dimanche 26 octobre 2008

La traverse de Plume


Près d’un an après la publication de Hors-Saisons, le chantre de la contre-culture musicale d’ici lance Plumonymes, sorte de tome 2 du précédent où il revenait aux sources en formation piano, guitare, basse et voix.


Claude André


Crachin matinal près du métro Longueuil. Le journaliste se rend dans les locaux du producteur sans trop savoir à quoi s’attendre de celui qui demeure une véritable icône de la culture pop kèbe. Surtout auprès des noceurs de tout acabit. Au très grand dam de l’artiste, qui nous dira-t-il plus-tard en parlant de son personnage qui occultait le poète, que «l’arbre cachait la forêt». Il est là. Grand comme un chêne. Pantalon cargo beige, chemise rouge sur un tee-shirt noir. Demande son nom au journaliste : «Tiens, ça m’évoque quelque choses. Mes souvenirs s’entrechocs», lance-t-il en se rappelant qu’il y a 5 ans, un malheureux malentendu avait amené l’intervieweur à un autre endroit que celui où l’attendait le porc-épic de la chanson qui se plait à penser que Monon’c Serge et Fred Fortin font figure d’héritiers.


Car, si nous avons le bonheur de la rencontrer, le photographe et Bibi, c’est surtout parce que nous sommes de la presse écrite. Plume, en effet, refuse toutes les demandes de la télé, lui dont l’unique apparition à Tout le monde en parle il y a un an lui a «donné des boutons pendant deux semaines».


Après lui avoir avoué qu’on arrive un peu avec l’impression qu’il peut nous balancer un coup de pied au cul à n’importe quel moment, «légende urbaine tout ça», le voici qui se montre souriant, généreux, loquace et pertinent.


Plus sociable


«Aujourd’hui, le monde sait toute de tout le monde. Un ti-cul va faire un show d’humour, première affaire que tu sais c’est qu’il va sortir un DVD là-dessus, une biographie, whatever. Moi, je ne sais pas combien de fois ils m’ont demandé de faire des musicographies. Non ! Ce qui m’importe c’est le produit que je sors. Il n’ont pas à savoir mais amours et tout», lance Latraverse, qui, paradoxalement, s’ouvre plus que ce à quoi il nous avait habitués sur cette mouture. Comme le démontre la chanson «Pas grand-chose». «Des chansons d’amour ? Ben j’avais écrit avant: «J’t’aime en ostie»…», lance –t-il comme pour confirmer ce qu’il nous disait plus tôt lorsqu’on lui a évoqué la rigolote «Alice» que l’on retrouve parmi les 17 titres de Plumonymes. «Je suis un peu comme Sol. Lorsqu’il enlevait son costume, Marc Favreau gardait des tics de son célèbre clochard», raconte l’auteur de la magnifique Les pauvres qu’il considère, bien qu’il n’ait pas de préférée, celle qui semble avoir marqué l’inconscient collectif. Ce classique, parmi tant d’autres, qui lui a d’ailleurs valu un hommage orchestré par Coup de cœur francophone et auquel il ne s’est pas pointé. «Je suis mal à l’aise avec ça.Quand l’Adisq m’a proposé le sien, six mois avant qu’il n’ait lieu, j’ai branlé dans le manche pendant six mois avant de finalement accepter». Puis, comme sur le ton de la confidence il murmure : « Il y a eu une époque où j’étais probablement plus sociable». Petite séance de photos auquel Plume se prête plutôt de bon gré malgré sa hantise des kodaks comme en témoigne sa jambe qui gigote d’impatience, puis retour à l’album. «J’ai écrit environ une trentaine de chansons pendant les deux années sabbatique qui ont précédé Hors-Saison, le disque précédent sur lequel on retrouve les pièves plus temporelles comme celle sur les accommodements. Dans le spectacle que je trimbale actuellement, il n’y a aucune chanson de mon nouvel album. Je veux que les gens découvrent Plumonymes, qui est pour moi un album à part. Éventuellement il y aura quelque chose qui se construira autour de celui-ci mais pour l’instant, je mets en perspective Hors saisons et Chansons nouvelles, qui était un album d’auteur. Évidemment, il y a quelques petits classiques pour chatouiller le poil des bras des fans mais c’est essentiellement basé sur une espèce de thématique qui va amener les gens à accepter les Plumonymes», confie Plume qui, comme pour ses autres œuvres avant, sera incapable d’écouter sa plus récente œuvre avant trois ou quatre ans. Ce qui n’est pas notre cas…



dimanche 19 octobre 2008

Pas de commentaires.

Discomanie : Marc Déry de Zébulon


La formation Zébulon, qui a ravi de nombreux nostalgiques avec sa pop planante et accrocheuse sous le ciel des dernières Francos, repart en orbite à travers le Québec après une éclipse de…11 ans ! Pour l’occase, les gus nous proposent Retour sur mars. Un encodé composé de onze anciens tubes de la formation en plus de 4 nouvelles pièces. Nous avons discographié Marc Déry, bassiste et un des chanteurs du groupe composé également d’Yve Marchand (claviers et voix sur sur «Micro-sillon»), d’Alain Quirion (batterie et voix sur «Amadouer») et d’Yves Déry (guitare et voix sur «La tête qui craque»).


Claude André


Premier disque acheté ?

Le premier que je me suis procuré, avec mon argent en revenant de ma distribution de journaux, c’était un disque des Beatles. Il s’agissait du même que Please Please Me mais il portait un nom étrange car il s’agissait d’une édition spéciale.


Zébulon reprend de façon un peu plus musclée Les femmes préfèrent les Gino. Quelle serait selon-toi la chanson la plus quétaine ?

Quétaine ? J’ai de la misère avec ça moi, je ne sais pas trop c’est quoi. On dirait que quand c’est quétaine moi je ne trouve pas que ça l’est et j’aime ça tsé…


Un plaisir coupable alors ?

Très certainement Joe Dassin. À chaque fois que je l’entends à la radio, il y a un grain de voix, je ne sais trop, qui m’accroche malgré tout. Il y a quelque chose de crédible même si c’est vraiment sucré. Ma chanson préférée de Joe ? Le Jardin du Luxembourg. Avec l’intro des étudiants qui rêvent qu’ils ont fini leurs études et le professeur qui rêve qu’il les commence, là là on ne niaise pas…


Ton dernier coup de cœur ?

Il y a dix albums des Beatles, on dirait que j’écoute toujours les dix l’un après l’autre. Je suis drogué aux Beatles mais entre ça, je m’évite des parcours : Ray Charles. J’aime bien celui du milieu de sa carrière, dans le temps de What'd I Say. Tu sais, je ne suis pas tellement moderne…


Tu es portant parmi ceux qui ont été les premiers à aiguiller le Québec à l’heure du Village global en terme musical en introduisant l’électro, j’imagine que tu en écoutes ?

Oui. C’est ça qui est bizarre, je n’en écoute pas. À l’époque où j’ai commencé ça, j’en écoutais beaucoup. C’était avec la montée de Portishead et compagnie. Ensuite, j’ai poursuivi ma vision de cela sans tellement m’y attarder parce qu’écouter beaucoup ses contemporains, c’est bizarre, mais ça porte à copier. Puis, on dirait que ça m’intéresse moins. Je préfère aller puiser dans les influences des influences.


Quand tu as le goût de faire le party, tu te branches sur quoi ?

Du reggae, Bob Marley.


Et tu allumes des cigarettes de clown (lire de des joints) ?

Ben ouais.


La plus belle chanson du monde, celle que tu aurais aimé avoir écrite ?

Ça reste toujours la même (il chante) : What a Fonderful World. Ça me traverse de bord en bord à chaque fois. Mais ça prend la voix de Louis Amstrong


Et en français ?

Ouf, ça m’étourdie un peu. Je te dirais la toune de Daniel Bélanger où il va se jeter en bas…«Primate électrique». J’ai celle-là et beaucoup d’autres en tête dont «Phénoménale Philomène» et «Jenny» de Richard Desjardins…J’aime aussi écouter des histoires du genre de celles que faisait Piaf. Et comme tout le monde, j’aime aussi Brel


Un fantasme musical ?

Je t’avoue que quand j’ai vu Paul McCartney, ça me démangeait d’aller jammer avec lui. Me semble que j’aurais des affaires à lui apprendre (rires). Je le sens comme s’il était mon mononc. Je l’ai tellement écouté et décortiqué dans ma jeunesse que je connais toutes les notes de toutes les tounes. Moi comme tout le monde dont un de ses propres musiciens, avons déjà rêvé, dans un rêve, que nous étions sur scène en train de jouer avec lui. Ce guitariste a dit un jour : «ça m’a fait tout drôle quand McCartney est arrivé à une des pratiques en me disant : hey, j’ai rêvé à toi !». John Lennon, j’aurais aimé aussi.


Le dernier album de Zébulon se nomme Retour sur Mars, quel album y apporteras-tu ?

Sgt Pepper’s !


Qu’est-ce que votre band écoutera dans le car de tournée ?

La dernière fois on écoutait, Kraftwerk (il chante Radioactivity) le premier groupe techno. J’aime écouter les débuts de chaque mouvement pour ne pas être un sous produit même si nous le sommes toujours quand même un peu. J’essaie de m’inspirer de la base, de la racine.


Le prochain disque que tu achèteras ?

Manu Chaos. J’ai des relations avec son bassiste et je pense qu’il prépare quelque chose.

jeudi 16 octobre 2008

La soupe Campbell's


Réminiscence des repas de mon enfance quand mon arrière grand-mère venait me faire mes lunchs du midi à la maison ? Besoin de me raccrocher à un quelconque confort food en ces temps de règne conservateur ? Envie de me reposer l’estomac avec un met velouté ? Allez savoir pourquoi, me suis réveillé ce matin avec une fulgurante envie de manger une soupe Campbell à la variété champignons.

En fait, je sais et la raison est fort simple et complexe à la fois : suis allé hier déguster la savoureuse exposition consacrée à Andy Warhol au Musée des Beaux Arts.

Comme quoi, mieux que quiconque, l’artiste né en 1928 à Pittsburgh a su sublimer la quotidienneté pour en extirper ses moments les plus exaltants bien que d’apparence banale. Pas pour rien que le Pope du Pop Art demeure un des artistes les plus influents du XX e siècle.

Me suis donc glissé au Musée par ce bel aprèm de l’été des Indiens. En arrivant, j’aperçois un attroupement de jeunes filles qui écoutent, headphones vissés aux oreilles, les commentaires d’une guide. Je me dis qu’il m’en faut absolument un pour survivre moi aussi aux aventures wahorliennes.

Ma potesse Martine, toujours allumée, décide dare-dare d’aller à l’entrée en réquisitionner un se disant que ça ne devrait pas être trop difficile puisque le personnel d’accueil a reconnu le représentant de l’émission Ici et là à l’entrée. Elle revient bredouille et m’aperçois suivre la guide pas à pas fasciné par son propos.

Faut dire que mon ouïe digne du Professeur Tournesol m’incite parfois au…rapprochement. Enthousiaste, le journaleux ne se gène pas pour poser quelques questions à la guide bénévole de l’expo. Au bout, d’un moment, une personne plus âgée arborant des lunettes de vue à monture noire m’invite à la suivre en retrait de l’index. Je m’exécute : «Voilà. Ça ne me dérange pas que vous vous joigniez à nous mais j’aimerais que vous restiez en retrait car il s’agit d’une visite organisée et vous dérangez les étudiantes». «Ah bon, je dérange vos filles ?» «Oui, vous avez une présence disons imposante et en plus vous posez des questions…» «C’est que je n’entends pas si je suis trop loin», je rétorque ahuri d’apprendre que j’indispose les demoiselles. «Alors je vous prête mes écouteurs», me propose la professeure. Ultime et convaincant argument. J’accepte la proposition avec un sourire grand comme le bar du Ritz.

Heureuse initiative donc qui devait changer le cours des choses. Car l’expo qui s’avérait, certes, intéressante, est devenue fascinante grâce aux propos de la bonne dame qui, visiblement, a dignement célébré les sixties et le pop art au cours de sa jeunesse comme en témoigne son collier d’anecdotes distillé tout au long de cette visite.

Ainsi, dès le premières sérigraphies hommage à ses artistes préférés telles Judy Garland vedette du film culte The Wizzard of Oz, (Warhol adorait les comédies musicales mais aussi le rock et l’opéra) à cette série d’Elvis en cowboy en passant par les photos issues des photomatons de ses amis (gays) transformées en sérigraphies, cette expo démonte de façon hallucinante comme l’artiste qui, en mariant l’art et la publicité à estampillé le XX ème siècle de son sceau unique.

Que ce soit en découvrant devant une immense sérigraphie de bouteilles de Coke vide, qui illustre à la fois la société de consommation et l’industrialisation, qu’aucune n’est identique, le spectateur va d’étonnements en surprises. Et s’il sourit en apprenant que le tableau est assuré pour 50 millions, c’est avec un sentiment de pèlerinage qu’il pénètre dans la salle consacrée au mythique Velvet Underground. Formation rock classée parmi les 13 plus influentes de l’histoire par les observateurs et créée de toute pièce par Warhol. Il avait d’ailleurs imposée la présence de la sculpturale comédienne Nico (Fellini) parce qu’il trouvait que le band composé également de, notamment, Lou Reed manquait de charisme.

D’ailleurs, la musique occupe une place prépondérante dans l’œuvre de l’artiste comme en témoigne la salle qui illustre la cinquantaine de pochettes de disque qu’il a créé. On redécouvre avec bonheur celle avec la fermeture éclair des Rolling Stone, Sticky Fingers ainsi qu’une autre célèbre pochette, celle du Velvet et sa célèbre banane qui, lorsque l’on en retirait la pelure, devenait un gland de pénis rose. Ainsi, à travers les pochettes de Warhol c’est les goûts musicaux des États-Uniens sur une période de 40 ans que l’on découvre puisque la première œuvre de l’artiste excentrique ainsi que sa dernière avant de mourir étaient des pochettes.

Plus tard, le spectateur est invité à revivre l’ambiance de la célèbre discothèque Studio 54 de New York où l’artiste et ses acolytes vendeurs dénichaient les célébrités qui voulait se faire immortaliser la tronche. C’est ainsi qu’il recruta les chanteuses de Blondie et autres Diana Ross. Son truc ? Il travailla à partir de photos captées au polaroid dans la célébrissime Silvère Factory. Le flash de l’appareil rendait la peau mate et enlevait du coup rides et imperfections. Inutiles de dire, agenda à l’appui sous verre, que les rendez-vous ne manquaient pas.

Parlant de la Silver Factory, soulignons que l’expo propose une reconstitution de l’ancienne manufacture achetée par Warhol. Lieu de toutes les transgressions, l’artiste y tournait ses films annonciateurs de la téléréalité et peignait ses œuvres parmi les aristocrates, mannequins et travelos qui y passaient comme on entre dans un lupanar. Pourquoi Silver ? Tout simplement parce que tous les murs étaient peints couleur argent donc miroir. Ce qui renvoyait à la fois aux reflets de la conquête spatiale des années soixante et au narcissisme de l’époque.

Bref, c’est avec une immense gratitude que j’ai remis sa paire d’écouteur à la professeure et me suis empressé de féliciter la guide qui, devait-elle me confier, est une insomniaque qui cherche Ici et là la nuit.

Peut-être nous écoute-t-elle en savourant une soupe Campbell's ? La deuxième chose que Warhol aimait le plus au monde. Après l'argent...

Warhol Live, la musique et la danse dans l'œuvre d'Andy Warhol, Musée des beaux-arts de Montréal, du 25 septembre au 18 janvier. Ouvert les mardis de 11h à 17h; les mercredis, jeudis, vendredis, de 11h à 21h; les samedis et dimanches, de 10h à 17h. Entrée: 15 $ (adultes). www.mbam.qc.ca

lundi 13 octobre 2008

Martin Deschamps


Le Martin-Rockeur

Après les grosses guitares de son album précédent, Martin Deschamps se refait une virginité sur Le piano et la voix. Mais qu’à cela ne tienne, le rockeur n’est jamais bien loin.

Claude André

Restaurant Fou d’Asie rue Saint-Denis. Martin et moi, qui partageons un grand ami en commun, causons de la vie. Il commande ses sushis. M’en offre un à la texture inhabituelle. «C’est du canard ?», «Oui». Puis il s’esclaffe : «C’était de l’anguille. Je fais le coup à tout le monde».

L’est comme ça le Martin-Rockeur du Québec: taquin, moqueur et sympa comme tout. Toujours prêt à donner son temps. Que ce soit pour dispenser du courage à des enfants dans les hostaux ou chanter gratos à une soirée hommage consacrée au regretté poète Gilbert Langevin. C’est d’ailleurs quand il a vu l’effet bénéfique piano-voix sur les enfants souffrants que le déclic de faire un disque avec cette formule s’est fait. Puis on cause dudit poète qui a écrit des superbes chansons pour, notamment, Offenbach. Formation pour laquelle Martin a chaussé les grosses bottines laissée vacantes par le décès de Gerry Boulet.

Sur ce sixième encodé, Deschamps reprend d’ailleurs la chanson préférée de son papa, le classique «Cette voix que j’ai» popularisé par Gerry. Concept de l’album ? «L’idée à la base est née de ma rencontre avec le compositeur et arrangeur Paul Baillargeon qui a travaillé entre autres sur Soleil de Jean-Pierre Ferland. Lorsque je l’ai connu, par l’entremise d’un ami commun par lequel il m’avait offert la chanson intitulée Dans ta peau, Paul m’a fait découvrir une autre façon de livrer la marchandise. Puis, il m’a proposé d’autres pièces qui me convenaient parfaitement», poursuit-il enthousiaste. «J’ai de la chance de pourvoir interpréter ces tounes vraies. C’est complètement opposé à ce que j’ai pu faire dans le passé. Pas en ce qui concerne les sujets qui demeurent l’urgence d’aimer, le besoin d’être aimé et les peines d’amour mais, cette fois-ci, il y a un grand côté positif et porteur d’espoir».

Des pianistes


Ça s’entend d’ailleurs sur les deux pièces où le chanteur de Rawdon est accompagné par le rabelaisien Vic Vogel. Car voyez-vous, dans le cadre de ce piano trip Martin a également réquisitionner des pianistes aux horizons aussi différents que Lorraine Desmarais ou Richard Abel (!) en passant par Daniel Lavoie, Guy St-Onge, Claude «Mégo» Lemay, Marco Tessier, Bernard Quessy et Paul Ballargeon.

Autant de musicien qui, chacun à sa façon, apporte ses propres reliefs sur ce chapitre qui, en somme raconte l’histoire d’un couple d’ici. «Tantôt je regardais mon paçing et je me suis dit : c’est un peu comme la vie de tout bon québécois cette affaire là. Ça part avec le «Piano et la voix» pour la mise en contexte. Ensuite, on a un enfant avec «Ma petite douceur». Puis on veut encore que notre femme nous aime avec «Capture-moi». Après, je reprends «Quand ?» qui exprime qu’il y a des hauts et des bas. Passage à vide. On fini par s’en foutre alors on fait des boogies woogie. Mais après la fête, on est perdue dans notre vie de couple à cause du quotidien et on revient à la noirceur. À la fin par contre, on se retrouve et on décide de se construire une maison», remarque Martin.

Et le pari semble déjà gagné puisque le premier extrait «Capture-moi» tourne déjà sur les ondes peu habituées au dépouillement. Excellent prélude à une tournée du Québec, et, probablement, un second tome piano-voix composé davantage de reprises de son répertoire.

vendredi 10 octobre 2008

Discographie : Grand Corps Malade



Avec Midi 20 en 2006, Grand Corps Malade est passé illico de légende underground des bars à vers à vedette populaire. Ses mots d’esprits, sa touchante sensibilité et son instinct de résilient moqueur au regard d’épagneul ont su rallier deux ou trois générations qui se sont identifiées à lui. 

L’engouement pour GCM à traverser d’Atlantique et ses slams ont rapidement touché les âmes québécoises. 

Si son second chapitre Enfant de la ville, paru en 2008, peut sembler un peu répétitif pour les inconditionnels du premier, l’homme demeure pourvu d’un charisme qui ne laisserait pas indifférent même un premier ministre conservateur. 

Nous l’avons passé au discographe en attendant son récital de ce soir à la Place des Arts.

Claude André

Sur la pièce «Mental», du second album, tu dis qu’il faut avoir un mental de résistant. Ta chanson engagée préférée ?
Je dirais peut-être «Hexagone» de Renaud. Une très vielle chanson.

Sur «Je viens de là» tu causes de ton amour du rap. Band et pièce préférée ?
J’aime vraiment beaucoup de rappeurs. Mais comme j’ai grandi à St-Denis en écoutant NTM, je dirais «Tout n’est pas si facile».

Et un truc plus actuel ?
Kéry James. Une de ses chansons que j’aime beaucoup s’appelle «L’impasse».

Dans «Comme une évidence», tu dis vouloir écrire à une meuf le plus beau texte du monde. C’est lequel ?
J’hésiterais entre un grand classique tel «Ne me quitte pas» de Brel et «Ma gonzesse» de Renaud. J’adore cette façon très pudique de faire une déclaration d’amour avec des mots de tous les jours, des mots en argots (il fait un extrait).

Ça t’a fait quoi d’entendre Renaud citer ton nom sur «Les Bobos» ?
Il l’a cité sur la version live uniquement. Il m’avait invité et j’étais dans la salle. Du coup, il a changé les paroles pour faire un clin d’œil. C’est plutôt flatteur. Ça m’a surpris et j’ai pris cela avec un sourire.

«Rétroviseur», du second album, parle de «souvenirs tenaces et de mémoire tonique». Ta chanson nostalgique ?
J’aurais envi de te citer la même que tout à l’heure de NTM qui raconte les débuts du hip hop en France et, c’est vrai, qui me rend nostalgique mais je pourrais aussi parler des chansons de Barbara qui m’évoquent les dimanches après-midi quand ma mère l’écoutait à la maison.

Un de tes slams se nomme «Underground». Artiste alterno préféré ?
Il s’agit d’un chanteur inconnu au Québec qui se nomme Fantasio. Il est un peu fou et c’est très underground, très alterno.

On se souvient t de ton très beau slam «Les voyages en train». Qu’est-ce que tu écoutes pour faire de la route ?
Stevie Wonder. Le bon vieux best of, ça me met toujours la pêche pour faire de la route.

«Je connaissais pas Paris le matin» cause de l’urbanité. Ta chanson de ville préférée ?
«Il est cinq heures Paris s’éveille» de Dutronc. Et oui, t’as raison «Amsterdam» de Brel. A priori, on ne connait qu’une version live et c’est vrai que ça lui donne une dimension magnifique.

«Ça peut chémar», ce slam de ton premier disque cause des rêves à atteindre. Tu as des idoles ?
Je crois que mon idole absolue c’est Michael Jordan (basketballeur). J’étais très sportif et même si j’ai rencontré plein de gens, des chanteurs et tout, j’ai toujours été plus impressionné par les grands sportifs que les grands artistes.

Mais en musique, quand même ?
Je pense qu’au niveau de l’écriture, pour la forme, Brassens demeure un maitre absolu. Et parmi les gens qui sont mort trop tôt je dirais aussi Bob Marley. J’aurais rêvé assister un jour à un concert de Bob.


mercredi 8 octobre 2008

Tryö: Discographié


Effluves de samba, de féminité mélancolique en bossa en plus de touches d’animisme africain pour le côté spirituelle et du blues pour chanter les Touaregs, la formation manifestive Tryö, nous présentera sur scène son 4ième album studio intitulé Ce que l’on sème au début mars 2009. En attendant, nous avons discographié un des guitaristes-chanteur de la formation ; Manu Eveno.


Avec la chanson Tombe mal, Tryö revient au reggae acoustique des débuts. Quelle-est ta chanson reggae favorite et l’artiste contemporain issu de cette musique que tu préfères ?

Ouf, il y en a tellement… «Redemption Song» de Bob Marley, je la trouve magnifique. Je suis surtout reggae roots à la base. Des artistes récents de reggae, il n’y en a plus beaucoup et il n’y a pas grand-chose qui m’allume.


Sur Jocelyne, vous parlez d’une jeune fille adepte du pierçing. Quel est ton plus récent coup de cœur parmi la jeune génération ?

Il s’agit d’un artiste qui s’appelle Glen Hansard, leader du groupe irlandais The Frame. La musique qu’il a faite pour le film Once (de John Carney, 2006) est magnifique et les chansons écrites pas lui sont interprétées par la chanteuse tchèque Markéta Irglova (accent aigu sur le a). Cela a été fait avec très peu d’argent en Irlande et c’est pour moi un véritable coup de cœur.


Votre pièce «El dulce de leche» évoque la nostalgie. Quelle œuvre musicale te procure le plus doux souvenir ?

Je ne suis pas quelqu’un de très nostalgique. En gros, ce qui m’a reconquit récemment, c’est l’album de Jeff Buckley qui s’appelle Grace. Ça m’a fait un effet encore plus fort que lorsque je l’ai découvert en 1994. Il s’agit d’un album où il y a de la nostalgie, de la mélancolie et plein de belles choses…


Tu aimes sa reprise magique de «Hallelujah» de Leonard Cohen (En fait, Buckley reprenait la reprise de John Cale paru sur l’album I’m your Fan publié en 1991) ?

Elle est encore mieux que la vraie !


Avec «L’air du plastique», vous revenez à un de vos thèmes de prédilection ; l’écologie. Quelle serait selon toi la plus belle chanson «verte» ?

Je pourrais te répondre «L’hymne de nos campagne» mais ça ne serait pas juste car je joue dans le groupe qui a fait cette chanson…sinon c’est «Respire» de Mickey 3D. Elle est énorme cette chanson.


Vous chantez «Quand les hommes s’ennuient». Qu’est-ce que les gars de Tryö écoutent en ces moments-là ?

Le silence c’est bien aussi. Sinon, ça peut être du Gonzales, que l’on aime beaucoup et qui est un artiste de chez-vous ou Gaetano Veloso et plein d’autres artistes brésiliens. Pour moi, c’est aussi de la musique classique du XX ième : Stravinski, Ravel et Debussy ou du jazz. J’adore Pat Metheny.

Les musiciens de Tryö vont en boite lorsqu’ils s’ennuient ?

Il y en a certains. Moi, ce n’est pas trop mon truc cependant.

Bonus tracks

Avec «Marcher droit», vous proposer une chanson socialisante. Selon-toi, qui incarnerait le plus beau profil de l’artiste engagé ?

Bonne question. Mais il faut savoir que ce ne sont pas les gens qui nous inspirent des chansons mais plutôt des situations. Je dirais, pour répondre, Bob Marley. Et chez les contemporains ? Ils y a des acteurs comme Georges Clooney ou Leonardo DiCaprio qui y vont, hein. Ils font ce qu’il faut je crois. Mais nous, nous ne sommes pas trop dans le culte de la personnalité ou dans l’identification à quelqu’un. Cela dit, notre chanson Mrs Roy parle de quelqu’un d’engagée même si ce n’est pas une artiste.


On retrouve une pièce nommée «Le temps», la plus belle chanson selon toi sur ce thème ?

Elle véhicule la mélancolie et la difficulté de vieillir et c’est «Avec le temps» de Léo Ferré. Mais ça n’engage que moi. Il y a aussi une chanson de Prince que j’aime beaucoup : «Sign O’ The Time» et celle de Cindy Lauper «Time After Time» est très bonne aussi.


En ce moment, pour toi, quelle serait la plus belle chanson du monde ?

Ah ah…Pour moi, il y en a deux. «Quand on a que l’amour» de Jacques Brel et «L’hymne à l’amour» d’Édith Piaf.


Ton artiste québécois préféré ?

Il y en a un de très engagé que j’adore et que j’ai rencontré une fois à Montréal très rapidement dans un restaurant. J’ai vu un de ses concerts, une messe mystique magnifique : Richards Desjardins. Je possède Les derniers humains et celui au club soda. J’aime bien aussi la folie et le côté déjanté de Jean Leloup.

Vive la France !

Courriel rigolo ce matin de mon ami Luc ce matin. No comment...










samedi 4 octobre 2008

André Sauvé

Humble serviteur



Exit les rapports hommes-femmes et autres inepties surannées, l’humoriste déjanté André Sauvé s’en vient nous faire pétiller les zygomatiques avec intelligence et originalité.

Claude André

Le cliché à la vie longue mais s’il est vrai que l’humour est la politesse du désespoir, André Sauvé, mieux que quiconque par les temps qui courent, l’incarne à merveille. Si comme des milliers d’autres, le journaliste qui écrit ces lignes avait remarqué les capsules particulièrement savoureuses d’André Sauvé (plusieurs se retrouvent sur You Tube) lors de ses passages à l’émission 3 600 secondes d’extase animée par Marc Labrèche, c’est en tombant sur son monologue dans lequel il rendait hommage à son «découvreur» Yvon Deschamps que votre interlocuteur à compris que l’on avait vraiment affaire à un humoriste exceptionnel.

Mais également à un être torturé qui a semble désormais doué dans l’art de canaliser ses angoisses et autres «bibittes» pour en faire des numéros qui, paradoxalement, deviennent des exutoires qui nous font rigoler et/ou nous émouvoir comme ce fut le cas avec «Le bonheur» adressé au torturé Yvon Deschamps dans lequel il abordait la thématique du mal de vivre.

En plus de son intelligences manifeste et des ses mimiques qui font mouche, c’est peut-être une exquise vulnérabilité qui plait tant chez cet ancien de l’école de mime Omnibus et jadis danseur de danses classiques de l’Inde.

Comme si, mine de rien, il était pour nous allé voir de l’autre côté de la fenêtre noire et marchait depuis, tel un funambule, entre la folie et la grâce. Et puis, n’importe quel psy le confirmera, ne trimballons-nous pas tous en nous une part de névroses qui pourrait, interprétées par un professionnel malveillant, nous faire passer pour le dernier des demeurés ?

«Je pense que c’est Yvon qui me disait : un humoriste, c’est un dramaturge de dos. Ça me ressemble beaucoup ça ainsi que ce cliché sur les humoristes désespérés. Paradoxalement, je voulais me diriger vers l’écriture dramatique et, au début, par le concours des circonstances, j’étais un peu déçu de me retrouver en humour. Or, je me rends compte aujourd’hui que je me retrouve dans une situation où je peux dire en humour exactement les mêmes choses que je souhaitais aborder en drame», confie ce lecteur boulimique influencé, encore aujourd’hui, par Ionesco et le poète et dramaturge Jean Tardieu.

Celui-là même qui lors d’une crise névrotique à l’âge de 17 ans éprouva une étrange angoisse métaphysique qu’il ne cessa (tiens tiens,) d’interroger. «Écoute, il écrivait des affaires en 1960, sous le rège de l’église, complètement à se péter…Tu lis ça et c’est encore moderne et avant-gardiste aujourd’hui. Ces choses là m’ont beaucoup influencé et, à ma manière, j’essaie aujourd’hui de faire ma mouture», dira-t-il de plus en plus à l’aise devant le journaliste et le photographe qui s’est joint à la discussion.

Clé de voûte


«Je ne suis pas un lac calme. Je suis quelqu’un qui se questionne énormément. Je cherchais quoi ? Le bonheur, tout simplement. Trouver une paisibilité en-dedans», dira-t-il après nous avoir entretenu, sourire en cascade, de ses nombreuses thérapies. Car s’il ne semblait pas très enthousiaste à l’idée de causer de sa petite personne en ce jeudi après-midi dans un immeuble du Mile-End, le comique ultrasensible déjà réclamé par la France s’emballe lorsque l’on appui sur le bon bouton. En brossant, par exemple, un parallèle entre lui et la grande dame en noir, Barbara. Elle qui chantait si merveilleusement «Le mal de vivre» ? «Hé, c’est une de mes idoles. Tu sais ça toi ! Mon ancien coloc n’était plus capable de l’entendre. Je peignais des toiles et ça jouait en loops. L’écriture de cette femme est extraordinaire, chacune de ses pièces est un roman», raconte-t-il en revoyant dans sa tête ces tableaux de scènes d’accouplements orgiaques inspirées des sculptures des temples indous qu’il peignait pour en faire une toile de fond lors d’un spectacle de danse…

Flash : ses yeux s’illuminent et, avec ses cheveux électriques, l’homme de 42 ans fait soudainement songer au fakir hypnotiseur dans Tintin et Les Cigares du pharaon. C’est que notre adepte du yoga et des philosophies orientales, qui grandi avec Larry Bouledingue, La Fricassé, Court-circuit, Pop Citrouille et autres émissions où il n’y avait pas de soucis de pédagogie avant que le Ministère de l’éducation s’en mêle, vient de penser à son auteur fétiche : Christian Bobin dont les livres trônent à côté de son lit (de clous ?).

Nous dévoilant ainsi la clé de voûte de son approche si singulière de l’humour pour un humoriste d’ici depuis, peut-être, Sol et Yvon Deschamps. «Il s’agit de quelqu’un qui a quasiment vécu toute sa vie dans une petite ville postindustrielle laide avec plein d’usines fermées qui se nomme le Creusot, en France. Quand tu le lis, tu te dis : il a écrit ces merveilles dans ce bled affreux ! Nous prouvant ainsi que tout est alentour. Tu pourrais t’assoir sur ton balcon pour le reste de tes jours, et toute la vie défilerait là, devant toi, si tu sais regarder», s’enflamme-t-il.
Ne terminait-il pas d’ailleurs son numéro sur la Loutre d’Amérique en disant avec justesse : «Ceux qui s’emmerdent, c’est parce qu’ils le veulent bien». Bobin serait d’accord. Lui qui disait : «les enfants sont comme les marins : où que se portent leurs yeux, partout c'est l'immense». À découvrir.




Sa dope à lui
«Dans la création, nous sommes un humble serviteur de quelque chose qui est en arrière. Notre job, c’est de s’enlever la tête de là. C’est facile à dire mais pas à faire : tu veux donc que ça fasse du sens, tu veux donc t’en allé là. Mais non, ce n’est pas la bonne direction. Il faut seulement écouter. Donc la création, oui, valait toute les thérapies. Si je crois en une puissance supérieure ? Hum, comment dire ? J’ai fait des retraites de méditation en Indes et ici, ça n’a rien de religieux je le précise, où je restais immobile et en silence pendant des périodes allant parfois jusqu’à 10 jours. C’est le cocktail le plus puissant que l’on puisse imaginer : écoute, tu es assis pendant 10 heures par jour et tu observes à l’intérieur de toi. C’est effrayant ! Souvent les gens me disent : «j’aimerais ça avoir l’adresse de ton pusher». Ça vient de là ostie. La différence entre un fou et un sage ? Le fou se noie dans la même eau que celle où le sage à appris à nager. Comprends-tu ? Quand t’es assis pendant 10 heures, tu vois tes névroses, tes psychoses, tout est là. Il suffit de se plugguer là-dessus pour écrire», s’esclaffe ce sympathique faux hurluberlu qui a, notamment, exercé la méditation vipassana. Une forme, très ardue, qui, pour le Québec, s’enseigne seulement à Sutton dans les Laurentides



La vie, la vie
«Macrobiotique ? Je peux désormais manger un hamburger avec de la viande sans problème. Mais j’ai été maniaque là-dedans. Pendant une période de dix ans, toutes les thérapies, nomme-les, je les ai faites. De la plus straight à celle où tu te garoches dans la bouette à crier après ta mère. Aujourd’hui, cela se fait de façon plus apaisée mais ce questionnement m’habite encore. Il faut faire attention cependant de ne pas devenir sectaire genre : t’applique les dix lois du bonheur de je ne sais qui de Californie. Cela, ça m’écœure. Il faut en prendre mais aussi aller vivre car la vie, elle se suffit à elle-même».

6 au 11 octobre
Supplémentaire du 12 au 15 novembre
au Monument-National