mardi 29 mai 2007

La révolution intérieure de Mano Solo



Je ne vous en ai jamais vraiment parlé, sans doute par pudeur égoïste, mais Mano Solo, ce grand chef de la noble tribu des âmes exaltées, demeure depuis bientôt 15 ans le chanteur contemporain qui me touche, me réjouis et me bouleverse le plus. En farfouillant dans mes documents, suis tombé sur cet entretien que j'ai eu le privilège de vivre avec Mano dans le cadre d'une rencontre pour la une du Ici lors de son dernier passage à Montréal à l'été 2M3.






Verbe riche et propos sombre, Mano Solo nous a ébranlé dès la parution de son premier album “ La marmaille nue ” en 1993. Chapitre au sein duquel il s’avouait atteint du grand mal. Depuis, ils sont une pléthore à s’être reconnus dans la désespérance magnifiée de ses 4 albums. Sans doute est-ce parce qu’avant d’être les chroniques d’une mort annoncée, les chansons de Mano Solo étaient aussi l’apologie du combat et de la dignité. Rencontre avec un résistant.

«J’ai deux nouvelles à vous annoncer, disait Mano Solo en 1995 en entrant sur scène. Une bonne et une mauvaise: la bonne c’est que je ne suis plus séropositif. La mauvaise; j’ai le sida ». Bang !

Il n’en fallait pas davantage pour que l’on ressente ses chansons à travers le prisme de la maladie. Nous disions même au journal, un peu cyniquement, d’album en album, qu’il faudrait bien un jour qu’il cesse d’annoncer sa mort vu que les progrès de la médecine l’éloignent de plus en plus de la fenêtre noire.

Oubliant au passage qu’il ne s’agissait peut-être pas, finalement, que des confessions d’un sidéen. Lit-on les poèmes de Beaudelaire comme les confessions d’un syphilitique ? Non, il s’agit plutôt d’une vision pessimiste du monde où de l’amertume naît le combat. Parce qu’après tout, on a le choix de se battre ou d’abdiquer. Comme il le dit à un ami trucidé dans Le monde entier («La marmaille nue»): «ce qui compte dans la vie ce n’est pas l’issue, c’est le combat. Et que rien que la beauté du geste te donne raison sur ce que tu détestes… ».



Fond de commerce ?

Mais voilà, Mano est pointé du doigt par la Dame à la faux. Même qu’il avoue avoir retransmis le virus à quelqu’un d’autre sur Tu t’envoles («Les années sombres»). Alors qu’il y ait eu confusion, rien de plus normal. Qu’aujourd’hui il prétende que ses chansons ne parlaient pas de cela, grand bien lui fasse. Mais étions-nous tous si cons ? Bien sûr, c’est la faute aux journaleux, qui d’autres ? «Le public lui, il a compris. Je n’ai jamais basé mon discours là-dessus. Je n’ai pas à me situer par rapport à ça. Ce sont les gens qui le font. Quant au fait que certains journalistes aient prétendu que le sida était mon fond de commerce, je m’en branle. Ce sont des gens qui ne sont jamais venus à mes concerts. Tant pis pour eux. Tu sais, j’ai mis ça dans une chanson (Pas du gâteau) et après tout le monde est resté accroché sur cette pièce. Prends un mec comme Brassens, il a fait au moins cinquante chansons sur la mort et personne n’a dit que c’était un chanteur qui ne parlait que de ce sujet», poursuit celui qui craque aussi pour Lhasa.

«Les médias, ils sont tellement cons que ça leur a bien plu d’avoir une tête de Turc. Moi, je n’ai pas cherché à nier quoi que ce soit. J’ai dit les choses que j’avais à dire quand j’ai cru que je pouvais être utile à quelque chose. Quant aux connards qui veulent m’enfermer là-dedans ce sont les mêmes qui fabriquent les ghettos et l’exclusion», analyse le fort en gueule qui bien qu’il ait troqué engueulades dans les bars pour les jeux vidéos n’en a pas moins perdu son goût du combat.

La bataille

«Ouais, c’est vrai que je ne vais plus dans les bars. Quant à play station, j’adore, rigole-t-il un peu mal à l’aise. C’est tellement délicieux de perdre son temps comme ça et d’arrêter de réfléchir. Les jeux que je préfère ? Ceux de baston : de boxe, de karaté ou bien ceux ou l’on tue tout le monde et on bombarde la terre entière. Des jeux violents avec du sang et tout… », s’esclaffe ce nouvel amateur de boxe qui fera un titre sur une compil visant à financer les activités de Boxing beat.

Un regroupement de boxeurs qui tente de faire bouger les choses dans ce milieu. En ouvrant des salles en banlieue, notamment. «Je suis bien branché avec la boxe en ce moment. Ce qui me fascine là-dedans c’est de voir que les mecs sont quasiment prêts à donner leur vie pour un truc complètement illusoire. Qu’il y ait presqu’une envie de mort envers un adversaire qui ne leur a rien fait, c’est un truc que je n’arrive pas à cerner. On a beau être très intelligent, on ne pourra jamais comprendre. C’est ça que je trouve magique dans la boxe. Puis les personnages, lorsqu’on les côtoie, c’est encore tout un monde quoi. Et on y comprend encore moins que rien. Tout ce que l’on a pu croire sur la psychologie des gens devient dérisoire. On repart à zéro. Ces athlètes, je les regarde comme des extra-terrestres, ils m’impressionnent vachement. Et tant que je n’arriverai pas à comprendre ce qu’il y a derrière, ça m’intéressera».

Comme la vie, l’amour, la mort. Tout ce qui nous rattache à l’univers de ce gladiateur du sentiment qui se reconnaît aussi dans le combat que mène José Bové, l’agriculteur qui défend le rocquefort et une certaine idée de la France. «J’ai grandi dans un idéal soixantehuitard, dans un esprit de révolution. Je suis dégoûté de voir comment les gamins d’aujourd’hui s’en balancent complètement. Pour eux, le pognon est la seule carotte qu’ils connaissent. La France a voté pour la gauche en 81 puis les gens ont attendu que Mitterand soit socialiste à leur place. Finalement, la gauche, le respect et toutes les bonnes choses que l’on pourrait s’apporter ce n’est pas dans les urnes qu’on les trouve. Moi, je me reconnais bien dans le combat d’un mec comme José Bové. Il me rappelle mon enfance. La forme d’action qu’on m’a appris à avoir : le terrorisme non-violent. Je suis entièrement avec lui.»

En attendant la suite des choses, Mano Solo poursuit inlassablement sa révolution intérieure. Cette révolution qui nous parle de liberté, de courage et de dignité.

jeudi 24 mai 2007

Le Petit Prince


Nous apprenions hier que l'excellent Pierre Lapointe sera de la prochaine édition de la fête nationale du Québec au parc Maisonneuve le 24 juin prochain en plus d'offrir le grand concert de fermeture des 19 ième FrancoFolies de Montréal. Cela me donne un bon prétexte pour sortir des boules de naphtaline cette entrevue qu'il m'accordait pour le Ici il y a presqu'un an en vu d'un concert au Métropolis.
Par ailleurs, pour ceux que ça intéresserait l'émission Ici et là possède, grâce aux bons soins de Mélissa-Maya, sa propre page my space avec une pléthore de photos : www.myspace.com/icietla


Il se camoufle souvent derrière un personnage, mais le nouveau petit prince du showbizz québécois est également un splendide créateur dont la démarche noblement artistique n’a pas fini de nous déstabiliser.

Claude André

Lorsque nous l’avons rencontré la première fois dans un café de la rue Laurier dans le cadre des nouvelles têtes à surveiller pour la nouvelle année, Pierre Lapointe était allumé, certes, mais ne possédait pas encore la superbe qu’il trimbale aujourd’hui.

Ancien étudiant en théâtre qui ne se destinait pas à la chanson, le jeune homme nous expliquait alors que son personnage de dandy condescendant qu’il affichait sur scène servait en fait à camoufler une maladive timidité.

Puis les années ont passées. Le jeune homme, aussi grâce à ses gérants, un couple qui a tout laissé tomber pour se consacrer au rayonnement de l’artiste, a paraphé un contrat de disques avec la boite Audiogram.

Contre toute attente, le succès de son premier encodé qui donne dans un genre plutôt vieille école style Boris Vian était au rendez-vous avec plus de 60 000 exemplaires écoulés.
Mais si nous savions dès le début ses chansons géniales, il nous restait à apprendre que Lapointe est un artiste intégrale (et intègre) dont la démarche singulière pour notre époque s’inspire de celle d’une Diane Dufresne.

En ce sens qu’il ne craint pas de déstabiliser le public en lui proposant des expériences musicales hors du commun où il revisite ses chansons ou encore en lui offrant des spectacles mis en scène de façon théâtrale.

Comme il l’a fait, notamment, avec le Consort contemporain de Québec ou dans le cadre de son spectacle « La forêt des mal aimés ».

Au lendemain du gala hors d’onde de l’Adisq où son équipe et lui devaient rafler 4 prix (avant les six autres du gala télévisé d’il y a deux semaines), l’homme arborait une dégaine remplie de cette belle confiance en soi que confère le sentiment d’être apprécié mais brillait également par son franc parler et sa connaissance intime de l’art contemporain sous de nombreuses facettes. Furent-elles musicales, architecturales, design ou picturales.

Comment explique –t-il la reconnaissance de cette démarche qui se destinait à une diffusion clandestine?

« Merde, réveillez-vous »

« Je n’ai jamais espéré écouler plus de dix mille exemplaires de mon premier disque. Au-delà de ce chiffre, ça représentait un gros succès. J’avais en tête une fille comme Lhassa Desela qui vend des tonnes de disques mais qui demeure inconnue du grand public. Je me disais : il y a sans doute moyen de vivre de ce boulot sans être une grande vedette et en ne jouant pas cette carte là. Lorsque tu choisis ce métier pour faire de la création, travailler un univers qui est à toi, tu n’as pas de problème avec le fait de te retrouver sur un marché en marge», se souvient-il.

Mais le hasard qui fait parfois bien les choses a fait en sorte que Lapointe est apparu à un moment où le public québécois amateur de diversité se manifestait de plus en plus. Avec les Cow-Boys et Loco Locasss, vinrent ensuite Les trois accords et autres DobaCaracol. L’Adisq ne pouvait plus faire la sourde oreille : money talk.

« Les gens ont une écoeurite générale du préfabriqué. Cela aide notre cause en créant un fossé. C’est comme s’il y avait nous et eux autres. Un peu comme lorsque les yéyés sont arrivés dans les années soixante. Un fossé c’est créé entre eux et les chansonniers. Puis il y a eu un retour du pendule avec des gens comme Charlebois où tout a fini par se mélanger. La pop devenait de la chanson et vice versa. On ne savait plus trop. Prends l’album « Jaune » de Ferland où le disque psychédélique de Donald Lautrec. On revit peut-être le même phénomène », analyse Lapointe en regardant l’heure sur son bracelet qui cache une montre lumineuse crée par son idole, le designer français Philipe Starck.

« Sur le prochain album, il y aura beaucoup de clins d’œil à la musique pop sur le plan mélodique. Les textes cependant appartiendront encore à mon univers », échappe celui qui souhaitait, il n’y a pas si longtemps, laissé tomber son personnage de chanteur pédant et hautain et qui se fait un devoir de demeurer sympathique lorsqu’on lui demande un autographe même si cela le « fait chi… » (Première fois que j’entends un tel aveu en 12 ans de métier!)

Influencé par Diane Dufresne bien sûr, mais également par les Beasties Boys, Beck, Björk, les Beatles et Stereolab, Pierre Lapointe revient à Barbara par les temps qui courent et étudie scrupuleusement l’œuvre de Mc Cartney. « J’ai envie de dire au monde : hey, j’existe pour autre chose que la chanson française. J’ai fait la scénographie du show, j’ai travaillé avec l’arrangeur pour trouver les musiciens. Je m’éparpille partout ».

Même en France où il ira tâter le cœur des Hexagonaux le printemps prochain avec la parution du prochain album.

Le prix du Coup de cœur de l’Académie Charles Cros qu’il a remporté en juin dernier ne devrait pas lui porter préjudice lorsqu’il se pointera chez les Gaulois…

Entre deux voyages dans les galeries tendances new-yorkaises, le Prince Lapointe consentira bientôt à rencontrer la plèbe en lui proposant non pas du pain et des jeux mais une nouvelle mouture de « La forêt des mal aimés ».

À quoi doit-on s’attendre de celui qui se situe à mi-chemin entre la commedia d’elle ARTE avec ses personnages tordus et son romantisme mélo-dramatico-mélancolique à la Barbara?

« Pendant le processus de création de La forêt des mal-aimés, je me suis assis avec Michel, mon gérant, et je lui ai dit : je veux que les gens comprennent que lorsqu’ils vont voir un spectacle de Pierre ce n’est pas pour assister à la reproduction de l’album. On ne vient pas pour voir un show classique mais plutôt pour assister à quelque chose de différent, un événement. Je mets toujours la barre un peu plus haute histoire d’aller ailleurs. Il y aura beaucoup de différence avec La forêt…. Pour la première fois, on retrouvera un batteur dans un des mes spectacles en plus de mes 4 musiciens habituels. Le décor sera le même mais s’ajouteront quelques éléments surprises. J’interpréterai également plusieurs nouvelles chansons qui donneront une bonne idée de ce qui s’en vient pour le prochain album. Les arrangements sont signés Philippe Breault, un jeune créateur de 24 ans qui possède un sens inouïe de la pop, du jazz et de la musique classique. On veut amener La forêt au stade de l’événementiel. J’aime jouer avec les émotions des gens et les étonner. Il y a une pièce, par exemple, avec une mélodie très très grandiose et juste au moment où cela devient très prenant, on câllisse une scie mécanique dessus..! Vous êtes bien, vous trouvez ça beau, et vlan, on vous rentre un couteau dans le ventre! Si je serai fendant? En show, je suis fendant parfois. Mais je le suis aussi quand je déconne avec mes amis. J’ai abandonné le personnage pour mieux y revenir de façon plus modérée. Je ne veux quand même pas faire un show d’humour. »

En espérant marquer son époque comme l’a fait l’icône pop trash Leigh Bowery qui l’a un jour bouleversé au point de le traumatisé, le petit prince s’apprête à nous dessiner bien plus qu’un mouton.

mercredi 23 mai 2007

En Silence


Tous ces mots qui sommeillent
Échoués sous un volcan
Tous ces matins sans réveil
Qui me disent je t'attends

Tous ces millions d'années
Dans l'absence de tes bras
Ceux que j'ai cru aimer
Mais qui n'étaient pas toi

Tout ce que j'imagine
Quand j'effleure ton regard
Cette étoile qui s'illumine
N'est pas le fruit du hasard
Ce que je voudrais t'offrir
Lorsque tu reviendras
C'est un ciel qui se déchire
Une foudre au fond de toi

Malgré tous mes naufrages
Sur les radeaux d'la souffrance
Il y avait ton visage
Mon ultime fulgurance

Dans le chaos de la nuit
Moi j'attends en silence
Les oiseaux du paradis
Qui me feront croire en la chance

Tout ce que j'imagine
Quand j'effleure ton regard
Cette étoile qui s'illumine
N'est pas le fruit du hasard
Ce que je voudrais t'offrir
Lorsque tu reviendras
C'est un ciel qui se déchire
Une foudre au fond de toi

Tout ce que j'imagine
Quand j'effleure ton regard
Cette étoile qui s'illumine
N'est pas le fruit du hasard
Ce que je voudrais t'offrir
Lorsque tu reviendras
C'est un ciel qui se déchire
Une foudre au fond de toi


En silence
Paroles : Claude André.
Musique : Laurence Jalbert et Yves Savard.
2001
Les Éditions du 15 décembre, Les Éditions Samuel Michèle

dimanche 20 mai 2007

Tu t’en es allé

On était pas pareil
On s’parlait pas vraiment
Chacun son soleil
Chacun son firmament

J’me vois encore tout p’tit
Et si fort dans tes bras
Sautillant sur ton lit
C’était toi mon papa

Mes premiers coups d’patins
Mon premier coup d’whisky
J’avais un gros chagrin
On ne s’est pas compris

Un rêve est tombé
Au-dessus d’l’enfance
Quand tu t’en es allé
Loin du pays des souffrances


Tu seras immortel
Dans la danse d’la mémoire
Tu y s’ras toujours fidèle
Même au fond d’la nuit noire

Nous prendrons ta lumière
Comme on prend un pays
Tu diras à not’ mère
Que je l’en remercie

Puis pour te rendre hommage
J’poursuivrai le combat
Je garderai mon courage
Comme tu l’faisais, ici bas

Un rêve est tombé
Au-dessus d’l’enfance
Quand tu t’en es allé
Au pays du silence


Claude André

mercredi 16 mai 2007

Charles le boâ


Ce matin, pour me mettre de bonne humeur, j'ai réécouté la superbe chanson Fais-toi z'en pas (tout l'monde fait ça) du tandem Charlebois-Ducharme. Ce qui m'a ramené au chaleureux souvenir de cette dernière rencontre avec Garou 1er l'automne dernier pour le Ici.
La voici.


Du coq à l’homme

Rencontrer Charlebois et refaire la fin du monde…sans alcool

Claude André

Crachin sur Montréal. La voix dans les écouteurs balance Fais-toi z’en pas (tout le monde fais ça). Putain de texte de Ducharme. Heureux, le journaliste se dirige vers les bureaux de La Tribu à la Chapelle historique du Bon-Pasteur un peu comme à la même période l’an dernier. C’était pour parler de la publication du coffret « Tout écartillé ». L’homme nous avait abasourdi sur la scène de Latulipe quelques jours plus tôt avec sa nouvelle mouture rock et ses deux batteries.

Et séduit par la suite avec son enthousiasme mêlé d’ironie en entrevue. Cette fois, c’est le même Garou qui pénètre le bureau de La Tribu et votre serviteur ressent l’impression de voir se pointer un vieux chum.

Partagé un passé de noceur créer des zones de confort, forcément. Mais Charlebois semble tourmenté. Il sait que je lui parlerai de la controverse autour de certaines de ses déclarations publiées au lendemain du gala de l’Adisq.

En fait, le véritable soucis de Charlie Wood, comme le nomme son pote David Mc Neil dans un roman (Tangage et roulis éd. Gallimard), est de ne pas endosser les habits du moraliste de service.

Celui qui a déjà effectué une tournée avec l’anarchiste Léo Ferré n’est surtout pas un donneur de leçon. Passionné certes, grande gueule sans doute (et ce n’est pas nous qui allons lui en formuler un reproche) Charlebois possède une opinion sur tous les sujets et cela est délectable.

C’est clair, il a réfléchi à cette discussion que nous allons avoir et d’emblée il se lance dans une longue tirade (voir autre texte).

Puis je lui lance : « tu trouves que la musique est trop brouillonne au Québec, Jean Leloup disait récemment à Christiane Charrette qu’elle ne l’est plutôt pas assez ». « Il s’efforce pour être brouillon. Ça prend de l’énergie. C’est comme Clint Eastwood. Il travaille fort pour avoir l’air cool à l’écran. Je comprends ce qu’il veut dire Leloup. Moi aussi j’ai horreur des albums léchés. Ces Québécois qui vont se faire faire des albums en France par des producteurs français, des paroliers français, ça me fait autant chier autant que du mauvais joual si on veut », lance Charlebois en rappellent que tout le monde n’est pas Tremblay ou Ducharme et que le joual ouvre souvent la porte à des choses plutôt bâclées.

Puis, nous causons de Malajube qu’il apprécie bien que, comme tout le monde, il n’entende pas les paroles. « J’en ai fait disque de même moi aussi. Alors, je les comprends. Je ne suis pas un donneur de leçon, je ne veux pas leur enlever leur confiance en eux. Je ne suis pas dans le genre : c’était mieux avant... Le LSD c’était comme l’ecstasy aujourd’hui et le Vietnam ce n’était pas mieux que l’Irak. C’est sûr qu’il n’y avait que 3% de chômage au lieu 7-8 mais pour le reste… Ce qu’on appelait des cochonneries, la liberté sexuelle en fait, nous étions en train de préparer la catastrophe dans laquelle on est aujourd’hui.»

Babyboomer lucide et solidaire

S’il se sent proche de la jeune génération comme en témoigne l’âge de ses musiciens ou ses premières parties officiées par Anik Jean, Vincent Vallières ou Les trois accords avec lesquelles il aime échanger, Charlebois qui n’a pas la langue dans son gousset égratigne au passage la génération dont il est issue : les babys boomers.

À soixante balais bien sonnés, l’homme possède les préoccupations d’un père de famille sexagénaire davantage qu’une envie d’envoyer paître le système. « Les baby boomers sont responsables de beaucoup de maux. C’est eux autres qui ont détruits le Saint-Laurent et les forêts », lance –t-il avant que l’on cause du courriel que la formation Karkwa lui a expédié suite à ses propos controversés : « Je ne leur ai pas encore répondu car je partais en voyage mais je vais le faire. Je n’ai pas parlé d’eux autres, je n’ai jamais parlé contre personne. Mais s’ils se sont sentis visés cela veut dire qu’ils peuvent mieux faire », rigole-t-il de sa bonne bouille d’enfant qui aurait fait un mauvais coup.

Parlant d’enfant, le Garou authentique, s’il en était un aujourd’hui, rêverait de devenir quel artiste ? « Si on parle de musique pure, je pense que tous les musiciens, jeunes ou moins, sont pris d’un vertige certains lorsqu’ils se retrouvent en face de l’œuvre de Frank Zappa. Parce que lui sont but dans la vie c’était d’apprendre. Si on pense carrière, je trouve que Dylan avec ses états d’âme, même s’il est chien avec ses musiciens, reste l’esprit le plus libre de tout ce métier là », lance l’artiste en me demandant si j’ai lu le livre de Dylan « Chroniques ». « C’est le plus beau cadeau qu’il m’a fait de sa vie, j’ai mangé ça… »

Puis nous voilà sur une discussion sur la littérature, notamment le dernier livre de Mc Neil dans lequel il incarne une des personnages principaux avec Renaud, ancien frère de biture. Ce bouquin a d’ailleurs été, injustement pour ma part, varlopé par l’ami Vézina a Ici. « C’est moins poétique que son précédent mais c’est drôle. Je l’ai échappé des mains quelques fois. Surtout lorsqu’il raconte nos aventures dans le quartier chinois. Il y a bien des affaires qui n’ont pas été raconté. Avec Renaud, ils ont mis la marde dans la clinique Nouveau Départ… Je pense que le directeur a fait une dépression suite à leur passage.»

En attendant bien sûr qu’il nous présente un album flamboyant et sauté comme « Avril sur mars » (son préféré). Les jeunes musiciens du consensus mou oseront-ils donner leur avis à Charlie Wood après son éventuelle publication? Parions que non !



Au sujet de la controverse selon laquelle Robert Charlebois considère que la relève ne fait pas de classiques...
« Ceux qui ont lu l’article savent que j’ai une admiration fantastique pour Pierre Lapointe, Ariane Moffat, pour les Cowboys. Ce texte a été écrit par un jeune de 22-23 ans du Journal de Montréal. Ce qui me fait peur là dedans…Je ne peux pas lui en vouloir à lui parce que ce n’est pas vous qui choisissez vos titres. Le journalisme, c’est la fourberie du gros titre. On le sait. Dans n’importe quel conversation d’une heure tu peux aller chercher une petite affaire et la grossir. Puis, il faut être honnête un petit peu. Sinon, ça veut dire quoi ? Je vais te parler du mauvais automne qu’on a eu ? De la pluie qui va tomber demain et que ça va monter à 17 degrés vendredi… Ensuite, je vais te parler de mon Centre Bell et de mon dvd puis ça va s’arrêter là. C’est de valeur par ce que je ne suis pas tout seul. Il y a Lemire, Leloup, les Cowboys… tout le monde se fait comme embarquer dans des affaires et on dirait qu’il y a du monde au Québec en ce moment qui ne veulent que diviser. Pas se séparer du Canada, diviser le Québec en deux. Dans l’absurdité la plus complète : Occupation double en face de Loft Story. Tout le monde en parle en face de On a pas toute la soirée… Bientôt les gens qui possèdent des bateaux à moteur ne parleront plus aux voiliers. Ceux qui font du ski de fond n’adresseront plus la parole à ceux qui pratiquent le ski alpin. Les jeunes contres les vieux ! C’est quoi la prochaine affaire ? Les fumeurs contre les non-fumeurs, tu dis. Ça c’est déjà une bataille qui est perdu pour les fumeurs (rires). Je me suis tassé de là à temps. Je ne l’avais pas vu celle là, mais tu en sors une bonne (rires). Les buveurs contre les non buveurs (…). Pour revenir à ce que nous disions plus tôt, tu vois, l’Adisq a retenue 25 albums sur les 500 de cette année. Cela veut dire qu’il y en a 475 qui n’ont pas impressionné l’Adisq au point qu’ils n’étaient même pas en nomination. Il y a des gens là-dedans qui ont fait des belles choses et qui ont travaillé fort pis ça je le dis moi. Il y a des jeunes que l’on ne découvrira jamais, il y a peut être des trésors, des merveilles d’imagination et ça, on ne le saura pas parce que le monde n’a pas l’argent ni le temps. Je n’ai pas le temps moi d’écouter deux albums par jour même si on me les donne.»

Après cette longue tirade, on relance Garou 1er.

Ce qui a heurté les gens c’est ta déclaration selon laquelle il ne se compose pas de « classiques » en ce moment.


«J’ai parlé des chansons bâclées. Et c’est vrai, il y en a partout de ça : il y en France, en Angleterre… Moé, quand je parle du pop rock qui tourne en rond, me semble depuis ben longtemps, je me dis « plus jamais ». À part une fois, j’ai vu Christina Aguillera faire l’ouverture d’un gala Grammy’s, ou je ne sais pas quoi, avec un groupe d’acrobates qui jouaient des faux cuivres. C’est une idée que j’avais… Là j’ai fait vraiment « wow ». Ça m’arrive d’être impressionné comme par Coldplay ou tsé, des bonnes affaires, mais c’est rare que je me dis : « wow » à en devenir hystériquement jaloux et de me dire : « pourquoi, je n’y ai pas pensé !»

D’un autre côté, j’en donne pas souvent moé non plus des Lindberg, des J’veux de l’amour ou Des Complainte du phoque en Alaska comme Beau Dommage ou des Si Dieu existe de Claude Dubois. Moi, je veux pas demander l’impossible mais je veux que la vie soit meilleure, que la chanson soit meilleure, et comme je suis exigeant envers moi-même, je trouve que souven on ne joue pas assez: ni avec les mots ni avec les notes!»

jeudi 10 mai 2007

Verlainerie


Mon Rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.


Car elle me comprend, et mon coeur transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.


Est-elle brune, blonde ou rousse ? --Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.


Son regard est pareil au regard des statues,
Et pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

Paul VERLAINE, Poèmes saturniens (1866)

dimanche 6 mai 2007

«Toi, tu survivras!»


Le 31 août 2004, le quotidien La Presse publiait cette rencontre de votre humble serviteur en compagnie d'une rescapée de la Shoah. En regard d'un certain discours tenu par l'éminent nouveau président de la république française sur la délinquance et la pédophilie qui seraient génétiques, l'analogie ne me semble pas tordue.

Rescapée de la Shoah, Ann Kazimirski avait juré à sa mère qu'elle témoignerait un jour de l'horreur. Investie de cette mission, cette conférencière fort appréciée change la vie des centaines d'élèves du secondaire qu'elle rencontre annuellement entre les concerts de la chorale qu'elle dirige.

«Elle apporte sa magie, son courage et donne de l'espoir à nos jeunes décrocheurs qui sont souvent aux prises avec divers problèmes, explique Judy Leonard de l'école alternative de Saint-Lambert. Je crois qu'à travers son témoignage et ses rencontres intimes qui suivent les conférences, plusieurs d'entre eux ont trouvé la force de changer de vie.»

C'est que l'octogénaire pétillante qui se dresse droit devant le journaliste a transformé une tragédie historique en leçon de courage. Et cela, on en conviendra, est plus éloquent que n'importe quelle leçon de morale.

Comment y parvenir? «Il faut se bâtir, dans notre tête, dans notre coeur, un système d'autodéfense afin de combattre le chagrin et la douleur. Malheureusement, nous n'y arrivons pas tous. Il y a des gens qui font des dépressions ou des tentatives de suicides. Moi, je me suis dit: ma vie recommence. Depuis, chaque nouvelle journée est un cadeau de Dieu», explique Ann Kazimirski, qui maîtrise sept langues.

Survivante de la vérité

Imaginez le film Le Pianiste, de Polanski et vous obtiendrez, en substance, le parcours qu'a connu l'auteure de Witness to Horror, éditions Devonshire Press. Son père, son frère de 18 ans, son grand-père et sa mère ont été tour à tour exécutés par les Allemands.

Elle a 17 ans quand la guerre commence. De 1939 à 1941, les troupes hitlériennes s'activent en Pologne. Avec sa mère et son mari, Henry, dentiste, ils décident de se réfugier chez une amie, se souvient-elle avec émotion.

Puis, le 13 juin 1943.... Solution finale. Les cris de la mort et l'odeur des cadavres se répandent comme une traînée de poudre. Les trains vers les camps deviennent de plus en plus réguliers.

Entre l'abdication et la foi, Mme Kazimirski a choisi la seconde. «Je n'ai jamais pensé un seul instant que j'allais mourir. Pendant la guerre, je n'ai jamais perdu l'espoir. Pourquoi? Parce que ma mère m'a toujours dit: ils vont tous nous tuer, mais toi, Anna, tu survivras. Tu dois raconter au monde entier ce qu'ils nous ont fait, voilà ton destin! En regard du pessimisme de mon mari, qui conservait sur lui une capsule de cyanure, elle disait: laisse-le parler, tu vivras, je te le promets», raconte-t-elle.

Fuir le ghetto


De fil en aiguille, de refuge en refuge, le couple parvient à survivre tant bien que mal en dépit du froid hivernal, de l'absence de nourriture, des poux et de la maladie. Un jour, tous deux réussissent à s'enfuir en empruntant les égouts.

En sortant, discrètement, ils aperçoivent au loin des Allemands. Un ange passe, ils se mettent à chanter des cantiques de Noël et trompent ainsi la vigilance des soldats au poste frontière.

Finalement, les Russes viennent délivrer la Pologne. Puisqu'il ne reste pratiquement plus de survivants juifs, le couple passe pour des espions aux yeux des Russes. Cependant, grâce à un dirigeant de cette armée qui parlait le yiddish, ils ont pu rétablir les faits. «Apportez de la soupe, vite, ils sont juifs!»

Puis, ils embarquent sur un paquebot, direction Halifax, Canada. «J'ai embrassé la terre en arrivant là-bas.»

Ils se retrouvent plus tard à Montréal, mais l'époux, dentiste, ne peut exercer sa profession en raison de l'absence de reconnaissance de ses compétences de la part des autorités locales.

Notre vaillante rescapée de l'horreur lave donc des planchers pour des émoluments dérisoires.

Jusqu'à ce qu'un jour, grâce à la bienveillante intervention d'un médecin au patronyme de Groulx, qui avait transmis des lettres de recommandations à l'hôpital Sainte-Justine et au Jewish General, le mari obtient un poste.«Depuis ce temps, j'embrasse quotidiennement ces lettres... Il avait mis une chemise blanche et une cravate pour la première journée de travail et il a pleuré, se souvient la dame. Dans la vie il ne faut jamais désespérer mais s'accrocher à ses rêves.»

«C'est ce que j'enseigne aux enfants que je rencontre. Ensuite, je les exhorte: Quand vous partirez d'ici, allez voir votre maman. Dites-lui que vous l'aimez et remerciez-la de vous avoir donné le plus beau des cadeaux: la vie!», murmure celle qui est retournée à l'université, à 53 ans, afin d'obtenir un diplôme d'enseignement de l'anglais.

Aujourd'hui à la retraite, Mme Kazimirski dirige néanmoins une quarantaine de concerts par année du Cummings Jewish Centre Chore. «La musique est un médicament. Elle permet de soulager toutes les douleurs que nous portons. Elle est en quelque sorte l'âme de la vie. Souvent, je chante des berceuses en yiddish et en polonais que ma mère me chantait, histoire de tromper la mort. Ces mêmes chansons, je les ai chantées à mes enfants et à mes petits-enfants.»

Et si, par pudeur, elle a mis longtemps avant de parler de la guerre à sa progéniture, c'est pour laisser sa mémoire en héritage à ses petits-enfants qu'elle a enfin décidé d'écrire son premier manuscrit.

Et sans doute aussi pour qu'ils sachent que le responsable des atrocités commises dans sa ville natale de Vladimir Volynski a été reconnu non coupable devant les tribunaux. Après tout, il ne faisait qu'obéir aux ordres...

samedi 5 mai 2007

Coups de coeur en zique

Magnolia
Éponyme
Audiogram/Select
Stupéfaction totale ! Il n’aura fallu quelques instants pour que le premier verset de cette Magnolia (Mélanie Auclair) se retrouve d’ores et déjà sur le top10 annuel de votre serviteur. Faut dire qu’en duo avec Lhasa (pour laquelle elle officie en qualité de violoncelliste) dès la première pièce, cette fille vous fait le grand jeu. Ensorcelante à souhait, elle nous balance, sous l’égide du réalisateur-guitariste Rick Haworth, un cinoche aux teintes country, folk, aériennes et même tomwaitienness top sophistiqué. Multi-instrumentiste reconnue dans le monde de la musique actuelle, le premier album de Mangnolia nous fait donc chalouper dans des grands espaces d’americana avec des textes d’apparences simples mais inspirés. Encore. **** (CA)

Grand Corps Malade
Midi 20
Universel
À un jeune musicien qui lui disait, enthousiaste, avoir apposé de la musique sur ses vers, Victor Hugo répondit : « quoi, il n’y en avait pas déjà ? ». Bien qu’ils n’appliquent pas la rigueur du l’homme qui causait avec Dieu, les slameurs, dont leur figure de proue Grand Corps Malade, redonnent ses lettres de noblesse à la versification. Ami lecteur, si la seule musique des mots ne te suffit pas, saute ce texte. Sinon, tend l’oreille et ouvre ton cœur. Tu risques comme moi d’y trouver des merveilles chez ce porte étendard de la nouvelle poésie urbaine apparue dans les bars de Paris à la fin des années 90 et à Chicago au cours des eighties car : Tel un éclair qui déchire la nuit. Les slameurs réinventent la poésie. Sur ses trois pattes dressé, Grand Corps voix de la Cité, est Voleur du feu de Prométhée. Bouleversant et sincère, ses slams filent des frissons à ma chaire. Il te débusque les mots, ceux tu sais, qui enivrent, et les enrobe de voyages, d’une exquise envie de vivre. Braqueur d’absolu du matin, comme d’autres ont choppé des drapeaux, voleurs des grands parchemins, le voilà sublime desperado. Programmations à l’odeur bitume ou encore des cordes qui tiennent chaud, cet album préserve de l’amertume, un peu comme une « cerise sur le ghetto ». ****1/2 (CA)


Damien Robitaille
L’homme qui me ressemble
Audiogram/Select
Il ne le sait pas encore, mais le Québec et certains de ses « sexys séparatistes » s’apprêtent à vivre un méchant coup de foudre avec un Ontarien aux abords lunatiques, candides et timides. C’est qu’en plus d’être doté d’un charisme certain, le natif du petit village de Lafontaine nous propose un premier album frais comme une jeune fille dans qui se baignerait sous une cascade de juillet. Avec le ton léger voire puéril de celui qui ne saurait pas qu’il incarne le complexe de Peter Pan, Damien propose un folk-rock déjanté mâtiné de chansons carrément western ou pop dont les textes n’auraient pas déplu à un certain Bison Ravi (lire : Boris Vian). Arrangé par Jean-François Lemieux et Simon Godin, que l’on connaît respectivement pour leur travail avec Daniel Bélanger et Jorane, « L’homme qui me ressemble » recèle 14 chansons plus rigolotes ou franchement sympathiques les une que les autres. Le livret de présentation, inspiré des cahiers de La bonne chanson, qui accompagne le tout est également remarquable et décrit bien l’intemporalité de l’opus et son côté à la fois ludique mais second degré à plusieurs égards (ex. Tous les sujets sont tabous). On aime. **** (CA)


Mano Solo
Dehors
Warner
Va te faire foutre la mort, Mano est bien vivant. Même qu’il sourit. “ Parce qu’il y a sûrement des pays qui valent le coup ”, nous dit-il.. Artiste majeur qui nous aide à mieux vivre, le farfadet qui nous avait livré le meilleur show des dernières FrancoFolies n’est plus une victime. Et la galerie de personnages urbains qu’il nous peint de sa plume inspirée marque un tournant radical et inévitable dans la carrière de celui qui avait fait le tour du jardin avec son mal de vivre. Déstabilisant aux premiers abords pour ceux qui ont écouté la trilogie précédente à profusion, cet encodé nous accroche un grand sourire et nous fait voyager aux pays des soleils éclatés. Un album qui a la pêche (et la banane)8.5/10

Raphaël
Caravane
EMI
Amateurs de chanson française, il vous faut impérativement mettre le grappin sur cet album de pluie beau comme les sanglots longs de l’automne. Avec sa voix haut perchée ce trentenaire évoque le Christophe aux mille amours du dernier album. On pense à Bertrand Cantat aussi, côté déchirure. La voix tranchante comme une arme blanche de Raphaël cause de la vie avec une mélancolie et un certain nihilisme paradoxalement rédempteur comme lorsqu’il nous pleure pour relativiser la douleur : « et dans 150 ans on s’en souviendra pas ». Avec ses guitares gypsys, son piano noir et ses mélodies des plus accrocheuses, le type est désormais un incontournable réclamé autant par Stephan Eicher, un Calogero.... Une hyper fragilité qui n’appartient qu’à ceux qui ont eu un jour envie de fracasser la fenêtre noire histoire de s’envoler enfin. 9/10 (CA)

Mari-Jo Thério
La Maline
GSI Musique
Une éclipse lunaire, un moment de grâce ou le grand sablier du temps s’arrête. Avec des chansons comme Café Robinson, Le Maline, T’es le beau Raphaël ou Another love song about Paris, l’Acadienne aux yeux couleur d’absinthe nous proposait un troublant et réconfortant voyage sur les récifs d’une âme féminine qui tanguerait entre mélancolie et colère sur un accordéon. Avec des musiciens issus de la scène de la musique actuelle tels Bernard Falaise et d’Eric West Millette voilà un disque touché par les fées. **** (CA)

Et si ce soir

Et si ce soir j’te disais tout
Mes grands secrets mes rêves fous
Et si ce soir on fracassait
La nostalgie dans nos regrets

Une étoile tombe rue Mont-Royal
C’est un aveu, c’est un signal
Je suis vivant, je suis ton dieu
Je suis vivant, je suis heureux

Et si ce soir j’te disais tout
Mes grands secrets mes rêves fous
Et si ce soir on fracassait
La nostalgie dans nos regrets

Tu me regardes et tu souries
Le temps s’arrête et je te dis :
«Oublions tout, plus de remords»
«Vois-tu la pluie qui s’évapore?»

Et si ce soir on se mentait
Comme des enfants ceux qu’on était
Et si ce soir on se saoulait
Comme quand le mal nous suffisait

Même là-haut, y’a plus d'bourreau
Le smog avale tous nos scandales
Le mal de vivre r’tourne dans l’ ghetto
Fin de sentence pour la morale

Et moi enfin, j’dis tous ces mots
Que tu cherchais comme un drapeau
J’ouvre la lame de mon couteau
Je grave je t’aime sur un bouleau

L’aube s’étire sur Montréal
Le vent est doux la lune est pâle
T’effleures ma main d’un geste banal
Je redeviens l’homme et l’animal

Et si ce matin on y croyait
Comme des enfants, ceux qu’on était
Et si enfin on espérait
Comme quand l’amour nous suffisait

Claude André