mercredi 21 septembre 2011

Omar m'a tuer (sic) : délit de sale gueule

               Sami Bouajila livre une performance remarquable dans le film «Omar m'a tuer». 

Présumé coupable

S’appuyant sur un fait divers qui a chamboulé la France au début des années 90, le thriller judiciaire Omar m’a tuer (sic) vous tiendra en haleine du début à la fin.

En 1991, Ghislaine Marchal, la veuve d’un riche industriel, est retrouvée morte dans la cave de sa villa cossue située dans le Sud de la France. À ses côtés, sur une porte blanche, écrit en lettres de sang, on peut lire : « Omar m’a tuer ».

Beding, bedang, Omar Raddad (remarquable Sami Bouajila), le jardinier de la richarde au caractère difficile est appréhendé. En plus d’avoir la mauvaise idée d’être un sans-papier marocain, le type possède un penchant pour les machines à sous et, le vilain, ne s’est pas donné la peine d’apprendre le français.

Le coupable est donc tout désigné et il se retrouvera en 1994 derrière les barreaux et condamné à une peine de 18 ans de réclusion.

Heureusement pour lui et l’honneur des causes perdues, un journaliste littéraire partage les doutes de plusieurs de ses compatriotes quant à la réelle culpabilité d’Omar.

Jouant les Zola – le célèbre écrivain qui s’était employé jadis à défendre le capitaine Alfred Dreyfus, injustement accusée et condamné pour haute trahison parce que sa judaïté en faisait un bouc émissaire idéal –, le journaliste Pierre-Emmanuel Vaugrenard (très fort Denis Podalydès qui nous a récemment ébloui en Sarkozy dans La Conquête) mène une enquête sur l’enquête.
 
Et ce qu’il découvre n’a rien pour faire honneur à la justice dans le pays qui a vu naître les droits de l’homme.

Montage serré, dialogues enlevants, indices interrogateurs, le rythme du film vous tiendra captif du début à la fin, tout en vous prenant à témoin.

Doutes

Mais, car il y un mais, les esprits les plus cartésiens resteront un tantinet déçus : avec son parti pris manifeste pour Raddad qui, après sept années de taule, a finalement été gracié partiellement par le président Chirac (à la suite à une intervention du roi du Maroc, chuchote-t-on) et ensuite libéré, le film ne nous dévoile guère le point de vue de l’accusation, l’État français.

Lui qui, à ce jour, n’a non seulement pas officiellement innocenté le jardinier Raddad, mais refuse toujours de comparer des échantillons de tests d’ADN. Pourquoi ? La question demeure entière et elle semble trop facilement évacuée par le réalisateur Roschdy Zem au profit de l’évocation, encore brumeuse bien que possible, d’un complot. *** ½

NB : Une entrevue avec le réalisateur Roschdy Zem réalisée par l'excellente Odile Tremblay et publiée dans Le Devoir d'aujourd'hui nous apprenait que la justice  française a effectué, après la sortie du film,  des tests d'analyses de l'ADN mêlé au sang de la victime dans les lettres ensanglantés inscrites sur la porte. L'État refuserait encore à ce jour de dévoiler les résultats. Crainte de perdre la face donc de la légitimité institutionnelle  ? 

Merci à l'hebdo Accès Laurentides qui a d'abord publié cette critique dans son édition en cours. 

Omar m’a tuer sera à l’affiche au Pine de Saint-Adèle et au cinéma Beaubien dès le 23 septembre.



1 commentaire:

annecampagna a dit…

excellent texte mais comme un cinéaste n'a pas obligation d'objectivité, art oblige, je comprends qu'il ait choisi un point de vue subjectif sur la cause...non?