mardi 28 septembre 2010

Rencontre avec Bob Walsh

Bob Walsh © Sylvain LalandeBob Walsh © Sylvain Lalande
Les bleus du coeur
Désormais beaucoup plus sage qu’à l’époque où il faisait tanguer les bouteilles de scotch en compagnie de la tribu des écorchés de la nuit, Bob Walsh n’a rien perdu de son lyrisme musical poignant.
On s’est rendu récemment dans son appartement du Plateau Mont-Royal histoire de causer de la vie et de son dernier album Inside I’M All Blue.
Un opus émaillé de reprises dont celles de Jimi Hendrix (Angel) et de B.B. King (Never Make Your Move Too Soon), qui s’avère lumineux et optimiste et cela malgré les nombreux écueils qu’à dû affronter le guitariste/chanteur au cours de sa longue carrière amorcée fin sixties.
Et si sur la chanson titre de l’album il affirme être tout bleu à l’intérieur, ce n’est pas par hasard que Bob Walsh reprenait déjà, sur son premier véritable vinyle, le classique de Nino Ferrer Je voudrais être Noir.
Pourtant, c’est avec les chansons folk de Bob Dylan et Joni Mitchell ou country de Roger Miller qu’il a amassé la monnaie de son premier chapeau sur une terrasse de Québec, sa ville natale. «J’interprétais ce qui me passait par la tête. Déjà à cette époque, j’embarquais dans la musique, les yeux fermés, comme je le fais aujourd’hui. Mais mes versions n’étaient pas celles de la radio. Je jouais à l’oreille en intégrant mon style à moi, ma propre couleur», se souvient l’artiste en savourant café et biscuit mitonnés par sa conjointe Maggie.
La couleur de l’âme
Cette couleur «soul» à laquelle il fait allusion a été fortement inspirée par Ray Charles et Louis Armstrong, qui l’ont marqué au fer rouge lorsqu’il les a découvert au cours de sa jeunesse.
Mais également par le souvenir indélébile d’un matelot américain de passage, comme c’est souvent le cas dans le port de la Vieille ville, alors que Bob avait neuf ou dix ans. Le type, un grand Black musclé et beau comme un super héros de cartoons s’affairait, pour le bonheur des quidams, à soulever d’énormes caisses de poissons. «Il faisait quelque chose de beau, les gens appréciaient le show puis il y a un cave qui lui a lancé une insulte. Mon frère ne l’a pas pris et il est allé lui péter la gueule», rigole encore Bob aujourd’hui.
Puis, il ajoute: «Ce n’était rien de nouveau pour moi car souvent j’avais vu mon père et mon frère se battre et ma mère les séparerait avec un tisonnier. Mais j’étais content pour le Black qui ne méritait pas cela. Mon frère a ensuite reçu des applaudissements de la part de la foule présente», se souvient l’artiste. «Je crois, en effet, que cela a éveillé inconsciemment mon amour pour la culture black. En fait, je vais là avec toi en ce moment et je me découvre un peu moi-même», confie cet attachant hyper sensible.
Lui qui est d’autant plus vulnérable puisqu’il doit organiser sa vie en tenant compte de sa bipolarité diagnostiquée il y a quelques années.
Heureusement, il reste lui reste le blues pour trouver un certain équilibre et alléger ses souffrances. Ce même blues qui, paradoxalement, nous permet à nous aussi d’exulter. Ce n’est pas rien.
Bob Walsh sera en spectacle le 30 octobre à 20 h à l’Astral de Montréal et le 25 novembre au Théâtre Le Petit Champlain à Québec.
L’album Inside I Am All Blue sera lancé le 29 septembre au Lion d’or à Montréal.

lundi 27 septembre 2010

Entrevue avec Claire Pelletier




Le retour de l’alchimiste

L’alchimiste de la chanson planante et atmosphérique Claire Pelletier effectue sa rentrée montréalaise entourée de six musiciens.

Souvent associée à Loreena Mckennitt au début de sa carrière solo lorsque venait le moment de lui trouver une famille artistique, l’ex choriste de Michel Rivard et d’un certain Claude Dubois, entre autres, a créé un spectacle qui se déploiera autour de son dernier album Six.

Une œuvre qui s’articule autour du désenchantement. Un thème abordé à l’occasion d’un repas en compagnie de Richard Desjardins qui célébrait son anniversaire ce soir-là et qui l’a instantanément interpellée. À l’orée de la cinquantaine, la chanteuse très conscientisée sur le plan environnemental s’est dit : «si je n’exprime pas mon indignation maintenant quand le ferai-je ?».

Mais cela n’était pas évident d’enchansonner ce désenchantement sans sombrer dans la désespérance et la noirceur. Puis, quelques temps après ce fameux repas, elle reçoit de la part du poète Michel X Côté, qui y avait également assisté, lui qui collabore avec Desjardins, le texte de la chanson L’oubli, la mer. «Quand je l’ai reçu, ça m’a rentré dedans. J’ai dit wow, c’est exactement ce que je veux. J’aimais la subtilité et la profondeur qui en émanait. Ce n’est pas à la première lecture que l’on  saisit toute son ampleur et nous pouvons l’interpréter chacun à notre façon. Il s’agit de la chanson phare de l’album. Elle raconte que l’on vient de la mer et qu’on  y retourne tranquillement, vers elle et l’oubli aussi», avance l’artiste en évoquant la théorie de l’évolution des espèces.

Puis, au gré des rencontres, elle a trouvé une âme sœur en la personne de Sylvie Massicotte qui lui a également offert des textes qui, au final, accompagnent celui de Marc Chabot, parolier des cinq autres albums.

Le spectacle

Afin de transposer cet album chaleureusement accueilli par les observateurs pour la scène, Claire a évidemment fait appel à son conjoint l’excellent bassiste et réalisateur Pierre Duchesne (Piché, K.Parent) qui, plutôt que d’officier à la basse comme d’habitude, se chargera des claviers et des programmations. La chanteuse pour sa part s’emparera de la quatre cordes à quelques reprises, de la guitare électrique, de la batterie en plus d’un instrument chinois qui s’apparente à une harpe, le guzhen. 

Se greffent à cela le batteur Simon Blouin, André Papanicolaou aux guitares ainsi que trois choristes qui contribueront à l’atmosphère planante de ce spectacle ponctué de montées intenses quasi rock. Le tout enveloppé de néons ultra modernes.

Six musiciens pour entourer Claire Pelletier donc.  Au fait, ça vient d’où ce concept de Six ? «Les scientifiques ont démontrés que depuis le Big Bang, il y a eu cinq grandes extinctions sur la planète et à chaque fois 90 % des êtres vivants ont disparus. La sixième est devant nous. Bien que certaines personnes pensent qu’elle surviendra en 2012, nul ne sait exactement quand ça arrivera». «Espérons que ça ne sera pas la semaine prochaine car ça viendra gâcher ta rentrée». Elle s’esclaffe.

Claire Pelletier
Six
Mardi 28 et mercredi 29 septembre à 20 H.
Le Gesù.

samedi 25 septembre 2010

Un après-midi chez Martin Deschamps



Le mandat de Martin 
Après une incursion piano/voix, Martin Deschamps revient au rock old school pour son septième chapitre intitulé On veut la paix.

C’est un Martin Deschamps pas peu fier qui nous accueillait il y a quelques jours en compagnie de sa petite Lou, sept ans, dans son studio tout neuf aménagé à l’orée de la maison familiale à Rawdon.

Il faut dire que l’endroit, qui a d’ailleurs servi à l’arrière-plan de la photo de la pochette de l’album, possède un cachet savoureux qui n’est pas sans évoquer les saloons dans les films de Sergio Leone. C’est dans ce studio (également une annexe de la maison principale) que le Martin rockeur du Québec a enregistré et peaufiné On veut la paix, également le titre de l’une des pièces de cet opus qui sera lancé le 18 octobre prochain.
artin Deschamps © Courtoisie«Au début, c’est la chanson qui nous intéressait le moins, avance Martin. Mais c’est une toune qui a tellement changé entre sa gestation et aujourd’hui qu’elle est devenue la première de l’album! Ça m’a vraiment donné le goût d’en faire le statement. Surtout que, depuis plusieurs années, tant dans les conférences que je donne que dans mes spectacles, mon discours porte toujours sur la paix, que ce soit la paix intérieure, la paix entre nous ou la paix à l’échelle internationale», explique l’artiste qui arbore depuis ses débuts professionnels le célèbre symbole peace en guise de pendentif.

«Dans le passé, j’ai eu des moments de tourmente comme tout le monde, mais je pense que je suis davantage en paix avec moi-même que la moyenne des gens. En faisant du rock dans ma vie, à la manière d’une célèbre compagnie, j’accumule des “paix/points”», raconte-t-il en rigolant.

L’expérience

Pas de doute, à en juger par sa musique, Martin est plus en forme que jamais. Influencé à la fois par les Stones, Brian Adams et surtout ZZ Top, l’artiste est convaincu de livrer le meilleur album de sa carrière. «Quand je suis dans un univers rock, je suis en paix. Je sais que je fais la bonne affaire pour moi. J’ignore comment l’album sera reçu, mais j’essaie de bien doser les choses pour que ça reste rock, même si le rock demande plus d’efforts auditifs que des choses easy listening. C’est mon mandat depuis le début de ma carrière», souligne le rocker, qui effectue actuellement une mini tournée en Ontario.
Et c’est fort de ses 20 ans de métier, dont 10 depuis son premier disque, que Martin, qui est devenu quadragénaire récemment, a analysé ses bons ainsi que ses moins bons coups. Exit donc les cris et la distorsion, et bienvenue les collaborations et les harmonies vocales sur cet album qui comporte, notamment, une chanson touchante sur le deuil inspirée par la tragédie vécue par une amie ainsi qu’une souriante incursion reggae, que Martin attribue à son «côté Patrick Zabé».

Et ce fameux mandat rock, est-il apparu au début de sa carrière, au moment où il a été appelé à prendre la place de Gerry Boulet dans Offenbach? «Les passionnés essaient toujours d’impliquer les autres dans leurs affaires. Moi, j’ai toujours voulu embarquer le plus de monde possible dans mon trip rock and roll.»

Puis, on cause du rock et de ses héros. À un moment, le musicien nous explique d’où viennent ses bouteilles de vin estampillées de la célèbre langue des Rolling Stones avant de se laisser choir au sol, de s’emparer de l’une de ses guitares électriques, d’enfiler un verre au bout de son bras et de nous gratifier d’un solo de slide guitar, son nouveau dada.
La maison/studio vibre. Derrière, la petite Lou joue les acrobates sur le canapé avec la fille de l’amie dont il était question plus haut et celle du journaliste. Dehors, le soleil est «shiné». Peace man.

On veut la paix, nouvel album de Martin Deschamps, disponible dès le 19 octobre.

vendredi 24 septembre 2010

Un remake des frères Coen en Chine




Chinoiseries

Un remake chinois d’un film des frères Coen ! Pis ?

Sur papier, la proposition est alléchante : un cinéaste oriental réputé décide de transposer dans le désert, tout près de la Grande Muraille de Chine, le premier film des célèbres réalisateurs qui nous ont donné, notamment, le savoureux Fargo.

C’est donc avec enthousiaste qu’on s’est rendu assister à la projection d' A Woman, A Gun And Noodle Shop du réalisateur Zhang Yimou (La Cité interdite).  Un remake de Simple Blood d’Ethan et Joel Coen sortit en 1984.

Évidemment, avec le film culte des frères, qui allait poser les jalons de leur cinématographie à venir, on se moquait avec un certain cynisme agrémenté d’humour noir des travers de la classe moyenne de la société américaine. Hélas, peut-être parce que l’auteur de ces lignes n’est pas familier avec l’esprit chinois, c’est une comédie ronflante transposée dans un exotisme de pacotille qu’il a eu l’impression de voir. Et cela malgré quelques images saisissantes et des plans de caméras savoureux.

L’histoire ? Un riche, véreux et sadique propriétaire d’une nouillerie apprend que sa femme le trompe avec un employé à la fois timide, couard et efféminé. Furax, il donne à un policier ripoux le mandat d’assassiner le couple. Mais la  femme s’est procuré auprès d’un marchand perse une nouvelle invention occidentale : un gun !

Acteurs qui ne jouent pas dans le même film, personnages peu crédibles dans ce contexte, rythme ronflant et,  hélas, sens de l’absurde qui tombe dans le grotesque, ce film risque de vous faire perdre de précieuses minutes que vous de reverrez plus. On vous suggère vivement de louer l’original. Pas notre tasse de nouilles.

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lundi 20 septembre 2010

Entrevue avec Roch Voisine : Docteur Voisine, Mister Neighboor

Roch Voisine © Marco WeberRoch Voisine © Marco Weber
Americana, c’est le nom du tout dernier opus de Roch Voisine à paraître de ce côté-ci de la grande mare. Mais c’est également le nom d’un concept qui se déclinera sur plusieurs CD, si la réponse du public était positive.


Trois volumes sont déjà parus en France où, paradoxalement, le projet de reprendre des standards du répertoire états-unien a vu le jour il y a deux ans.


L’heureuse initiative a d’abord germé dans la tête de l’un des responsables artistiques de la compagnie de disques française de Mister Voisine, qui avait remarqué une résurgence de la culture country sous le ciel de l’Hexagone.


Phénomène qui croissait avec la venue de vedettes américaines de plus en plus nombreuses et se traduisait même par le retour de la traditionnelle danse en ligne.


Alors, «qui d’autres que notre bon vieux Roch et ses racines nord-américaines pour porter bien haut le flambeau?» se sont sans doute dit les dirigeants de ladite compagnie en flairant l’aubaine.


Une proposition que le créateur d’Hélène n’allait pas refuser. D’autant plus qu’elle lui permettait de revenir aux sources et de faire effectuer à sa carrière un virage radical sur le plan de la direction artistique.


C’est donc à Nashville USA que Rock Voisine est allé enregistrer les chansons (popularisées par Bob Dylan, Dolly Parton, Willie Nelson et même Elvis Presley), que l’on retrouve sur ce premier disque, lancé lundi prochain.


«Si je suis un cowboy noir ou un cowboy blanc? En fait, je me considère surtout comme un cowboy urbain. Je viens presque de la Nouvelle-Écosse. Et c’est cet immense héritage de musique folklorique qui m’a motivé à prendre la guitare et à apprendre des chansons. Or, la musique country s’est mélangée à cela», se souvient l’homme vêtu de noir, qui affiche toujours la même superbe malgré le temps qui passe.


Une question d’équilibre


Après avoir discuté pendant près d’une heure de musique et des musiciens d’envergure qui l’ont accompagné sur ce disque (en plus de Carlos Santana avec qui il a chanté en duo sur une chanson des Red Hot Chili Peppers (Under The Bridge) pour un album encore européen), Voisine déplore un certain snobisme face au country. Un genre que le musicien compare en souriant à des ailes de poulet pour illustrer que chacun peut y trouver son compte: des plus sucrées au plus épicées.


Puis, la discussion devenant de plus en plus chaleureuse, c’est de cet étonnant équilibre qu’il semble avoir affiché tout au long de sa carrière dont le journaliste a envie de causer.


Car, si on se souvient de la fin des années 80, c’est presque une «beatlemania» qu’a connu Voisine au sein de la francophonie.


Comment a-t-il fait pour garder la tête froide là où d’autres se sont brûlé les ailes? «Même les gens qui travaillent avec toi ne peuvent pas comprendre la bulle dans laquelle tu te retrouves, confie le chanteur. Moi, ma drogue, c’était le sport. J’ai toujours continué à en faire: hockey, ski… Même quand cela déplaisait aux compagnies d’assurance, qui craignaient que je me casse une jambe ou m’inflige des blessures risquant de laisser des cicatrices. Et puis, j’ai débuté ma carrière avec un gérant qui se nommait Paul Vincent. Il voyait clair et me surprotégeait parfois. Je crois que c’est lui, en quelque sorte, qui a ramassé toutes les mauvaises énergies inhérentes à se métier. Il en a vu passer des jeunes qui avaient du talent et qui ont sombré dans un précipice.»


Chaque fois qu’il monte sur scène, Roch Voisine a une pensée également pour Jean Bissonnette, le metteur en scène qui lui a jadis appris la base du métier. Deux mentors, comme deux chênes remplis de valeurs, auxquels il s’accroche encore solidement, 25 ans plus tard.

dimanche 19 septembre 2010

Entrevue avec Hugo Lapointe



La rupture en toile de fond

Hugo Lapointe © CourtoisieHugo Lapointe © Courtoisie
Que les programmateurs se le tiennent pour dit: Hugo Lapointe revient et devrait figurer au sommet des palmarès pop pendant un bon moment.
C’est bien connu: les frères Lapointe sont des bêtes de clan. Il n’est donc pas étonnant que, pour ce troisième album, Hugo ait sollicité des chansons de collègues artistes tels que Lynda Lemay, Daniel Lavoie, Luc de Larochellière, Jamil et Daniel Boucher, qui lui ont mitonné des pièces qui se marient bien à celles de son cru, dont l’accrocheuse Que tu m’aimes trop.
À la réalisation, ce sont Jeff Grenier, et Claude Pineault, celui-là même qui avait, notamment, composé la musique de Mon ange pour Éric, qui ont pris les commandes.
Hugo Lapointe souhaitait «que l’album soit plus représentatif de ce qui se passe sur scène. Pas plus rock, mais moins épuré.»
«Je voulais qu’on puisse entendre les imperfections et non le studio», raconte-t-il, tout vêtu de noir, paquet de clopes à la main.
Bien qu’il semble s’être assagi avec sa queue de cheval en moins, le gus qui chantait son fier célibat il n’y a pas si longtemps n’entend toutefois pas s’aseptiser pour autant, que ce soit dans sa vie ou dans sa musique.
D’ailleurs, entre son succès Célibataire, paru sur le premier album (2004), et son nouveau tube Que tu m’aimes trop, où il se désole de ne pas être assez «emprisonné» d’amour, où se situe-t-il vraiment? «Bonne question. J’ai une fréquentation. Je prends néanmoins la vie avec une certaine légèreté. En fait, je suis un peu revenu au célibat, en ce sens que j’essaie d’activer la flamme tous les jours.»
Sage mais pas trop
Il faut dire qu’avoir un enfant peut parfois changer radicalement le plus irréductible des noceurs. Et pour le mieux, bien entendu. C’est ce qui est arrivé à Hugo, désormais papa d’une petite fille aujourd’hui âgée de quatre ans et demi. Malgré tout, le thème de l’alcool revient à quelques reprises sur le nouvel album. Cela nous incite à lui demander, à la blague, s’il compte assurer la relève de son célèbre frère, désormais abstinent.
«Non, loin de là. Je pense que je me suis calmé avec les années. L’arrivée d’un enfant, ça change une vie, comme on dit. Je suis assez tranquille. Quand je ne joue pas, je reste à la maison. Si j’ai eu une tendance à prendre un petit verre dans les moments creux, j’essaie surtout d’éviter de le faire maintenant et de me remonter le moral plutôt que de m’apitoyer sur mon sort. Comment? Eh bien, je fais un album», dit-il avec le sourire.
Cet album est empreint d’effluves latins, rock, seventies… et la rupture amoureuse semble planer en toile de fond comme une fée aux dents cariées. «J’ai eu un creux, effectivement. C’est peut-être aussi de là qu’est né le désir de cogner aux portes et de demander à d’autres auteurs de m’écrire des textes. Je souhaitais “défocusser”. Cela m’a permis de prendre un certain recul face à la vie en général», confie Hugo, dont la voix sur cet enregistrement évoque de façon stupéfiante celle d’Éric à ses débuts.
Au fait, des nouvelles de lui? «Son bébé n’arrivera pas avant 2011. Je pense qu’il est très occupé ces temps-ci. Je n’ai pas eu la chance de le voir souvent cet été, sauf pour quelques brèves rencontres. Si son horaire est chargé de la sorte, j’imagine que c’est parce que tout va bien», se réjouit Hugo en parlant de son frangin, qui à participer à une chanson à titre de choriste. Le nom de la pièce? L’amour à l’urgence!

vendredi 17 septembre 2010

Festival International de la chanson de Granby


Hôtel Morphée, Mordicus, Beaulac, Lisa LeBlanc et King Melrose en compagnie de Pierre Fortier, Directeur général.



                      Lâché lousse à Granby

C’est samedi (le 18) qu’aura lieu la finale de la 42ième édition du Festival International de la chanson de Granby en compagnie de Vincent Vallières.

Claude André

Le jury composé d’une soixantaine de membre l’industrie devra trancher parmi 5 demi-finalistes qui proposent des univers complètements différents.

J’ai eu le privilège de participer à cette sélection en compagnie de notre chanteuse folk préférée Catherine Durand, du réalisateur Pierre Duchesne (Desjardins, Piché, Parent), du célèbre animateur/journaliste  Mike Gauthier (Musimax) et du programmateur et musicien Louis Bellavance (Galaxie) sous les bons auspice du coordonateur Daniel Dupré, professeur à l’école de la chanson de Granby.

Mercredi, la première soirée ces demi-finales était animée par la pétillante Pénélope McQuade qui nous a encore démontré pourquoi elle fait partie du gotha.

Aucun des participants ne s’est rendu à la finale mais j’ai personnellement été happé par un coup de foudre musical pour Francis Faubert. Un enfant spirituel de Desjardins. Nous devions apprendre samedi que ce dernier s’est vu décerner le prix de la chanson  primée de la Socan pour la magnifique L’impression d’exister. Avenir prometteur.

Avis au publicistes, un festif énergumène nommé Martin Tamar nous a prouvé ce soir-là, avec son électro-pop dansante, que Dumas n’est pas le seul à maitriser l’art de la mélodie qui tue.

Le lendemain, c’est la bande de Bleuets de Mordicus qui a volé le show avec son approche fortement influencée par les années yéyé. Si au début, la rock star attitude du chanteur, un croisement en M. Spock et Cornélius vêtu Beatles, en a laissé plusieurs perplexes, cela s’est effacé lorsqu’il s’est adressé au public. « Second degré, ok».


Entre le calme et l’excentrique

La soirée de vendredi est à marquer d’une pierre blanche puisque trois des six participants se retrouveront à la finale :

La formation Hôtel Morphée et son rock lyrique, ses deux violons, ses cassures de rythmes et sa chanteuse qui évoque Nico et le Velvet. Un univers qui saura plaire aux fans de Patrick Watson et autres Karkwa.

Le même soir, l’excentrique King Melrose a survolté le public qui l’a gratifié d’une ovation après cette performance où il a même joué au piano avec ses orteils ses pièces couleurs Motown : «Tu le mets sur une scène avec Gregory Charles et c’est la bataille pour savoir lequel des deux sautera le premier dans un cerceau de feu» a d’ailleurs rigolé Mike Gauthier au sujet du jeune phénomène qui a remporté le Prix du public.

À l’autre pôle, nous avons craqué aussi pour Beaulac. Un artiste qui arbore à merveille son patronyme, lui qui nous a transporté dans un univers calme et enveloppant comme un lac sous le ciel rosé du mois d’août.

Le lendemain, samedi, une jeune acadienne de 20 ans, amalgame d’Édith Butler et de Mara Tremblay nous a balancé un coup de poing dans la  gueule. Calisse-moi là, chante avec conviction Lisa Blanc. On ira la revoir en  première partie de Plume au Coup de cœur.

Le directeur général Pierre Fortier peut marcher la tête bien haute. Lui et son équipe, composée notamment de l’excellente Brigitte Poupart à la mise en scène et au coaching, nous ont procuré de vibrantes émotions kaléidoscopiques. On remet ça l’an prochain. En attendant, les paris sont ouverts.

http://www.ficg.qc.ca/


Ajout : C'est finalement l'acadienne Lisa Leblanc qui a remporté les grands honneurs. Cela dit, Hôtel Morphée, Beaulac et King Melrose ne rentreront pas bredouilles puisqu'ils repartiront tous avec prix et/ou invitation à des festivals prestigieux dont une présence assurée aux FrancoFolies de Montréal pour la bande d'Hôtel Morphée.

Incendies de Denis Villeneuve




La subtilité incandescente

Denis Villeneuve transpose l’oeuvre de Wajdi Mouawad au cinéma de façon magistrale.

Nous savons depuis le très réussi Polytechnique que le cinéaste Denis Villeneuve possède la subtilité et l’intelligence émotionnelles particulières que nécessite le traitement cinématographique de l’horreur la plus abjecte sans verser dans la surenchère mais plutôt la puissante évocation.

Il relève encore une fois le gant avec brio dans Incendies, son dernier long métrage dont l’histoire est inspirée de la pièce du même nom du Québécois d’origine libanaise Wajdi Mouawad. 

Cela dit, le film et la pièce demeurent deux œuvres complètement distinctes même si on y retrouve  le même fil conducteur.

Si le film se déroule officiellement dans un «espace imaginaire», les spectateurs reconnaîtront la situation politique du Liban et plus particulièrement les conflits entre réfugiés palestiniens (musulmans) et libanais des milices chrétiennes d'extrême droite.

Outre le fait qu’on y réussisse le tour de force de ne jamais faire allusion à Israël, un des aspects les plus réussis de ce film qui en comporte de nombreux autres est de ne pas sombrer dans le manichéisme candide.

Et c’est parce que tout le monde à la fois raison et tort que la finale en forme de tragédie grecque se veut un puissant manifeste humaniste plus convaincant que n’importe lequel des discours.

À l’aide d’un effet miroir, nous retrouvons à Montréal Jeanne et Simon, les enfants de Nawal, une immigrante libanaise chrétienne qui vient de décéder en leur laissant deux lettres : l’une destinée à leur père qu’ils croyaient mort et l’autre à un frère dont ils ignoraient l’existence.

À travers leurs recherches pour retrouver les destinataires, le spectateur se trouve plongé au cœur de l’horreur au quotidien de cette région incendiaire à travers de magnifiques mais parfois très douloureuses scènes tournée en Jordanie. 

Et c’est de cette quête initiatique que nous comprendrons la douleur muette ainsi que l’origine de la colère de la défunte mère. 

À la fois parce qu’il nous aide à comprendre les clashes entre l’Occident et le Moyen-Orient mais aussi parce qu’il nous rappelle les frontières religieuses sont souvent les bornes de la liberté, ce film s’avère un puissant manifeste humaniste qui n’aurait pas déplu à l’écrivain Albert Camus.


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mercredi 15 septembre 2010

Entrevue avec Lynda Lemay

Proximité singulière

Près de deux ans après sa dernière livraison, Linda Lemay présentait Blessée le 7 septembre dernier. Un album capté live sur lequel on retrouve 18 pièces dont 13 nouvelles. Il trône en ce moment même au sommet des ventes avec une seconde position pour le Québec et une troisième en France.

Chanteuse atypique s’il en est, Linda Lemay entretient un lien privilégié avec son public. Cette familiarité lui permet d’oser des approches qui vont à l’encontre des diktats habituels.

Comme lancer des nouvelles chansons en format live (même si quelques pièces ont été enregistrées en studio). Chose qui ne plait généralement pas aux programmateurs radio.

Mais parce qu’elle est désormais bien installée et attendue, la belle aux yeux grands comme des lacs peut se le permettre. Aussi, l’excellent travail du sonorisateur de l’album fait en sorte que l’auditeur n’y voit parfois goutte.
Cette approche permet aussi, pour cette fervente amatrice d’humour, de glaner des petits monologues souriants ici et là à un public qui en est friand.

Mais ce qui étonne le plus l’observateur qui écrit ces lignes, outre la façon de déclamer des textes hyperréalistes avec un volontarisme qui, s’il séduit les uns et peut indisposer les autres, c’est cette propension à débusquer le «tabou» pour en faire une chanson.

Chroniques du quotidien

Comme c’est le cas pour l’une de ses nouvelles pièces, J’ai rencontré Marie, qui raconte l’histoire d’une femme qui en aime une autre. Le fait-elle exprès, pardi ? «Non, c’est l’album du public. J’aime bien être sur scène et faire des tournées autant que je le peux avec ma petite famille. Souvent, après les spectacles, comme à mes débuts, je rencontre le public. À ce moment là, les gens viennent me faire des confidences extraordinaires. Lorsque je suis en avion et donc du temps devant moi, j’en profite pour écrire des chansons. Or, ce qu’il me vient à l’esprit au moment de choisir des thèmes, ce sont les requêtes des gens qui m’ont dit : tu n’as jamais parlé de ceci ou cela… tu serais capable d’en parler avec tes mots, ta façon de livrer l’émotion. Je me retrouve donc avec une liste de sujets que le public attend de moi», explique l’artiste parrainée par Charles Aznavour en France.

Sur cet opus intitulé Blessée, elle reprend sa rigolote Gros Colons/Gros Blaireaux qui brosse un parallèle entre les comportements des certains Français et Québécois. Elle dont l’affection pour les humoristes relève du domaine public, a-t-elle été blessée par un colon ou un blaireau ? «Ah ah ah. Bonne question. Blessée par la vie en général. Je suis de celle qui peuvent se croire épargnées par la vie car j’ai encore ce gros fond de bonheur qui m’habite et ce bel équilibre entre ma famille et ma carrière.»

L’heureuse hédoniste qui ne saurait rester éloignée du public trop longtemps, et lorsque cela arrive, elle téléphone tout simplement à un patron de bar pour lui emprunter sa scène, ira répandre sa chanson néo-réaliste du 9 au 19 septembre prochain avant de s’envoler pour la France. Et, dans l’avion, écrire d’autres chansons.

Dis Lynda, a-ton retour, tu m’en fais une sur les Roms expulsés par Sarko ?

Lynda Lemay
Blessée
Warner

lundi 13 septembre 2010

Musique: rentrée franco

Réflexe de Pavlov

Crise du cd ? Industrie du spectacle vacillante ?  La chanson franco est aussi allumée qu’un ado dans un vestiaire de pom pom girls. On salive en regardant ce qui s’en vient

Claude André

Il y a bien sur ce savoureux Douze hommes rapaillés vol. 2 pour ouvrir la marche et dont je vous causais  la semaine dernière. L’initiateur du projet, Gille Bélanger, présentera les textes de Miron qu’il a «enchansonnés» pour la bande des douze le 14 octobre à l’Astral.

Parlant de Bélanger, son homonyme bluesman, Guy de son prénom, se produira au même endroit un peu plus tôt, le 6 octobre, histoire de présenter son Crossroads sur lequel on retrouve un duo avec Éric Lapointe.

Ce même Lapointe qui brassera la baraque avec son prochain chapitre, Bleu, entièrement co-écrit avec le desperado Roger Tabra et réalisé par le complice des premiers jours, le pirate de la six-cordes Stéphane Dufour.

La très prolifique Lynda Lemay proposait quant à elle Blessé le 7 septembre : 18 chansons devant public, donc 5 nouvelles, entrecoupées de mots d’humour. Malgré ses blessures, l’anar anglo Paul Cargnello se lancera dans La course des loups le 28 sept. dont le premier extrait est très prometteur.

Sans répit aucun, nous jetterons, début octobre, notre dévolu sur celui que Michel Rivard (qui prépare sa mouture Les filles de Caleb) qualifie «d’artiste québécois le plus trop méconnu du grand public» : l’enfant terrible du country folk,  Mario Peluso. Le pelooser (avec lequel j’ai l'honneur de collaborer), nous gratifiera de son Bestov.

Les amateurs de ce créneau et autres fanas de cowboys écorchés seront également ravis de découvrir Jean-François Lessard qui lançait son second opus, éponyme, le 1er septembre.

Toujours en octobre, le 5, l’ex Rital du métal devenu chanteur pop Marco Calliari nous fera goûter à sa nouvelle galette italienne Alfaro Est chez… Pacini !
                                                                  
Le 18, la jazzwoman Sonia Johnson fera swingner les mots de Christian Mistral, Stanley Péan et, notamment, l’auteur de ces lignes, sur  Au Carré de nos amours. Inutile de vous préciser que j’ai comme très hâte, genre.

Dehors novembre ? Notre bien aimé Martin Léon lance Les Atomes, un concept totalement différent de ce à quoi il nous a habitué. C’est également au mois des morts que nous irons nous éclater sous les bons auspices de la bête de scène qu’est Yann Perreau, le 27 au Métropolis.                                 
                                                                
D’ici là, votre serviteur aura connu le privilège d'enfiler une toge de juge au Festival international de la chanson de Granby qui présentera de nombreux spectacles d’artistes reconnus tels Vincent Vallière, Fred Fortin, Bernard Adamus, Damien Robitaille et plusieurs autres en plus, bien sûr, des p’tits nouveaux sélectionnés pour la finale du 18 septembre (on en reparlera)

De quoi nous tenir au chaud jusqu’au traditionnel Coup de cœur francophone de novembre, du 4 au 14, qui proposera, notamment, les premiers véritables spectacles d’Alex Nevsky et sa pop saveur seventies accrocheuse de l’album de Lune à l’aube qu’il lancera lundi. Avis aux fans de Yann Perreau, on y retrouve de sa magic touch.

On attend aussi un nouveau Charlie Wood (lire Charlebois) qui devrait casser la baraque lui qui est désormais si bien conseillé avec la bande de La Tribu, sa maison de disque.

Les rumeurs parlent aussi d’un nouveau Richard Desjardins avant l’hiver.

De l’autre côté de la grande mare, nous demeurons aux aguets : album piano/voix de l’envoûtant Raphaël.  Un nouveau, ô bonheur, Philipe Katerine (que j’interwierai mercredi), des nouvelles de notre Africain de prédilection Tiken Jah Farkoly qui ira de son «African Revolution» sans parler du baroudeur Berbard Lavilliers qui, on l’espère, ne fera plus jamais de plagiat.

Des nouveautés aussi du côté  du slameur Grand Corps Malade qui nous un peu déçu avec son second volet,  de son confrère Abd El Malik qui lui nous a plutôt charmé, de la rafraichissante bande de Nouvelle Vague en français dans le texte et de miss excentricité elle-même, Madame Brigitte Fontaine… de jouvence tandis que, de la droite de chez droite, notre chanteur de variété préféré Michel Sardou (avec Djeuni) revient s’emparer des ondes en duo avec une certaine… Céline Dion.

Elle qui, comme chacun sait, chantera avec deux cœurs puisqu’elle est en cloque.

Et puis vous, ça va ?


Photo: Sonia Johnson, crédit Mathieu Rivard

Une douce flamme de Philip Kerr




La suite des choses…


La douce flamme reste allumée pour les amateurs de La Trilogie berlinoise


Claude André


Après la captivante Trilogie berlinoise, parut une première fois fin 80 début 90, qui nous racontait avec force détails les aventures d’un enquêteur d’exception contraint d’adhérer à la SS  et qui devenait ensuite détective privé par dissidence idéologique, l’auteur Philip Kerr publiait en 2006 La mort entre autres et, en 2008, Une douce flamme.


En parallèle à une histoire de meurtres en série dont il était chargé en Allemagne en 1932, l’auteur  transporte l’attachant et cynique Bernie Gunther en 1950 où il investigue sur la disparition d’une adolescente issue de la haute société mais aussi sur celle de l’oncle et la tante d’une magnifique juive convertie.

L’une de ses enquêtes, qui pourrait bien avoir un lien avec une histoire non résolue en Allemagne, nous apprendra beaucoup de choses sur l’Argentine de l’époque devenue refuge de nombreux dirigeants nazis. Parmi celles-ci, bien que cela ne soit pas officiel, l’existence d’un camp de concentration.

En plus d’une intrigue bien ficelée qui donne froid dans le dos, le lecteur croisera Eva Peron (ainsi que son mari pédo) et surtout, retrouvera ce même sens de la métaphore qui tue propre au héros genre : «vous avez toujours été aussi cynique ? Non, avant j’étais dans le ventre de ma mère».

Et non, il n’est pas nécessaire d’avoir lu La mort entre autres ou même La trilogie… au préalable  prendre son pied à la lueur de cette douce flamme. *** 1/2

Une douce flamme
Philip Kerr
Éd. Du Masque
427 p.

mercredi 8 septembre 2010

Entrevue avec Marc Barbé: le père de Mozart




Récemment de passage à Montréal, le comédien Marc Barbé nous a parléde son incroyable parcours et du personnage qu’il interprète dans le film Nannerl, la sœur de Mozart, présenté au FFM.

Traits burinés, tout de noir vêtu, tatouage sur la main, à 49 ans le comédien Marc Barbé arbore la dégaine de ceux qui ont vécu. Comme si une vieille âme sommeillait en lui. Et c’est sans doute aussi pour cela qu’un jour, son ex beau-frère, Gérard Mordillat, lui a proposé de jouer dans En compagnie d’Antonin Artaud, auprès de Sami Frey.

L’ancien menuisier, qui a vécu dix ans aux États-Unis avant de devenir traducteur de romans à son retour en France, n’a évidemment pas refusé. Il avait 32 ans, aucun cours de théâtre derrière la cravate, mais beaucoup de poèmes, jamais publiés, à son actif. Ce qui convenait très bien au personnage. Et vogue la galère, le voici aujourd’hui à Montréal, accoudé au bar d’un hôtel pour nous parler de son dernier rôle, tout en nuances.

Car, et c’est la force du jeu de l’acteur, le spectateur ne sait jamais tout à fait si Léopold, le papa des deux petits génies que sont Mozart et Nannerl, est un monstre d’égoïsme qui utilise ses enfants à son profit ou un père bienveillant qui n’est pas sans connaître le rendez-vous de Mozart avec l’Histoire. Et si on ne parle pas de sa fille, qui était aussi ultra-douée, c’est que l’époque ne permettait pas d’envisager, ne serait-ce qu’un instant, qu’une femme joue du violon et encore moins compose de la musique.

Un père tyrannique?

«Oui, Mozart a eu des conflits très sévères avec son père. Ce dernier était-il tyrannique? Je l’ignore, mais il a quand instruit un petit garçon dans lequel il a reconnu des dons exceptionnels. Ce n’était pas que des fantasmes de parent, le père de Mozart était quand même un chef d’orchestre, un violoniste et un pédagogue qui avait aussi écrit une méthode de violon qui faisait autorité», explique Barbé, fasciné de découvrir combien les musiciens sont comparables à des athlètes, et les subtilités qui existent entre techniciens et artistes.

Comment a-t-il construit son personnage, et comment a-t-il appris la façon dont on doit manipuler un violon? «Je dis toujours aux réalisateurs: donnez-moi ce que vous voulez que j’ai. J’évite de faire un travail en parallèle. Dans ce cas, René (Féret, le réalisateur), m’a filé pas mal de lettres de Léopold Mozart et il m’a parlé de choses qui lui semblaient importantes: ces gens, les Mozart, n’étaient pas des bourgeois, mais plutôt des roturiers. Des provinciaux pas si à l’aise que ça à la cour des monarques», explique le comédien sur le ton d’une chaude humilité, qu’il semble conserver bien qu’il ait joué dans quelque 25 films.

Même si, aujourd’hui, il ne quitterait plus la France pour une longue période, comme il l’a fait jadis, il garde encore de beaux souvenirs de l’Amérique, et en particulier de la Louisiane où il a encore des amis. «Oui, les derniers événements m’ont touché. D’autant plus, qu’il y a eu une autre grande catastrophe dans les années 80 à La Nouvelle-Orléans, le sida. Il a été très dévastateur. Comme San Francisco, où il y a beaucoup d’homosexuels, c’est une petite ville où il y a une grande promiscuité. Dans les années 80, j’y ai perdu beaucoup d’amis. Ce raz de marée, puis maintenant le pétrole et la perte de toutes ces archives musicales qui étaient dans les caves… d’une tristesse.»

mardi 7 septembre 2010

Bienvenue, la taxe !

Début septembre. Plusieurs d’entre-vous avez récemment emménagé dans une nouvelle maison, à moins que vous ne soyez en train de gosser la toiture de votre nouveau chalet. Dans l’azur, les oiseaux gazouillent et le soleil danse.

Tout semble parfait dans le meilleur des mondes, mais une petite enveloppe au contenu suspect vous attend dans la boite aux lettres : la tristement célèbre « taxe de Bienvenue ».

S’il y a une taxe qui fait sacrer, c’est bien celle-là. D’autant plus que, même si on emménage dans la même rue, mais sur le trottoir d’en face, on n’y échappe pas! Un peu comme un mal de dents, une ex emmerdeuse ou l’herpès, ça revient toujours.

Même pas subtile, on se dit qu’en plus d’être carrément abusive, elle est foncièrement baveuse (la taxe, pas l’ex, quoique…). Se faire souhaiter la « bienvenue » avec un manche de pioche ne serait pas plus antipathique. Non mais quoi encore? Pourquoi pas la taxe du « Gros colon » pendant que nous y sommes? Ou, plus politiquement correct, la « taxe du nouvel arrivant » pour faire multiculturel?

Pourtant, la taxe dite de bienvenue compte parmi ces hasards qui font le charme parfois ironique du quotidien. Un peu à la manière de ce salon funéraire T. Sansregret ou de la caserne de pompier dirigée par M. Legrand-Brûlé !

En fait, la « taxe de mutation », car tel est son vrai nom, a été instaurée sous le gouvernement de Robert Bourassa en 1976 par le ministre Jean Bienvenue.

Un homme qui a toujours su faire parler de lui...

Devenu juge après la défaite du Parti Libéral en 1976, Jean Bienvenue a encore une fois réussi à souligner son passage au crayon gras.

Alors qu’il était magistrat dans un procès pour meurtre à Trois-Rivières en 1995, l’honorable homme de loi déclara, à l’accusée Tracy Théberge, lors du prononcé de sa sentence après l’avoir reconnue coupable du meurtre de son mari  :

« Lorsque la femme s’élève dans l’échelle des valeurs de vertu, elle s’élève plus haut que l’homme […] mais […] lorsqu’elle décide de s’abaisser, la femme, elle le fait hélas, jusqu’à un niveau de bassesse que l’homme le plus vil ne saurait lui-même atteindre! »

Et l’ancien juge de poursuivre : « Même les nazis n’ont pas éliminé des millions de Juifs dans la douleur ou dans le sang, ils ont péri sans souffrance dans des chambres à gaz… »

Parlant de juges, nous apprenions à la fin juin qu’il se tiendra non pas une, mais deux commissions d’enquête sur le processus de leur nomination. Processus, on s’en souvient, remis en cause de l’ex-ministre libéral Marc Bellemare.

Outre celle mise en place par le gouvernement libéral et présidée par Michel Bastarache, la seconde enquête a été lancée en parallèle par le Barreau du Québec qui, manifestement, n’a pas confiance en la première.

On se demande bien pourquoi…

samedi 4 septembre 2010

La rentrée livresque, survol

Sélection des plus subjective

Voici en substance (et en oubli) quelques livres que nous attendons tel un fumeur sa cigouille post coïtale.

Tout d’abord, «l’autoroman» de notre monstre sacré Victor Lévy-Beaulieu, Bibi (Grasset) qui nous transporte à travers de l’Afrique centrale au Québec en passant par l’Île de Pâques. Le même éditeur propose le nouveau roman de la controversée Virginie Despentes (Baise-moi), Apocalypse bébé.
                                                                                                                                           Photo: Elie Wiesel
Il nous est également loisible, sous l’habituelle jaquette jaune, de lire Otage le dernier roman du titulaire d’un prix Nobel de la paix Elie Wiesel qui se penche sur l’enlèvement d’un Juif par des Palestiniens en 1975 à New York et propose, par la même occase, une réflexion sur le conflit que l’on sait.

Parlant de politique, le solide Louis Hamelin nous plonge en plein cœur de la Crise d’Octobre avec un roman, parait-il, très documenté, La Constellation du lynx (Boréal).

Autre pointure, l’auteur du conte sur l’eau si chère à Guy Laliberté, Yann Martel, lance ces jours-ci la très attendu version française de son roman sur la Shoa Béatrice et Virgile (XYZ).

Mon  ancien collègue Michel Vézina (Coups de tête) brassera la cage quant à lui avec Zones 5, un roman de pirates modernes dans un Québec indépendant dirigé par…Richard Martineau.

Nous jetterons également note dévolu en octobre sur Mon cul, le commandant et Munch de Mô Singh ainsi que le premier roman de la réalisatrice (Le Ring) Anaïs Barbeau-Lavallette qui se déroule dans Hochelaga-Maisonneuve ou Homa pour les agents immobilier. Ça s’appelle Je voudrais qu’on m’efface (Hurtubiste).

C’est sans doute aussi pour ne pas s’effacer que l’ex-felquiste et éditeur Jacques Lanctôt publie pour sa part Les plages de l’exil qui raconte ses années dans l’île de Fidel Castro.

Du côté des traductions, notons La chute des géants (R. Laffont) de Ken Follet qui nous avait donné le magistral Les Piliers de la terre et, ô bonheur, une version non-amputée de 50 %, comme ce fut le cas jadis de Parlez-moi d’amour du nouvelliste culte Raymond Carver. La nouvelle ancienne vraie mouture se nomme Débutants (éd. De l’Olivier).

Si vous n’avions qu’un essai à lire cet automne, on opterait pour les désormais traditionnels Comptes et contes du prof Lauzon (Michel Brûlé) qui nous proposent toujours un regard différent et incisif sur notre société. Amen.

jeudi 2 septembre 2010

Rencontre avec André Gagnon

La sensibilité lumineuse
Installé confortablement dans son lumineux condo situé tout près de l’ancienne demeure d’Émile Nelligan, André Gagnon, celui-là même qui a fait exploser les ventes de façon inattendue pour des albums instrumentaux, dont le célèbre Neiges (1975) et ses 300 000 exemplaires vendus, nous reçoit, histoire de causer de son dernier opus, Les chemins ombragés.
Un disque mélancolique aux reflets d’automne et d’hiver, sur lequel le compositeur laisse libre cours à la nostalgie de son enfance, passée à Kamouraska dans une famille de 18 enfants dont il était le dernier, mais également, fidèle à son style, il brosse des tableaux mélodiques, inspirés de ce Québec qu’il adore. En plus, notamment, de livrer un touchant hommage à son éternel complice, dans la musique comme dans la vie, Claude Léveillée.
Il s’estime en grande partie redevable, pour sa carrière si rayonnante, à Claude Léveillée, l’un de nos derniers monstres sacrés de la chanson, qui est désormais très affecté par la maladie.
«Oui, Claude a entendu la pièce Le piano de Claude. J’ai attendu que le mixage soit complètement terminé. Ensuite, j’ai fait en sorte que la pièce se rende jusqu’à lui. Il m’a téléphoné tout de suite après l’avoir écoutée. Il était très ému, ce qui a produit le même effet sur moi. Vous savez, les succès à la radio sont venus plus tard, mais c’est lui qui m’a donné confiance en moi. Il m’avait choisi parmi d’autres, à l’époque, pour l’accompagner. C’était au début des années 60, et cela nous a conduits à une véritable osmose artistique», se souvient le créateur du mégatube Wow.
Le temps de prendre son temps
Mais s’il a mis tant d’années avant de proposer un album de matériel original, c’est surtout en raison de sérieux problèmes à sa main droite qui l’ont contraint à subir une opération. Un sujet qu’il n’est visiblement pas à l’aise d’aborder, mais qui semble lui avoir fait craindre le pire, même s’il livrait quand même des spectacles, dont plusieurs au Japon, où il est très sollicité.
Heureusement, il a accepté de subir une opération à la main, et une bonne nouvelle ne venant jamais seule, la fée création a accompagné la flexibilité indolore retrouvée.
Une composition menant à l’autre, il a donc écrit «dans la tranquillité et sans bousculade», sur une période d’environ un an et demi, ce chapitre musical qui annonce son grand retour. «Je n’ai jamais écrit un album avec autant de spontanéité. Pour conserver 11 pièces, j’en a peut-être composé 22. Il n’y a pas de recette. J’ai fait 30 albums, au cours de ma carrière, et le succès d’hier n’est jamais garant de celui de demain. Il en est ainsi pour tout le monde», analyse l’artiste, fermant les yeux.
Il semble revoir ce soir de Noël où son frère aîné lui avait offert une biographie de Chopin écrite pour les enfants. Ce soir scintillant, où l’étincelle du destin venait de s’allumer. Déjà, le petit Dédé venait de comprendre ce qu’il ferait de sa vie. Il ouvre les yeux et sourit. Un rayon plonge dans la pièce. Je crois qu’il est temps de quitter.
André Gagnon fera bientôt une tournée de spectacles au Québec. Pour connaître les dates de ses spectacles, rendez-vous sur leandregagnon.net
Son album Les chemins ombragés sera disponible dès le 7 septembre.