dimanche 23 novembre 2008

Escrime Ancienne


Frères d’armes


«Qui vit par l’épée, périra par l’épée» dit-on depuis des siècles. Et si cela aidait plutôt à mieux vivre ?


Claude André


Épée longue, bâton et arme d’hast ou épée et bouclier, bien qu’ils ne soient pas pressés de périr, les Duellistes se brandissent des armes à la figure à raison d’une, deux ou même trois fois par semaine. Et cela pour leur plus grand bienfait !


En effet, une douzaine de personnes intéressées par le maniement des armes du Moyen Âge se réunissent régulièrement sur le Plateau afin de s’exercer à cet art martial qui a retrouvé ses lettres de noblesse grâce au rayonnement de films tels Braveheart, 300 et autres Timelime.


Un des trois fondateurs des Duellistes, cette école d’escrime ancienne fondée en 2005, s’est d’ailleurs retrouvé, au hasard du montage, à incarner l’archet tueur du héros dans le film 300 qui a été tourné à Montréal en 2006. Mais contrairement à ce que l’on retrouve au cinoche, le professeur Patrick De Marchi et ses deux acolytes se préoccupent de l’efficacité plutôt que du spectaculaire. «On enseignait dans une autre école d’escrime ancienne de Montréal. Et depuis quelques années, tous les trois et d’autres avions commencé à prendre un virage historique dans l’interprétation de l’escrime ancienne. Depuis la fondation de notre école, on s’appuie scrupuleusement sur des textes et images de la fin du Moyen Age qui expliquent comment manier certaines armes. Notre but est d’enseigner en 2008 ces techniques qui à l’époque étaient des arts d’auto-défense», explique le Suisse d’origine italienne avec une voix à la fois calme, didactique et passionnée.


Hurluberlus ?


Puis, en ce samedi matin dans un local d’un centre communautaire situé près du Marché Jean-Talon, l’autre endroit où s’activent les Duellistes, il invite le journaliste à s’armer pour une leçon de maniement d’épée de bois en compagnie d’une demi douzaine d’aficionados des armes anciennes, dont une très jolie représentante du beau sexe, qui eux simulent des séquences de combat avec gants, épée de fer, bouclier et masque. Drôle d’activité dites-vous ? Comme pour toutes les formes d’arts martiaux, l’escrime peut s’avérer une sorte d’allégorie de la vie. En plus d’y affûter nos réflexes, on y développe des instincts utiles comme la concentration, la faculté de voir venir les coups, les esquiver, contrôler la violence, la sienne et celle de l’autre, tout en pratiquant un sport noble où tous les muscles sont mis à contribution.


Puisque l’esprit chevaleresque est mis de l’avant, on ne retrouve pas de compétition chez les Duellistes. Et les partenaires d’entrainement changent au gré des séances. «Le sport cherche à déterminer un gagnant en donnant des points tandis que l’art martial lui propose que l’un des deux adversaires prenne le contrôle d’un combat», résume Patrick De Marchi. Voilà pourquoi on s’entraîne aussi sans armure. Être ainsi vulnérable fait en sort que les adeptes de l’escrime ancienne développe une fraternité et un self contrôle fort appréciable.

Il en coûte 210.00 $ par tranche de quatre mois. Qui sait, peut-être qu’avec des conservateurs au pouvoir à Ottawa, le duel redeviendra, comme au Moyen Age, un moyen légal de régler un différent entre deux parties. Efficace façon de s’en remettre à Dieu comme on le croyait alors. La première séance d’essai est gratuite.


Les Duellistes

L’École d’escrime ancienne

www.lesduellistes.com

551 Avenue du Mont-Royal est.

514-728-3071

vendredi 21 novembre 2008

La vérité sort de la bouche des enfants...

Parait que ce sont des enfants du primaire qui ont répondu à ces questions :


1-Dans la phrase 'Le voleur a volé les pommes', où est le sujet ?
Réponse: 'En prison..'

2-Le futur du verbe ' je baille ' est ?
Réponse: 'je dors'.

3-Que veux dire l'eau potable ?
Réponse: 'C'est celle que l'on peut mettre dans un pot'.

4-Qu'est-ce qu'est un oiseau migrateur ?
Réponse : ' C'est celui qui ne peut que se gratter la moitié du dos'.

5-Quoi faire la nuit pour éviter les moustiques ?
Réponse: 'Il faut dormir avec un mousquetaire'.

6-À quoi sert la peau de la vache ?
Réponse: 'Elle sert à garder la vache ensemble'.

7-Pourquoi le chat a-t-il quatre pattes ?
Réponse: 'Les 2 de devant sont pour courir, les 2 de derrière pour freiner'.

8-Quand dit-on 'chevaux' ?
Réponse: 'Quand il y a plusieurs chevals'

9-Qui a été le premier colon en Amérique ?
Réponse: 'Christophe'.

10-Complétez les phrases suivantes :
À la fin les soldats en ont assez...
Réponse: 'd'être tués'.

Je me réveille et à ma grande surprise...
Réponse: 'je suis encore vivant'.

La nuit tombée...
Réponse: 'le renard s' approcha à pas de loup'.

11-L'institutrice demande : Quand je dis «je suis belle» quel temps est-ce ?
Réponse : 'Le passé, madame'.

12. Pourquoi les requins vivent-ils dans l'eau salée?
Réponse: 'Parce que dans l'eau poivrée, ils tousseraient tout
le temps.'

jeudi 20 novembre 2008

Alain Souchon: Écoutez d'où ma peine vient


Bonjour tristesse

Entre mélancolie et critique sociale, l’épagneul triste de la chanson française revient faire l’événement.

Claude André

Là où le grand Ferré assénait, Souchon suggère. Encore une fois, il nous revient avec ses ritournelles accrocheuses et d’apparences légères qui, subrepticement, sont souvent très lourdes de sens. Comme il l’avait fait avec son album précédent La Vie Théodore publié en 2005 sur lequel on retrouvait la magnifique «Et si en plus y’a personne» qui s’interrogeait sur l’existence de Dieu en constatant l’horreur que l’on commet en son nom. Le tout sur une musique signée par l’éternel complice Laurent Voulzy.

Complice que l’on retrouve que sur la seule «Popopo» (lire encadré) sur Écoutez d’où ma peine vient. Un chapitre qui a bien failli s’intituler San Lorenzo d’ailleurs en raison de la présumée absence totale de «Lorenzo» Voulzy trop affairé ailleurs.

D’emblée on retrouve cette exquise mélancolie propre à celui qui a aussi marqué le cinéma français pour son rôle de Pin-Pon dans le film L’été meurtrier en 1983.

La chanson titre qui ouvre l’album nous révèle tout ce qui fait école chez Souchon. Un petit air caramélisé qui s’installe comme un vieux copain que l’on retrouverait avec en toile de fond une orchestration au charme légèrement suranné. Puis, hop, le clinicien de la quotidienneté, à coups de références iconiques sur la vacuité de l’époque, comme celle sur Paris Hilton, nous balance le coup d’estoc final en évoquant les ours blancs qui nous regardent d’un drôle d’air pour nous parler de pollution. Efficace.

Il fait également tilt lorsqu’il magnifie la mélancolitude avec un texte d’Aragon qui lui fait dire «Oh la guitare quand on aime et l’autre ne vous aime pas» (Oh la guitare). «C’est d’ailleurs pour cette phrase que je l’ai choisie» confiera-t-il. Prince des jours pluvieux, il est toujours aussi touchant lorsqu’il relate les amours impossibles au gré des saisons (Les saisons).

Épik épok

Tandis que le premier extrait «Parachute doré», criant de vérité, s’avère on ne peut plus pertinent avec la crise du capitalisme qui sévit au États-Unis, se nomme ainsi en référence à ces ponts d’or que l’on offre aux dirigeants d’entreprises pour les «remercier» de mettre des centaines voire des milliers de gens sur la paille.

Mais le parolier Souchon ne risque –t-il pas d’appliquer un sceau de péremption sur ses chansons avec ce procédé référentiel ? «Les chansons, même celles de Charles Trenet qui son pourtant immortelles par la musique, par le phrasé et par la voix appartiennent à leur époque. Sinon, on ne chanterait plus (il chante Voyage au Canada) : Nous irons à Montréal à cheval/Nous irons à Toronto en auto/Passant par Chicoutimi endormis et nous irons au lac Saint-Jean en nageant… On ne chante plus comme ça maintenant. Et pourtant c’était joli hein ?». En effet.

Entre nostalgie et observations sociales lucides, comme il l’avait fait pour l’humaniste Théodore Monod sur l’album précédent, Souchon rend cette fois hommage à Françoise Sagan sur fond de piano ragtime. Une figure antinomique pour celui que l’on imagine plus facilement siroter une tisane au bord de la mer de Bretagne qu’écluser un scotch en bolide entre deux rails de poudre d’escampette ? «Je l’aime beaucoup. Je bois des tisanes parce que je ne supporte pas bien le whisky bien que j’aime. Elle était quelqu’un d’extrêmement mélancolique qui avait cette élégance d’être toujours drôle et qui noyait tout ça dans des buées d’alcool et de drogue tout en disant des bons mots et des gentillesses à tout le monde». Drôle et mélancolique. Tiens, tiens…

Écoutez d’où ma peine vient

Dans les bacs à compter du 12 décembre.

EMI/Fusion 3.

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À bas les mythes ?

Bien que plutôt associé au courant de gauche, Alain Souchon lance une petite bombe au sujet d’Ernesto «Che» Guevara, ultime icône des altermondialistes et gauchistes de tout acabit.

Sur «Popopo», vous déboulonnez le mythe du dernier héros romantique politique?
Un peu. Parce que Che Guevara était un homme qui était extrêmement brillant. Mais enfin, il y a un portrait qui a symbolisé un désir de liberté pour des tas de populations et tout ça est vrai. Il avait une belle image, il était beau, portait un béret et présentait une image réconfortante pour des tas de gens. Mais dans la vie quotidienne, si on creuse un peu, on s’aperçoit que ce qu’il aimait c’était l’aventure, les armes à feu, fusiller des gens…C’était quand même ça son truc, il était avant tout un guerrier.

Plusieurs personnes prétendent qu’il s’agit d’une fabulation de la droite pour discréditer le mythe?
Il est possible que ce soit faux mais il y a beaucoup de témoignages selon lesquels il s’est conduit d’une manière très cruelle et qu’il aimait bien manier les armes à feu.

Vous semblez vouloir vous en prendre au romantisme révolutionnaire notamment avec la chanson «8m2» qui évoque la superficie des cellules où se retrouvent enfermées des compagnes de combattants… Oui, des garçons qui tuent des gens et entraînent leur compagne dans des bêtises et puis après leur vie est foutue. J’ai été voir des femmes en prison qui m’avaient invité à Fleury-Mérogis pour faire une petite radio interne, vous savez c’est bouleversant. Ce sont des femmes, elles ont des bébés et ne peuvent pas les voir…Une femme ce n’est pas fait pour être en prison. C’est beaucoup plus cruel pour une femme que pour un homme d’être là.

mercredi 19 novembre 2008

Le peintre Desson

Marquer son territoire

Pour Denis Chiasson, alias Desson, pas question de laisser un autre artiste s’emparer de ses années pain noir…


Claude André


Sidney (C-B), Vancouver, Calgary, Toronto, Lancaster (Ont.), Magog, Québec, Charlevoix, Chicoutimi, Saint-Jean-Port-Joli et Terre-Neuve, l’artiste Desson a entrepris de sérieuses démarches pour que ses œuvres inspirées de la recherche de la femme idéale se retrouvent un peu partout au Canada (mais toujours pas à Montréal !).

Cela pourrait en étonner plusieurs, mais s’il a investi autant d’efforts et d’énergie pour effectuer cette répartition, c’est surtout parce qu’il tient à marquer son territoire… comme d’autres plantent des drapeaux.


C’est avec une honnêteté presque candide que l’artiste de 38 ans nous a récemment expliqué, dans la cuisine de sa petite maison de Boucherville, qu’il tient à signaler sa présence partout au pays afin d’éviter que des usurpateurs éventuels ne viennent proposer des œuvres plagiées ou fortement inspirées du style qu’il a développé et peaufiné pendant des années. Parano ? «La peur de me faire copier me hante constamment. Ce milieu est très dur. Cela me ferait beaucoup de peine et ça irait très mal…Je retrouverais la personne», explique l’artiste sur un ton très posé. «Si cela s’est déjà produit ? Non. En fait, oui. Il arrive parfois que des dames d’âges mûrs m’envoient des photos de reproductions de mes toiles mais ce n’est pas comme aller proposer ces tableaux en galerie. Afin d’éviter cela, je me suis dit en 2003 : cette année, je dois être partout. Ainsi, si quelqu’un commence à proposer quelque chose qui me ressemble, ben j’aurai été là avant. Mon but était d’être vraiment présent dans l’ensemble du Canada. Je me suis donc beaucoup activé à la recherche, souvent via Internet, de galeries susceptibles de m’accueillir jusqu’à ce que je me retrouve effectivement partout», explique ce diplômé en arts de l’Uqam.


Avant de confier, d’une voix triste, qu’il trouverait vraiment injuste de voir un autre artiste obtenir du succès avec le style qui est désormais le sien alors que lui, Desson, a un jour quasiment abdiqué et consenti à vivre pauvrement si cela était le prix à payer pour se consacrer entièrement à la vie d’artiste dont il rêvait depuis toujours, un peu à l’image de Van Gogh, une de ses idoles.


Une autre raison


Bien que la persévérance dont il a fait preuve rapporte aujourd’hui sur le plan pécuniaire, Desson possède néanmoins une vision démocratique de l’art. Ainsi, s’il souhaitait étendre «son empire» c’est également parce qu’il espère que le plus grand nombre de gens possible aient accès à ses œuvres.


Lui qui met trois jours à compléter un tableau, en finalise quand même un par jour. C’est qu’il faut les alimenter ces 11 galeries. Ne craint-il pas de diluer la valeur de sa griffe avec une telle production ? «Non, parce que les prix de mes tableaux sont bas. Je sais c’est quoi travailler dur. Or, ce sont des gens qui travaillent qui achètent mes tableaux. Je ne veux pas que leurs prix montent. Pour moi, de la peinture pour les riches, ça perdrait sons sens. J’aimerais que tout le monde puisse s’offrir une de mes toiles», confie cet amateur de littérature en générale et de la beat generation en particulier. C’est d’ailleurs en peignant une Mexicaine glanée dans un roman de Kerouac qu’il déclenché le processus de ce qui allait devenir son style. L’œuvre trône d’ailleurs encore aujourd’hui au dessus de son lit.


Et, avant d’oublier, dernière question : pourquoi ne retrouve-t-on pas de tableaux de ces filles, peintes à l’huile, artistes et urbaines dans des chambres qui donnent souvent sur la nuit dans les galeries montréalaise ? «Contrairement aux autres qui m’offrent 60 ou 50 % du prix de reventes, celles du Vieux Montréal par exemple, ne me proposent que 40%. On me dit qu’il y a des frais de location, de pubs… Je veux bien, mais lorsque l’on vend une toile par Internet, il n’y a pas beaucoup de frais….».

http://desson.ca/









Usurpateur d’identité


La rencontre précieuse avec ce nouvel artiste phare est à marquer d’une pierre blanche.



Claude André


Des court-métrages qui sont autant de chansons littéraires, voilà ce que la nouvelle coqueluche de la chanson française trimbale dans sa besace. Et l’ultrasensible Renaud, qui lui a d’ailleurs adressé une chaleureuse accolade dans une petite loge parisienne il y a deux ans, a sans doute versé une larme en écoutant des pièces comme Je suis une feuille ou même une histoire de mafieux comme l’est la pièce titre du premier album : Repenti. C’est que Renan Luce a été à la bonne école.


Tandis qu’il a commençait à écrire des chansons, comme tous les autres, Renan Luce a ressenti l’envie d’explorer son profond lui-même et de se disséquer l’émotion. Mais c’est en découvrant Brassens et Thomas Fersen, notamment, qu’est apparue l’heureuse initiative d’explorer des avenues qui lui permettaient de se renouveler davantage. « C’est vrai qu’en écoutant ces grands chanteurs français, j’ai eu envie de raconter des histoires et d’inventer des personnages. Si le second album parlera davantage de moi ? Ah, peut-être. Il s’agit de quelque chose vers quoi j’aimerais aller mais je veux trouver ma manière de le faire, une manière toujours un petit peu décalé », raconte le jeune homme qu’on ne pouvait quitter sans lui demander comment est venu le flash d’écrire une chanson sur la mafia. Tu venais de lire un roman sur le sujet ? « J’avais acheté les dvd du Parrain et je n’ai regardé que ça pendant un week-end. Ça m’a donné envie d’écrire sur le sujet. Comme je cherchais la manière de la faire, j’ai trouvé le roman Malavita de Tonio Banacquista qui raconte l’histoire d’une famille de repenti qui se cache en France. Alors, j’ai un peu repris cette manière de faire ».


Cet enntretien a été réalisé en octobre 2007 pour le Ici. Mais comme j'aime le réécouter, j'ai pensé vous le partager

Le karma de Carmen


Dix après son dernier chapitre, Marie-Carmen revient avec un album qui devrait la propulser de nouveau en tête des palmarès.


Claude André


Si les temps ont changé et l’industrie de la musique également depuis la parution de L’Autre, Marie-Carmen en a fait tout autant depuis qu’elle a décidé de devenir coopérant au Pérou et d’aller à la rencontre d’elle-même après avoir lu «Le Chemin le moins fréquenté» de Scott Peck. Bouquin qu’elle avait d’ailleurs balancé au bout de ses bras à l’époque par déni de la vérité qu’elle y trouvait, avouera-t-elle en fin d’entrevue.


C’est une fille intense et lucide mais humble et souriante qui nous accueille chaleureusement dans un célèbre café du Boulevard Saint-Laurent. Le regard insistant et la gestuelle large, Marie-Carmen semble sereine et particulièrement heureuse lorsque le journaliste souligne que son dernier album Le Diamant bien que parsemé de ballades radio amicales porte aussi une saveur plutôt «world beat». La voici donc loin d’un certain manichéisme auquel on se serait attendu. «Je me percevais comme quelqu’un qui possède seulement deux faces : miel et venin, Marie et Carmen, l’ombre et la lumière….Or j’ai découvert au fil des ans que la vie n’est pas ainsi. Et mon regard sur les gens a aussi changé. Alors pour cet album, j’ai décidé de me rapprocher et de ce que j’écoute moi en tant qu’amoureuse de la musique. Je ne voulais pas revenir avec du remâché. La vie est courte et je n’aime pas le niaisage», analyse-t-elle en regardant son imprésario qui acquiesce du chef. Voilà donc pourquoi on y retrouve des chansons en espagnols (elle adore la musique mexicaine) et, notamment, un reggae-dub, une bossa et même un peu de hip-hop sur cet opus réalisé par Françis Collard (Aquanaute d’Ariane Moffat). La pièce «Rêve à pied» évoque d’ailleurs pas mal le son de celle qui veut tout.


Des collaborateurs


«J’écoutais des choses que Françis avait fait et ça me faisait tripper. Les mots d’ordre que nous avions, mon producteur et moi, étaient : épurer, explorer et nous surprendre nous même». Une fois le processus enclenché Marie-Carmen a sollicité des chansons auprès d’artistes qu’elle aime et en général ils ont tous accepté.

En plus d’avoir signé elle-même quelques textes elle a donc fait appel à, entre-autres, Francine Raymond, Luc De Larochelière, Martine Pratte, Dave Richard tandis que Sylvie Paquette, France D’Amour et Claude Pineault (Mon ange) on plaqué les accords de certains titres de cet album à la fois ballade, pop et world où elle reprend une très belle et très intime chanson de Françoise Hardy (dont la musique signée Éric Clapton était un thème de film instrumental) «Contre vents et marées». Pièce magique où l’on retrouve cette ligne : La souffrance/N’est jamais inutile/Elle élève en silence/Tisse les fils/Invisibles/D’une autre naissance. «Cette chanson parue en 2000 sur l’album Clair-obscur m’a fait beaucoup de bien lorsque je l’ai découverte». Et elle pourrait sans doute résumée à elle seule l’aventure humaine d’une certaine Marie-Carmen.

samedi 15 novembre 2008

Rivière-au-Rivard


OSM en toile de fond, Michel Rivard se fait son cinéma en revisitant quelques unes de ses incontournables avec Rivière…et autres chansons symphoniques sous la direction de Jean-François Rivest et les arrangements de Blair Thomson.

Claude André

La plupart des chansons que l’on retrouve sur Rivière… sont si ancrées dans l’inconscient collectif que les réentendre avec l’Orchestre symphonique de Montréal peut s’avérer déstabilisant.
Il faut accepter le fait que ce sont de relectures. Je n’ai pas voulu simplement refaire des chansons avec les arrangements que les gens connaissent mais les relire et donner à l’orchestre (d’environ 70 musiciens) une place prépondérante.

Un album symphonique, est-ce un passage obligé pour la consécration des quinquagénaires (rires) ? Peux-tu m’en nommer d’autres qui l’on fait ? Je dirais qu’il posséder un répertoire. Pierre Lapointe l’a fait et ce n’est pas du tout un quinquagénaire. Je dirais surtout qu’il faut être chanceux. Je me sens choyé que ce projet là ait pu se faire sans que ce soit un disque de Noël (rires).
Et Kent Nagano, il n’était pas disponible ce jour-là (rires)? Je suis très très fière d’avoir travaillé avec Jean-François Rivest. Monsieur Nagano est un très grand chef d’orchestre qui va aider beaucoup à remettre l’OSM à sa juste place mais le chef attitré est Jean-François Rivest. Un gars que j’ai découvert, un grand chef, un être éminemment sympathique et parlable qui est devenu un ami personnel.

Et il connaissait sans doute davantage les chansons que Kent Nagano ?
Un peu oui (rires). C’est toujours le fun quand tu arrives et que le chef d’orchestre te dit au départ : «j’aime tes chansons». C’est plus intéressant que d’arriver avec quelqu’un qui n’a jamais entendu ça de sa vie et ne comprend pas trop le pourquoi de l’affaire.

Quel était le modus operendi de cette relecture ?
J’ai demandé à mon arrangeur et au chef d’orchestre de me sortir de ma zone de confort. J’ai demandé à me retrouver debout et tout nu devant l’orchestre. Les percussions sont celles de l’orchestre, pareil pour les basses, je n’ai pas mon petit groupe habituelle ni ma guitare qui servirait de béquille. Je réinvente donc mes chansons et je dois réapprendre à les chanter sur des textures nouvelles.

Parmi les titres choisis, on retrouve plusieurs de tes chansons qui font références à des éléments ou à la nature : «Rivière», «La lune d’automne», «Un trou dans les nuages», «J’aimais l’hiver», «Je voudrais voir la mer» et l’incontournable phoque en Alasaka. Ça se prêtait mieux aux arrangements cinématographiques ?
Peut-être. Je n’avais pas remarqué cette avenue là. Moi, je les ai choisi tout simplement parce qu’au point de vue symphonique et lyrique c’étaient mes chansons qui «souffriraient» le mieux je dirais cette approche d’un grand orchestre. En fait, je me suis assis en me demandant qu’elles sont mes chansons que moi j’aurais le goût d’entendre.

Je te soupçonne d’être néanmoins tanné d’entendre «La complainte du phoque en Alaska» que l’on retrouve sur le cd… J’ai été tanné à un moment donné mais à un moment j’ai compris quelque chose : ça serait très égoïste de ma part de ne pas constater à quel point le public à adopté cette chanson là. Et qu’il l’ai fait de la sorte, voilà une raison pour lesquelles je suis vivant aujourd’hui, que j’ai survécu dans ce métier là et que je peux encore le faire avec tant de plaisir et de passion.

Michel Rivard et OSM
Rivière…et autres chansons symphoniques
Spectra/Select


Michel Rivard sera en spectacle le 18 novembre à 20 h00 au Métropolis avec l’ensemble de 15 cordes I Musici de Montréal en attendant, selon l’accueil de Rivière.., de reprendre la formule avec l’OSM.

mercredi 5 novembre 2008

Discours de Monsieur le Président Obama


« Nous le peuple, dans le but de former une union plus parfaite.

Il y a deux cent vingt et un ans, un groupe d'hommes s’est rassemblé dans une salle qui existe toujours de l'autre côté de la rue, et avec ces simples mots, lança l'aventure inouïe de la démocratie américaine.

Agriculteurs et savants, hommes politiques et patriotes qui avaient traversé l’océan pour fuir la tyrannie et les persécutions, donnèrent enfin forme à leur déclaration d’indépendance lors d’une convention qui siégea à Philadelphie jusqu’au printemps 1787.

Ils finirent par signer le document rédigé, non encore achevé. Ce document portait le stigmate du péché originel de l’esclavage, un problème qui divisait les colonies et faillit faire échouer les travaux de la convention jusqu’à ce que les pères fondateurs décident de permettre le trafic des esclaves pendant encore au moins vingt ans, et de laisser aux générations futures le soin de l’achever.

Bien sûr, la réponse à la question de l’esclavage était déjà en germe dans notre constitution, une constitution dont l’idéal de l’égalité des citoyens devant la loi est le cœur, une constitution qui promettait à son peuple la liberté et la justice, et une union qui pouvait et devait être perfectionnée au fil du temps.

Et pourtant des mots sur un parchemin ne suffirent ni à libérer les esclaves de leurs chaînes, ni à donner aux hommes et aux femmes de toute couleur et de toute croyance leurs pleins droits et devoirs de citoyens des Etats-Unis

Il fallait encore que, de génération en génération, les Américains s’engagent —en luttant et protestant, dans la rue et dans les tribunaux, et en menant une guerre civile et une campagne de désobéissance civile, toujours en prenant de grands risques—, pour réduire l'écart entre la promesse de nos idéaux et la réalité de leur temps.

C’est l’une des tâches que nous nous sommes fixées au début de cette campagne —continuer la longue marche de ceux qui nous ont précédé, une marche pour une Amérique plus juste, plus égale, plus libre, plus généreuse et plus prospère.

J’ai choisi de me présenter aux élections présidentielles à ce moment de l’histoire parce que je crois profondément que nous ne pourrons résoudre les problèmes de notre temps que si nous les résolvons ensemble, que nous ne pourrons parfaire l’union que si nous comprenons que nous avons tous une histoire différente mais que nous partageons de mêmes espoirs, que nous ne sommes pas tous pareils et que nous ne venons pas du même endroit mais que nous voulons aller dans la même direction, vers un avenir meilleur pour nos enfants et petits-enfants.

Cette conviction me vient de ma foi inébranlable en la générosité et la dignité du peuple Américain. Elle me vient aussi de ma propre histoire d'Américain. Je suis le fils d'un noir du Kenya et d'une blanche du Kansas. J’ai été élevé par un grand-père qui a survécu à la Dépression et qui s'est engagé dans l'armée de Patton pendant la deuxième Guerre Mondiale, et une grand-mère blanche qui était ouvrière à la chaîne dans une usine de bombardiers quand son mari était en Europe.

J’ai fréquenté les meilleures écoles d'Amérique et vécu dans un des pays les plus pauvres du monde. J’ai épousé une noire américaine qui porte en elle le sang des esclaves et de leurs maîtres, un héritage que nous avons transmis à nos deux chères filles.

J’ai des frères, des sœurs, des nièces, des neveux des oncles et des cousins, de toute race et de toute teinte, dispersés sur trois continents, et tant que je serai en vie, je n'oublierai jamais que mon histoire est inconcevable dans aucun autre pays.

C’est une histoire qui ne fait pas de moi le candidat le plus plausible. Mais c’est une histoire qui a gravé au plus profond de moi l’idée que cette nation est plus que la somme de ses parties, que de plusieurs nous ne faisons qu’un.

Tout au long de cette première année de campagne, envers et contre tous les pronostics, nous avons constaté à quel point les Américains avaient faim de ce message d'unité.

Bien que l’on soit tenté de juger ma candidature sur des critères purement raciaux, nous avons remporté des victoires impressionnantes dans les états les plus blancs du pays. En Caroline du Sud, où flotte encore le drapeau des Confédérés, nous avons construit une coalition puissante entre Afro-Américains et Américains blancs.

Cela ne veut pas dire que l'appartenance raciale n'a joué aucun rôle dans la campagne. A plusieurs reprises au cours de la campagne, des commentateurs m’ont trouvé ou « trop noir » ou « pas assez noir ».

Nous avons vu surgir des tensions raciales dans la semaine qui a précédé les primaires de la Caroline du Sud. Les médias ont épluché chaque résultat partiel, à la recherche de tout indice de polarisation raciale, pas seulement entre noirs et blancs mais aussi entre noirs et bruns.

Et pourtant ce n’est que ces deux dernières semaines que la question raciale est devenue un facteur de division.

D’un côté on a laissé entendre que ma candidature était en quelque sorte un exercice de discrimination positive, basé seulement sur le désir de libéraux [Ndt : gens de gauche] candides d’acheter à bon marché la réconciliation raciale.

D’un autre côté on a entendu mon ancien pasteur, le Rev. Jeremiah Wright, exprimer dans un langage incendiaire des opinions qui risquent non seulement de creuser le fossé entre les races mais aussi de porter atteinte à ce qu’il y a de grand et de bon dans notre pays. Voilà qui, à juste titre choque blancs et noirs confondus.

J’ai déjà condamné sans équivoque aucune les déclarations si controversées du Rev. Wright. Il reste des points qui en dérangent encore certains.

Est-ce que je savais qu’il pouvait à l’occasion dénoncer avec violence la politique américaine intérieure et étrangère ? Bien sûr. M’est-il arrivé de l’entendre dire des choses contestables quand j’étais dans son église ? Oui. Est-ce que je partage toutes ses opinions politiques ? Non, bien au contraire ! Tout comme j’en suis sûr beaucoup d’entre vous entendent vos pasteurs, prêtres ou rabbins proférer des opinions que vous êtes loin de partager.

Mais les déclarations à l’origine de ce récent tollé ne relevaient pas seulement de la polémique. Elles n’étaient pas que l’indignation d’un leader spirituel dénonçant les injustices ressenties.

Elles reflétaient plutôt une vue profondément erronée de ce pays —une vue qui voit du racisme blanc partout, une vue qui met l'accent sur ce qui va mal en Amérique plutôt que sur ce qui va bien. Une vue qui voit les racines des conflits du Moyen-Orient essentiellement dans les actions de solides alliés comme Israël, au lieu de les chercher dans les idéologies perverses et haineuses de l'Islam radical.

Le Rev. Jeremiah Wright ne fait pas que se tromper, ses propos sèment la discorde à un moment où nous devons trouver ensemble des solutions à nos énormes problèmes : deux guerres, une menace terroriste, une économie défaillante, une crise chronique du système de santé, un changement climatique aux conséquences désastreuses. Ces problèmes ne sont ni noirs ni blancs, ni hispaniques ni asiatiques mais ce sont des problèmes qui nous concernent tous.

Au vu de mon parcours, de mes choix politiques et des valeurs et idéaux auxquels j’adhère, on dira que je ne suis pas allé assez loin dans ma condamnation. Et d’abord pourquoi m’être associé avec le Rev. Jeremiah Wright, me demandera-t-on ? Pourquoi ne pas avoir changé d’église ?

J’avoue que si tout ce que je savais du Rev. Wright se résumait aux bribes de sermons qui passent en boucle à la télévision et sur YouTube, ou si la Trinity United Church of Christ ressemblait aux caricatures colportées par certains commentateurs, j’aurais réagi de même.

Mais le fait est que ce n’est pas tout ce que je sais de cet homme. L’homme que j’ai rencontré il y a plus de vingt ans est l’homme qui m’a éveillé à ma foi. Un homme pour qui aimer son prochain, prendre soin des malades et venir en aide aux miséreux est un devoir.

Voilà un homme qui a servi dans les Marines, qui a étudié et enseigné dans les meilleures universités et séminaires et qui pendant plus de trente ans a été à la tête d’une église, qui en se mettant au service de sa communauté accomplit l’œuvre de Dieu sur terre : loger les sans-abris, assister les nécessiteux, ouvrir des crèches, attribuer des bourses d’études, rendre visite aux prisonniers, réconforter les séropositifs et les malades atteints du sida.

Dans mon livre, Les Rêves de mon père, je décris mes premières impressions de l’église de la Trinity:

« L'assistance se mit à crier, à se lever, à taper des mains, et le vent puissant de son souffle emportait la voix du révérend jusqu'aux chevrons (...). Et dans ces simples notes — espoir ! — j’entendis autre chose. Au pied de cette croix, à l'intérieur des milliers d'églises réparties dans cette ville, je vis l'histoire de noirs ordinaires se fondre avec celles de David et Goliath, de Moïse et Pharaon, des chrétiens jetés dans la fosse aux lions, du champ d’os desséchés d’Ezékiel.

Ces histoires —de survie, de liberté, d’espoir— devenaient notre histoire, mon histoire ; le sang qui avait été versé était notre sang, les larmes étaient nos larmes. Cette église noire, en cette belle journée, était redevenue un navire qui transportait l’histoire d’un peuple jusqu'aux générations futures et jusque dans un monde plus grand.

Nos luttes et nos triomphes devenaient soudain uniques et universels, noirs et plus que noirs. En faisant la chronique de notre voyage, les histoires et les chants nous donnaient un moyen de revendiquer des souvenirs dont nous n'avions pas à avoir honte (…), des souvenirs que tout le monde pouvait étudier et chérir - et avec lesquels nous pouvions commencer à reconstruire. »

Telle a été ma première expérience à Trinity. Comme beaucoup d’églises majoritairement noires, Trinity est un microcosme de la communauté noire : on y voit le médecin et la mère assistée, l’étudiant modèle et le voyou repenti.

Comme toutes les autres églises noires, les services religieux de Trinity résonnent de rires tapageurs et de plaisanteries truculentes. Et ça danse, ça tape des mains, ça crie et ça hurle, ce qui peut paraître incongru à un nouveau venu

L'église contient toute la tendresse et la cruauté, l’intelligence l’extrême et l’ignorance crasse, les combats et les réussites, tout l'amour et, oui, l'amertume et les préjugés qui sont la somme de l’expérience noire en Amérique.

Et cela explique sans doute mes rapports avec le Rev. Wright. Si imparfait soit-il, je le considère comme un membre de ma famille. Il a raffermi ma foi, célébré mon mariage et baptisé mes enfants.

Jamais dans mes conversations avec lui ne l’ai-je entendu parler d’un groupe ethnique en termes péjoratifs, ou manquer de respect ou de courtoisie envers les blancs avec qui il a affaire. Il porte en lui les contradictions — le bon et le mauvais— de la communauté qu’il sert sans se ménager depuis tant d’années.

Je ne peux pas plus le renier que je ne peux renier la communauté noire, je ne peux pas plus le renier que je ne peux renier ma grand-mère blanche, une femme qui a fait tant de sacrifices pour moi, une femme qui m'aime plus que tout au monde, mais aussi une femme qui m’avouait sa peur des noirs qu’elle croisait dans la rue et que, plus d'une fois, j’ai entendu faire des remarques racistes qui m'ont répugné.

Ces personnes sont une partie de moi. Et elles font partie de l’Amérique, ce pays que j’aime.

D'aucuns verront ici une tentative de justifier ou d’excuser des propos tout à fait inexcusables. Je peux vous assurer qu’il n’en est rien. Je suppose qu’il serait plus prudent, politiquement, de continuer comme si de rien n'était, en espérant que toute l’affaire sera vite oubliée.

Nous pourrions faire peu de cas du Rev. Wright, et ne voir en lui qu’un excentrique ou un démagogue, tout comme certains l’ont fait dans le cas de Geraldine Ferraro, l’accusant, à la suite de ses récentes déclarations, de préjugé racial.

Mais je crois que ce pays, aujourd'hui, ne peut pas se permettre d'ignorer la problématique de race. Nous commettrions la même erreur que le Rev. Wright dans ses sermons offensants sur l'Amérique —en simplifiant, en recourant à des stéréotypes et en accentuant les côtés négatifs au point de déformer la réalité.

Le fait est que les propos qui ont été tenus et les problèmes qui ont été soulevés ces dernières semaines reflètent les aspects complexes du problème racial que n’avons jamais vraiment explorés — une partie de notre union qui nous reste encore à parfaire.

Et si nous abandonnons maintenant pour revenir tout simplement à nos positions respectives, nous n'arriverons jamais à nous unir pour surmonter ensemble les défis que sont l'assurance maladie, l'éducation ou la création d'emplois pour chaque Américain.

Pour comprendre cet état de choses, il faut se rappeler comment on en est arrivé là. Comme l’a écrit William Faulkner : « Le passé n’est pas mort et enterré. En fait il n’est même pas passé. » Nul besoin ici de réciter l’histoire des injustices raciales dans ce pays

Mais devons nous rappeler que si tant de disparités existent dans la communauté afro-américaine d’aujourd’hui, c’est qu’elles proviennent en droite ligne des inégalités transmises par la génération précédente qui a souffert de l'héritage brutal de l'esclavage et de Jim Crow.

La ségrégation à l’école a produit et produit encore des écoles inférieures. Cinquante ans après Brown vs. The Board of Education, rien n’a changé et la qualité inférieure de l’éducation que dispensent ces écoles aide à expliquer les écarts de réussite entre les étudiants blancs et noirs d’aujourd’hui.

La légalisation de la discrimination —des noirs qu’on empêchait, souvent par des méthodes violentes, d'accéder a la propriété, des crédits que l’on accordait pas aux entrepreneurs afro-américains, des propriétaires noirs qui n'avaient pas droit aux prêts du FHA [Ndt : Federal Housing Administration, l’administration fédérale en charge du logement], des noirs exclus des syndicats, des forces de police ou des casernes de pompiers, a fait que les familles noires n’ont jamais pu accumuler un capital conséquent à transmettre aux générations futures.

Cette histoire explique l’écart de fortune et de revenus entre noirs et blancs et la concentration des poches de pauvreté qui persistent dans tant de communautés urbaines et rurales d’aujourd’hui.

Le manque de débouchés parmi les noirs, la honte et la frustration de ne pouvoir subvenir aux besoins de sa famille ont contribué a la désintégration des familles noires —un problème que la politique d’aide sociale, pendant des années, a peut-être aggravée. Le manque de service publics de base dans un si grand nombre de quartiers noirs —des aires de jeux pour les enfants, des patrouilles de police, le ramassage régulier des ordures et l'application des codes d'urbanisme, tout cela a crée un cycle de violence, de gâchis et de négligences qui continue de nous hanter.

C'est la réalité dans laquelle le Rev. Wright et d’autres Afro-Américains de sa génération ont grandi. Ils sont devenus adultes à la fin des années 50 et au début des années 60, époque ou la ségrégation était encore en vigueur et les perspectives d'avenir systématiquement réduites.

Ce qui est extraordinaire, ce n’est pas de voir combien ont renoncé devant la discrimination, mais plutôt combien ont réussi à surmonter les obstacles et combien ont su ouvrir la voie à ceux qui, comme moi, allaient les suivre.

Mais pour tous ceux qui ont bataillé dur pour se tailler une part du Rêve Américain, il y en a beaucoup qui n'y sont pas arrivés – ceux qui ont été vaincus, d’une façon ou d’une autre, par la discrimination.

L’expérience de l'échec a été léguée aux générations futures : ces jeunes hommes et, de plus en plus, ces jeunes femmes que l'on voit aux coins des rues ou au fond des prisons, sans espoir ni perspective d'avenir. Même pour les noirs qui s'en sont sortis, les questions de race et de racisme continuent de définir fondamentalement leur vision du monde.

Pour les hommes et les femmes de la génération du Rev. Wright, la mémoire de l’humiliation de la précarité et de la peur n’a pas disparu, pas plus que la colère et l’amertume de ces années.

Cette colère ne s’exprime peut-être pas en public, devant des collègues blancs ou des amis blancs. Mais elle trouve une voix chez le coiffeur ou autour de la table familiale. Parfois cette colère est exploitée par les hommes politiques pour gagner des voix en jouant la carte raciale, ou pour compenser leur propre incompétence.

Et il lui arrive aussi de trouver une voix, le dimanche matin à l’église, du haut de la chaire ou sur les bancs des fidèles. Le fait que tant de gens soient surpris d’entendre cette colère dans certains sermons du Rev. Wright nous rappelle le vieux truisme, à savoir que c’est à l’office du dimanche matin que la ségrégation est la plus évidente.

Cette colère n’est pas toujours une arme efficace. En effet, bien trop souvent, elle nous détourne de nos vrais problèmes, elle nous empêche de confronter notre part de responsabilité dans notre condition, et elle empêche la communauté afro-américaine de nouer les alliances indispensables à un changement véritable.

Mais cette colère est réelle, et elle est puissante, et de souhaiter qu’elle disparaisse, de la condamner sans en comprendre les racines ne sert qu’à creuser le fossé d’incompréhension qui existe entre les deux races.

Et de fait, il existe une colère similaire dans certaines parties de la communauté blanche. La plupart des Américains de la classe ouvrière et de la classe moyenne blanche n'ont pas l’impression d’avoir été spécialement favorisés par leur appartenance raciale.

Leur expérience est l’expérience de l’immigrant —dans leur cas, ils n’ont hérité de personne, ils sont partis de rien. Ils ont travaillé dur toute leur vie, souvent pour voir leurs emplois délocalisés et leurs retraites partir en fumée.

Ils sont inquiets pour leur avenir, ils voient leurs rêves s’évanouir; à une époque de stagnation des salaires et de concurrence mondiale, les chances de s’en sortir deviennent comme un jeu de somme nulle où vos rêves se réalisent au dépens des miens.

Alors, quand on leur dit que leurs enfants sont affectés à une école à l’autre bout de la ville, quand on leur dit qu’un Afro-Américain qui décroche un bon job ou une place dans une bonne faculté est favorisé à cause d’une injustice qu’ils n’ont pas commise, quand on leur dit que leur peur de la délinquance dans les quartiers est une forme de préjugé, la rancœur s'accumule au fil du temps.

Comme la colère au sein de la communauté noire qui ne s’exprime pas en public, ces choses qui fâchent ne se disent pas non plus. Mais elles affectent le paysage politique depuis au moins une génération.

C’est la colère envers la politique d’assistance de l’Etat-Providence et la politique de discrimination positive qui ont donné naissance à la Coalition Reagan. Les hommes politiques ont systématiquement exploité la peur de l’insécurité à des fins électorales. Les présentateurs des talk-shows et les analystes conservateurs se sont bâti des carrières en débusquant des accusations de racisme bidon, tout en assimilant les débats légitimes sur les injustices et les inégalités raciales à du politiquement correct ou du racisme a rebours.

Tout comme la colère noire s’est souvent avérée contre-productive, la rancœur des blancs nous a aveuglés sur les véritables responsables de l’étranglement de la classe moyenne —une culture d’entreprise où les délits d'initiés, les pratiques comptables douteuses et la course aux gains rapides sont monnaie courante ; une capitale sous l'emprise des lobbies et des groupes de pression, une politique économique au service d'une minorité de privilégiés.

Et pourtant, souhaiter la disparition de cette rancœur des blancs, la qualifier d’inappropriée, voire de raciste, sans reconnaître qu’elle peut avoir des causes légitimes —voila aussi qui contribue à élargir la fracture raciale et faire en sorte que l’on n'arrive pas à se comprendre.

Voilà où nous en sommes actuellement : incapables depuis des années de nous extirper de l'impasse raciale. Contrairement aux dires de certains de mes critiques, blancs ou noirs, je n'ai jamais eu la naïveté de croire que nous pourrions régler nos différends raciaux en l'espace de quatre ans ou avec une seule candidature, qui plus est une candidature aussi imparfaite que la mienne.

Mais j’ai affirmé ma conviction profonde—une conviction ancrée dans ma foi en Dieu et ma foi dans le peuple américain—qu’en travaillant ensemble nous arriverons à panser nos vieilles blessures raciales et qu’en fait nous n’avons plus le choix si nous voulons continuer d’avancer dans la voie d’une union plus parfaite.

Pour la communauté afro-américaine, cela veut dire accepter le fardeau de notre passé sans en devenir les victimes, cela veut dire continuer d’exiger une vraie justice dans tous les aspects de la vie américaine. Mais cela veut aussi dire associer nos propres revendications –meilleure assurance maladie, meilleures écoles, meilleurs emplois—aux aspirations de tous les Américains, qu’il s’agisse de la blanche qui a du mal à briser le plafond de verre dans l’échelle hiérarchique, du blanc qui a été licencié ou de l'immigrant qui s’efforce de nourrir sa famille.

Cela veut dire aussi assumer pleinement nos responsabilités dans la vie — en exigeant davantage de nos pères, en passant plus de temps avec nos enfants, en leur faisant la lecture, en leur apprenant que même s'ils sont en butte aux difficultés et à la discrimination, ils ne doivent jamais succomber au désespoir et au cynisme : ils doivent toujours croire qu’ils peuvent être maîtres de leur destinée.

L’ironie, c’est que cette notion si fondamentalement américaine –et, oui, conservatrice—de l’effort personnel, on la retrouve souvent dans les sermons du Rev. Wright. Mais ce que mon ancien pasteur n’a pas compris, c’est qu’on ne peut pas chercher à s’aider soi-même sans aussi croire que la société peut changer.

L’erreur profonde du Rev. Wright n’est pas d’avoir parlé du racisme dans notre société. C’est d’en avoir parlé comme si rien n'avait changé, comme si nous n'avions pas accompli de progrès, comme si ce pays —un pays ou un noir peut être candidat au poste suprême et construire une coalition de blancs et de noirs, d'hispaniques et d'asiatiques, de riches et de pauvres, de jeunes et de vieux—était encore prisonnier de son passé tragique. Mais ce que nous savons – ce que nous avons vu—c’est que l’Amérique peut changer. C’est là le vrai génie de cette nation. Ce que nous avons déjà accompli nous donne de l’espoir —l’audace d’espérer —pour ce que nous pouvons et devons accomplir demain.

Pour ce qui est de la communauté blanche, la voie vers une union plus parfaite suppose de reconnaître que ce qui fait souffrir la communauté afro-américaine n’est pas le produit de l’imagination des noirs ; que l’héritage de la discrimination —et les épisodes actuels de discrimination, quoique moins manifestes que par le passé- sont bien réels et doivent être combattus.

Non seulement par les mots, mais par les actes —en investissant dans nos écoles et nos communautés ; en faisant respecter les droits civils et en garantissant une justice pénale plus équitable ; en donnant à cette génération les moyens de s'en sortir, ce qui faisait défaut aux générations précédentes.

Il faut que tous les Américains comprennent que vos rêves ne se réalisent pas forcément au détriment des miens ; qu'investir dans la santé, les programmes sociaux et l'éducation des enfants noirs, bruns et blancs contribuera à la prospérité de tous les Américains.

En fin de compte, ce que l’on attend de nous, ce n’est ni plus ni moins ce que toutes les grandes religions du monde exigent —que nous nous conduisions envers les autres comme nous aimerions qu’ils se conduisent envers nous. Soyons le gardien de notre frère, nous disent les Ecritures. Soyons le gardien de notre sœur. Trouvons ensemble cet enjeu commun qui nous soude les uns aux autres, et que notre politique reflète aussi l'esprit de ce projet.

Car nous avons un choix à faire dans ce pays. Nous pouvons accepter une politique qui engendre les divisions intercommunautaires, les conflits et le cynisme. Nous pouvons aborder le problème racial en voyeurs —comme pendant le procès d’O.J. Simpson —, sous un angle tragique – comme nous l’avons fait après Katrina – ou encore comme nourriture pour les journaux télévisés du soir. Nous pouvons exploiter la moindre bavure dans le camp d’Hillary comme preuve qu’elle joue la carte raciale, ou nous pouvons nous demander si les électeurs blancs voteront en masse pour John McCain en novembre, quel que soit son programme politique.

Oui, nous pouvons faire cela.

Mais dans ce cas, je vous garantis qu’aux prochaines élections nous trouverons un autre sujet de distraction. Et puis un autre. Et puis encore un autre. Et rien ne changera.

C’est une possibilité. Ou bien, maintenant, dans cette campagne, nous pouvons dire ensemble : « Cette fois, non ». Cette fois nous voulons parler des écoles délabrées qui dérobent leur avenir à nos enfants, les enfants noirs, les enfants blancs, les enfants asiatiques, les enfants hispaniques et les enfants amérindiens.

Cette fois nous ne voulons plus du cynisme qui nous répète que ces gosses sont incapables d'apprendre, que ces gosses qui nous ne ressemblent pas sont les problèmes de quelqu'un d'autre. Les enfants de l’Amérique ne sont pas ces gosses-là, mais ces gosses-là sont pourtant bien nos enfants, et nous ne tolérerons pas qu’ils soient laissés pour compte dans la société du vingt-et-unième siècle. Pas cette fois.

Cette fois nous voulons parler des files d’attente aux urgences peuplées de blancs, de noirs et d’hispaniques qui n’ont pas d’assurance santé, qui ne peuvent seuls s’attaquer aux groupes de pression mais qui pourront le faire si nous nous y mettons tous.

Cette fois nous voulons parler des usines qui ont fermé leurs portes et qui ont longtemps fait vivre honnêtement des hommes et des femmes de toute race, nous voulons parler de ces maisons qui sont maintenant à vendre et qui autrefois étaient les foyers d'Américains de toute religion, de toute région et de toute profession.

Cette fois nous voulons parler du fait que le vrai problème n’est pas que quelqu’un qui ne vous ressemble pas puisse vous prendre votre boulot, c’est que l’entreprise pour laquelle vous travaillez va délocaliser dans le seul but de faire du profit.

Cette fois, nous voulons parler des hommes et des femmes de toute couleur et de toute croyance qui servent ensemble, qui combattent ensemble et qui versent ensemble leur sang sous le même fier drapeau. Nous voulons parler du moyen de les ramener à la maison, venant d’une guerre qui n’aurait jamais dû être autorisée et qui n’aurait jamais dû avoir lieu, et nous voulons parler de la façon de montrer notre patriotisme en prenant soin d’eux et de leurs familles et en leur versant les allocations auxquelles ils ont droit.

Je ne me présenterais pas à l’élection présidentielle si je ne croyais pas du fond du cœur que c'est ce que veut l'immense majorité des Américains pour ce pays. Cette union ne sera peut-être jamais parfaite mais, génération après génération, elle a montré qu’elle pouvait se parfaire.

Et aujourd'hui, chaque fois que je me sens sceptique ou cynique quant à cette possibilité, ce qui me redonne le plus d’espoir est la génération à venir —ces jeunes dont les attitudes, les croyances et le sincère désir de changement sont déjà, dans cette élection, rentrés dans l’Histoire.

Il y a une histoire que j’aimerais partager avec vous aujourd’hui, une histoire que j’ai eu l’honneur de raconter lors de la commémoration de la naissance de Martin Luther King, dans sa paroisse, Ebenezer Baptist, à Atlanta.

Il y a une jeune blanche de 23 ans, du nom d’Ashley Baia, qui travaillait pour notre campagne à Florence, en Caroline du Sud. Depuis le début, elle a été chargée de mobiliser une communauté à majorité afro-américaine. Et un jour elle s’est trouvée à une table ronde où chacun, tour à tour, racontait son histoire et disait pourquoi il était là.

Et Ashley a dit que quand elle avait 9 ans sa maman a eu un cancer, et parce qu’elle avait manqué plusieurs jours de travail elle a été licenciée et a perdu son assurance maladie. Elle a dû se mettre en faillite personnelle et c’est là qu’Ashley s’est décidée à faire quelque chose pour aider sa maman.

Elle savait que ce qui coûtait le plus cher c’était d’acheter à manger, et donc Ashley a convaincu sa mère ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était des sandwichs moutarde-cornichons. Parce que c'était ce qu’il y avait de moins cher.

C'est ce qu’elle a mangé pendant un an, jusqu'à ce que sa maman aille mieux. Et elle a dit à tout le monde, à la table ronde, qu’elle s’était engagée dans la campagne pour aider les milliers d’autres enfants du pays qui eux aussi veulent et doivent aider leurs parents.

Ashley aurait pu agir différemment. Quelqu’un lui a peut être dit a un moment donné que la cause des ennuis de sa mère c’était soit les noirs qui, trop paresseux pour travailler, vivaient des allocations sociales, soit les hispaniques qui entraient clandestinement dans le pays. Mais ce n’est pas ce qu’elle a fait. Elle a cherché des alliés avec qui combattre l’injustice.

Bref, Ashley termine son histoire et demande a chacun pourquoi il s'est engagé dans la campagne. Ils ont tous des histoires et des raisons différentes. Il y en a beaucoup qui soulèvent un problème précis. Et pour finir, c’est le tour de ce vieillard noir qui n’a encore rien dit.

Et Ashley lui demande pourquoi il est là. Il ne soulève aucun point en particulier. Il ne parle ni de l’assurance maladie ni de l’économie. Il ne parle ni d’éducation ni de guerre. Il ne dit pas qu’il est venu à cause de Barack Obama. Il dit simplement : « Je suis ici à cause d’Ashley. »

« Je suis ici à cause d’Ashley ». A lui seul, ce déclic entre la jeune fille blanche et le vieillard noir ne suffit pas. Il ne suffit pas pour donner une assurance santé aux malades, du travail à ceux qui n’en n’ont pas et une éducation à nos enfants.

Mais c’est par là que nous démarrons. Par là que notre union se renforce. Et comme tant de générations l’ont compris tout au long des deux cent vingt et une années écoulées depuis que des patriotes ont signé ce document a Philadelphie, c’est par là que commence le travail de perfection. »

Traduction de Didier Rousseau et de Françoise Simon
Ammon & Rousseau Translations, New York