
Ah, ça c’est difficile….. Jacques Brel.

Album américain que tu aimes le plus ?
«Blonde On Blonde», Bob Dylan.

Quelle est selon toi la plus belle chanson du monde ?
Ça dépend dans quel état on est.

En ce moment ça serait quoi ?
Aujourd’hui, c’est une chanson d’un groupe canadien qui s’appelle Arcade Fire ( !). Je suis un fan de ça, Tout l’album Funeral.

Tout à l’heure, tu me disais que tu picoles pas mal au bar du festival des films de Ostende ces jours-ci, le meilleur album pour s’enivrer c’est quoi ?
C’est Abba (rires). Dans le temps je n’étais pas fan mais maintenant j’ai un disque et quand j’entends Abba je suis heureux.

Tu prends un malin plaisir à effectuer des reprises de trucs considérés ringards comme Adamo ou Abba…
Ben, j’aime la musique hein, de toute sortes. Il faut être ouvert car, autrement, quand on aime qu’un genre de musique, on est pauvre. C’est la même chose que manger les mêmes mets tous les jours. Dans tous les genres il y a des bonnes choses. Comme la chanson de Abba que je reprends, quand on écoute le texte, c’est une chanson très triste hein.

Le meilleur album pour baiser ?
Avec Viagra ou sans (s’esclaffe de rire) ? Non, je n’ai jamais pris ça parce que ce n’est pas bon pour le cœur. Mais je n’en ai pas besoin parce que je mange beaucoup de céleris… Écoute, quand je baise, je n’écoute pas la musique. Je fais de la musique moi-même…

Un fantasme musical ?
Moi, mon rêve depuis très longtemps, c’est de faire un duo avec Mireille Mathieu. Tu sais pourquoi hein ? Parce qu’elle a une coiffure comme une bite. Et depuis 45 ans elle n’a pas changé. La reprise de Ils ont changé ma chanson de Mélanie (Safka) que je fais avec Stéphan Eicher, au début je voulais que ce soit avec Mireille Mathieu mais elle a peur de moi.

Pourtant tu chantes «Élisa» de Gainsbourg avec Birkin et elle est toujours vivante …
Oui, mais Birkin c’est ma sœur…

Arno, qui est selon toi le plus grand rocker de tous les temps ?
Jésus Christ. Pourquoi ? Il a l’image : les longs cheveux, la barbe…C’était le premier rocker et on parle encore de lui.

Et le plus grand rocker vivant ou contemporain ?
Ben Laden !

Dernier coup de cœur musical ?
Il s’agit d’un duo de New York ; MGMT

La chanson la plus ringarde ?
«Happy Birthday To You»

Chanson la plus difficile à chanter pour toi ?
Il y en a plein, plein, plein…Disons «Figaro si, Figaro là».

La chanson qui te procure le plus d’émotions ?
«Like A Rolling Stone» de Bob Dylan.

Et la musique québécoise, tu aimes ?
Il y a un type, il était très connu dans le temps, j’adore ce mec. C’est quoi déjà son nom ? Dis-moi des noms…Il a un gros nez et des gros oreilles et des cheveux à côté comme ça… Gilles Vigneault ? Oui, c’est ça. Et Leonard Cohen ? Ah oui, j’adore. Ça c’est un des meilleurs hein.

Tu as des idoles ?
Je suis un fan de Caussimon (Jean-Roger). Parce que c’est un mec qui était un non-conformiste. Dans le temps, lorsqu’il allait à Cannes par exemple pour ses films, il jamais ne dormait dans un hôtel. Il préférait toujours rester dans son caravane avec ses chiens. Et pendant l’été, il dormait dehors sur les bancs à Barbès (quartier de Paris). J’ai rencontré son fils et j’ai parlé déjà de lui avec Michel Piccoli. C’est un mec formidable. J’aime aussi beaucoup Jacques Dutronc.

Bonus Tracks :

Puisque tu reprends Elisa, quel est ton album préféré de Gainsbourg ?
J’ai pas un disque de Gainsbourg ! Je te jure. J’ai beaucoup de respect pour le monsieur c’est très bizarre…

Sur Covers Coktails, tu chantes «Drive My Car» des Beatles, ton disque préféré du Fab Four?
Revolver.

Et pour partir sur la lune ?
Like a Rolling Stone et Blonde on Blonde de Bob Dylan.

mercredi 9 novembre 2011

L'homme qui voulait vivre sa vie avec Romain Duris



Je est un autre

Une performance éblouissante de Romain Duris dans un thriller existentiel composé de ruptures de ton très efficaces.

Paul Exben (Romain Duris), un avocat financier parisien à la belle gueule, roulant en BM et portant des complets top classe, mène une vie professionnelle rayonnante, mais semble déchiré intérieurement. Côté sentimental, sa femme (Marina Foïs effacée), apprentie auteure peu épanouie dans son rôle de femme au foyer, remet en question leur couple au risque de briser la famille qui compte deux jeunes enfants.

Alors qu’il découvre que sa femme à un amant, Paul décide de lui rendre visite sous prétexte d’évoquer leur passion commune pour la photo. Au gré des circonstances, il commet l’irréparable. Ce qui le contraint à s’exiler et à entamer une nouvelle vie, celle dont il a toujours rêvée.

Reposant sur le jeu du très convaincant Romain Duris, le film réalisé par Éric Lartigau est une adaptation du très touffu roman du même nom de Douglas Kennedy où il explorait, comme il l’a dit lui-même, « l’idée que chaque homme est très doué pour construire sa propre prison, le mariage étant la prison la plus commune ». Ce qui aurait pour effet, selon l’écrivain, de souvent distiller un sentiment confus de culpabilité dans le couple.

L’exil
Romain Duris est formidable dans L'homme qui voulait vivre sa vie.

À travers la transformation de Paul – qui n’est pas sans rappeler le très beau film Vila Amalia (2008) avec Isabelle Huppert, qui portait aussi sur la fuite de soi à l’ère hypermoderne –, nous assistons aussi à une sorte de rédemption.

Grâce à son talent inouï de photographe, Paul réalise le rêve de Greg, son ancien rival, un photographe free lance, à qui il a emprunté sa nouvelle identité.

Au second degré, on assiste également à une critique de la société contemporaine fondée sur l’apparence, le vide et la marchandisation de la beauté, qui se greffent à un plaidoyer pour les arts – ici, la photo – ainsi qu’à une exploration captivante d’un fantasme propre à la plupart d’entre nous : « Et si je changeais de vie? ».

Le parti pris pour les petites gens – transposé par une démarche proche du documentaire au moyen de magnifiques images de la vie autour d’un port de Serbie, vu par un ancien bourgeois qui trouve enfin son identité – servira de manifeste en faveur de l’authenticité.

Ce sacro-saint imaginaire moderne dont tout le monde se réclame mais que peu de gens, finalement, osent réellement assumer.

Malgré sa conclusion plutôt bancale, ce film à suspense composé de ruptures de ton entre tension et liberté vous fera passer un sacré bon moment.


*** 1/2

L’homme qui voulait vivre sa vie est présentement à l’affiche au Pine et au Beaubien à Montréal.




Merci à l'hebdo Accès Laurentides qui a publié ce texte dans son édition de cette semaine.

samedi 5 novembre 2011

Camille is Back

Camille
Ilo Veyou                                      

Exploratrice d’ambiances musicales emplies de théâtralité, la performeuse à l’esprit anar utilise encore sur ce 4ième album studio sa voix comme d’autres des palettes de couleurs.

Couleurs parfois brinquebalantes grâce à la présence d'un piano préparé. C'est à dire un piano que l'on «prépare» en disposant sur ses cordes des pinces à linge, morceaux de carton, visses, trombones à papier... Un des grands précurseurs du genre est John Cage.

Mais aussi couleur organiques des années hippies, couleur black soul, couleur d'oiseaux bigarrés, couleur ménestrels et couleurs pastels de l'enfance (elle fait toutes les voix sur une chorale d'enfants !).

Acoustique, on y retrouve également quatuor à cordes, tuba, cors, contrebasse et guitares.

Dans un esprit libertaire mais non conceptuelle, l'opus mixé par Oz Friz (Tom Waits) va du folk au R&B en passant par la chanson française dérisoire et la comptine pour nous envelopper dans une bulle tout a fait cohérente, apaisante et parfois souriante. 

*** ½


mercredi 2 novembre 2011

Monsieur Lazhar : humanisme dépouillé


Monsieur Lazhar

La beauté des choses vraies

Fable à fois lumineuse et profonde, Monsieur Lazhar du réalisateur Philipe Falardeau célèbre la résilience et la beauté des petites choses de la vie.

Les plus grands espoirs sont désormais fondés sur le dernier film de Philippe Falardeau (C’est pas moi, je le jure!, Congorama, La moitié gauche du frigo) qui a été officiellement choisi pour représenter le Canada dans la course à l’obtention de l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, et ce, devant Starbuck et Café de Flore.

Un choix judicieux compte tenu des qualités intrinsèques de ce film humaniste et dépouillé d’artifice, racontant l’histoire d’un sans-papiers algérien menacé d’expulsion qui propose ses services à une directrice d’école primaire (très juste Danielle Proulx) après avoir lu dans un journal qu’une enseignante de sixième année s’était enlevée la vie.

Adaptée d’une pièce d’Évelyne de La Chenelière conçue pour un seul personnage, cette fable moderne pose un regard sur l’Autre à travers les différences culturelles qui se déploient, mais aussi sur le deuil, les questions existentielles, l’enfance et la mort, égratignant au passage notre système d’éducation. Et cela sans moralisme ni racolage, mais plutôt en distillant un savoureux amalgame d’humour et de tragique.

Là où d’autres auraient été tentés d’utiliser la présence des enfants pour rajouter dans les scènes dramatiques, on demeure ébahi devant la justesse du ton et la délicate intelligence tant du jeu de la caméra que de la direction d’acteurs.

Subtile authenticité

Monsieur Lazhar, incarné par l’Algérien Fellag, se révèle transcendant de force tranquille et d’humanisme lettré, tandis que les deux enfants – Simon (Émilien Néron, troublant) et Alice (Sophie Nélisse, mature) –, sont empreints d’une rare et subtile authenticité.

Chacun à sa façon livre un personnage à la fois nuancé et porteur d’un volcan intérieur. Simon est lesté de ses mensonges coupables, alors qu’Alice a choisi d’instinct d’aborder la question du suicide de façon frontale.

Le tout, comme pour nous dire en filigrane, que chez les petits comme chez les grands, il demeure vain de chercher des vérités manichéennes ou une réponse absolue.

Le salut et la résilience ne résideraient-ils pas, finalement, dans le doute, le mystère et… la beauté des petites choses?

Le film Monsieur Lazhar est présentement à l’affiche dans plusieurs cinémas, dont le Pine à St-Adèle et le Beaubien à Montréal.

Merci à l'hebdo Accès Laurentides qui a publié ce texte dans son édition de cette semaine.






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