vendredi 30 mars 2012

L'histoire de l'art pour les nuls


Arrabal à Montréal



Vos désirs font désordres

Jusqu’ au 2 avril, le kaléidoscopique écrivain, dramaturge, poète, maitre d’échecs et cinéaste Fernando Arrabal viendra colorer la grisaille printanière de sa lumineuse folitude.


Alors que je l’interviewais dans le cadre de la sortie de son film sur la venue de Alexandro Jodorowski à Montréal l’an dernier, François Gourd, l’iconoclaste et bariolé initiateur de cette semaine mémorable, a ajouté: « Quand il a entendu dire que nous avions remis le titre de Grand Rectum de l’Université de Foulosophie à Jodo, son acolyte de l’époque de la fondation du mouvement Panique, Fernando Arrabal, s’est exclamé : c’est trop chouette, j’en veux un aussi ! »

Les désirs du grand homme étant désordres, le voici donc à Montréal ces jours-ci pour participer à une série d’événements qui vont de la projection du film «Jouer sa vie» de Gilles Carle, dans lequel nous le retrouvons en compagnie de Bobby Fisher et Anatoly Karpov, à une grand Cabaret Hommage à Arrabal, animé par François Gourdabal.

Le tout sera entrecoupé de plusieurs événements dont une joute d’échecs mettant aux prises Arrabal en tandem avec le maître Thierry Le Duin face à 10 adversaires en simultanée, des projections de films signés Arrabal tels «L’arbre de Guernica», «J’irai comme un cheval fou» ou «Viva la muerte» sans parler des lectures de ses pièces par la troupe Momentum.

Cette «tournée» se culminera le 1er avril (!) par un  banquet «Arrabalesque» et une soirée d’improvisation de LMI placé sous les auspices d’Arrabal.

Le grand homme, ce «métamec» aurait dit Ferré, qui aura marqué son époque prononcera aussi une conférence à l’Espace Libre.

Peut-être en profitera-t-il pour expliquer le contexte de la publication de son historique et bouleversante «Lettre au général Franco». Véritable cri humaniste que l’on peut entendre sur You Tube et qui lui a valu d’être considéré à l’époque comme faisant partie du groupe des cinq Espagnols les plus dangereux en compagnie, entre autres, de la Pasionaria.

Alors que nous lui réclamions une entrevue dans le cadre de sa présence à Montréal, celui qui a été encensé notamment par Samuel Beckett et Milan Kundura a brillamment décliné l’invitation en nous adressant plutôt un florilège de citations de son crû dont celle ci : « Je suis si spécial que je ne réussis même pas à me ressembler». Ça promet !

Pour plus de détails : http://udfou.com






mercredi 28 mars 2012

Entretien avec l'auteur Philip Kerr sur la Trilogie Berlinoise


Drogue dure (1ère partie)

L'auteur de La trilogie berlinoise Philip Kerr
Avec sa captivante série La Trilogie berlinoise, le romancier britannique Philip Kerr a imaginé un personnage fascinant qui nous fait revivre l’Histoire de l’intérieur. La dernière parution francophone qui porte sur les aventures de Bernie Gunther, Hôtel Adlon, trône comme ses prédécesseurs au sommet des palmarès. Bonheur, il nous en restera deux autres à savourer avant la fin imminente de la série. Quelques questions à son auteur.

Claude André

Comment vous est venue l’idée de créer le personnage de Bernhard Gunther, ce flic allemand antinazi qui assiste à la montée et à la chute de Hitler?
Cela fait plus de 25 ans, alors il difficile de me souvenir. Cela dit, j’étais davantage intéressé par le fait d’écrire une histoire au sujet de Berlin et de l’Allemagne ordinaire pendant cette période que sur un flic. L’idée d’utiliser un policier était donc une bonne façon de découvrir ce que l’Histoire avait cachée.

Où avez-vous puisé votre inspiration pour créer ce personnage?
Sincèrement, je n’avais pas beaucoup de temps à consacrer à l’inspiration. Je n’ai jamais lu beaucoup de polars et pour être honnête, c’est encore le cas. Les détectives que j’ai aimés et qui couvrent la même période que celle de Bernie sont ceux imaginés par Raymond Chandler et par Dashiell Hammett. J’ai peut-être trouvé en eux une part d’inspiration.

On retrouve plusieurs dictateurs dans vos livres. Qu’est-ce qui vous fascine tant chez eux?
Les gens sont toujours fascinés par le mal. C’est pour cette raison que nous aimons regarder des films sur les vampires et les monstres. Les dictateurs nous attirent car nous voulons comprendre ce qui les motive. Comme si nous souhaitions nous rapprocher d’eux sans avoir à en subir les affres. Les gens lisent ces livres pour rencontrer des individus terrifiants et vivre leur vie par procuration.

Vous n’effectuez pas de distinction franche entre le peuple et les hommes politiques en ce qui a trait à la montée du nazisme. Comment votre série a-t-elle été reçue en Allemagne?
En Allemagne, sa réception a été mitigée. À Berlin, elle s’est révélée plus positive. Les Berlinois ne sont pas comme la plupart des Allemands. Ils ne l’ont jamais été. D’ailleurs Hitler détestait Berlin, tout comme Bismarck. Les livres de cette série ont toujours eu davantage de succès à Berlin qu’ailleurs dans ce pays. Les autres Allemands préfèrent mes autres livres, ceux qui sont exempts de nazis.

Pouvons-nous espérer une adaptation cinématographique de votre série?
Il est toujours difficile de faire des prédictions à l’égard de la télé ou du cinéma. En fait, cela ne me préoccupe pas vraiment, mais si je pouvais choisir quelqu’un pour incarner Bernie Ghunter, j’opterais pour Michael Fassbender.

La suite de l'entrevue demain.

Au sujet de La Trilogie berlinoise : « Pour vous dire à quel point j’ai apprécié ces polars historiques, je vais me permettre une affirmation audacieuse : comparé à ces récits bouleversants, Millénium m’apparaît aujourd’hui comme du fast food pour midinettes! », Norbert Spehner. La Presse, 17 mai 2009.

Philip Kerr est né en 1956 à Édimbourg, en Écosse. Il a publié 17 romans pour adultes, dont Une enquête philosophique, ainsi que 6 romans pour enfants sous le nom P.B. Kerr. Sa série articulée autour de La Trilogie berlinoise comprend huit volumes, dont deux ne sont toujours pas traduits en français.


samedi 24 mars 2012

Dumas : à la bonne heure

Droit devant 

Deux ans après Traces et le projet composé de 4 mini albums qui le précédait, le très inspiré Dumas lançait cette semaine L’heure et l’endroit. Un nouveau chapitre aussi accrocheur que par le passé mais à la fois plus rock et sixties que ce à quoi il nous avait habitué. Rencontre avec un des musiciens les plus sympathiques de la faune locale.
  
Bien que cela ne soit pas frappant d’emblée, lorsque l’on relit les textes de l’album on s’aperçoit que la mort plane…
Oui, cela fait partie des thèmes de l’album. Souvenirs en mitraille par exemple est une chanson sur le deuil. Ça plane aussi sur Le fleuve gelé. Une chanson qui aborde l’idée qu’il faut avancer malgré les épreuves. Je souhaitais faire un disque lumineux mais, parfois, pour y parvenir il faut aborder des thèmes sombres.

Sur le plan musical, ce chapitre se révèle de facture plus rock que les précédents.
Je venais d’effectuer une tournée d’un an dans des petites salles et des bars. Or, si les concerts devaient être acoustiques, ils viraient rock and roll quand même. Nous transportions nos amplis et tout le bazar et c’était super inspirant. Je voulais conserver cette énergie sur ce disque qui a été axé sur la batterie.

Tu t’es mis aux drums ?
Non, j’avais simplement envie de cela. Nous avons essayé, Louis Legault, Carl Bastien et moi, de ne pas refaire ce que nous avons fait au paravent comme, par exemple, utiliser une approche atmosphérique. Plutôt que d’aller là, nous avons opté pour un côté percussif à la Talking Heads.

On entend des échos de U2 à certains moments dans les chœurs…
Ah oui ! Du bon U2 ? (Rires). Il est certain que les influences se mélangent. Moi je voulais faire un album à l’image de la musique que j’écoute depuis mon adolescence mais en français : The Kinks, Small Faces et aussi le rock psychélique de ces années-là. Sans oublier le son Motown (de l’époque pré funk ndlr) qui a ensuite été repris par les Anglais.

Question pop psycho : en établissant une liste composée de deux catégories, exil et brosse (ivresse),  on peut y insérer dans chacune, parfois les deux, plusieurs titres de ton nouvel album. Tu vas bien Steve ?
(Rires) Très bien justement. C’est un album qui invite à prendre le risque de changer sa vie. Qui incite à aller vers l’avant. Je crois que je suis plus serein que lorsque j’ai fait des albums mélancoliques comme Le cours des jours. Tu sais, le mythe qui consiste à croire que l’on écrit mieux lorsque nous sommes tristes ou sombres, je ne suis pas du tout convaincu de sa véracité. Cela dit, même si je vais très bien, cela ne m’empêche pas d’être sensible à la douleur que je perçois autour de moi.

Est-ce que tu es devenu le gars que tu souhaitais devenir lorsque tu as commencé professionnellement il y a dix ans ?
Honnêtement, je ne pensais pas exercer encore ce métier. Je me considère chanceux d’avoir rencontré les bonnes personnes, les bons musiciens. Sur le plan plus personnel, lorsque l’on est plus jeune on a peur de vieillir mais finalement je trouve ça cool car je suis plus focus et j’apprécie davantage les moments comme ce soir où je vais jouer devant le public. Finalement, j’aime autant sinon plus ce métier que lorsque j’ai commencé.

L’album L’heure et l’endroit est présentement disponible. Une tournée suivra à l’automne 2012.

mardi 20 mars 2012

Un film sur Jodorowski

Alexandro Jodorowski. 


Ré-évolution poétique

«Trouver ses valeurs intérieures et enrichir le monde plutôt que de le salir…»,  Alexandro Jodorowski

Il y a un an, en mars 2011, le célèbre artiste pluridisciplinaire Alexandro Jodorowsky a séjourné à Montréal afin de prononcer quelques conférences grâce à l’initiative de François Gourd lequel a reçu le soutien logistique et financier du sculpteur Armand Vaillancourt.

Une soirée hommage composée de performances éclatées avait alors été organisée pour celui que l’on surnomme Jodo. Personnage culte d’origine chilienne, cet inclassable artiste porte les casquettes de cinéaste, bédéiste, comédien, psychomagicien, mime et  écrivain. 

Le documentaire Alexandro Jodorowsky Grand Rectum de l’Université de Foulosophie signé Matthieu Bouchard et François Gourd, immortalise cette semaine aussi sautée qu’historique.


Monsieur François Gourdorowsky, auriez-vous la gentillesse de nous décrire votre film ?
C’est un film qui rend heureux. Ceux qui l’on vu me le disent. Les ingrédients ? Un homme extraordinaire qui a toujours utilisé la créativité et l’art pour guérir le monde. Moi ça m’a guéri.

À quel moment François avez-vous découvert l’homme et son œuvre ?
En 1972 et 1974 avec la sortie de ses films El Topo et La Montagne sacrée. Après ça a été via ses bandes dessinées car il est un incontournable du 9ième art. À Montréal, quand je faisais la publicité pour sa venue les jeunes punks me disaient : « Ah Jodo !  L’incal, les Méta-Barons…» Il y a une dizaine d’années, j’ai lu sa biographie La danse de la réalité. On y découvre son parcours magnifique. C’est lui qui, notamment, a inventé le théâtre de la guérison, la psychomagie, les adaptations des méthodes de chamans…

Cette psychomagie, contrairement à ce qu’on pourrait penser d’emblée, est basée sur quelque chose de scientifique comme les travaux de Jung par exemple, non ?
Oui. En fait, lorsqu’il est venu à Montréal plusieurs docteurs et de gens qui travaillent dans le milieu de la santé sont allés le voir car il repousse les limites de la guérison. Nous qui l’avons accompagné, nous voyions vraiment, et je ne sais pas trop ce qui ce passe, que ça marche. Les gens viennent, il leur fait un petit tarot, et ils repartent délestés d’un problème psychologique.

Dans votre film, on peut percevoir que Jodo semble utiliser les tarots de façon métaphorique et non pas comme s’il s’agissait de signes annonciateurs de l’avenir comme le font pléthore de charlatans…
C’est un moyen. Il a fait des recherches très fouillées à ce sujet. Ce  qui a donné lieu à un imposant ouvrage Il utilise le tarot comme d’autres le Yi-King, c’est un prétexte. Nous pourrions établir un parallèle avec la façon dont les médecins chinois prennent le pouls des gens pour en arriver à formuler des constats du type: «ton foie qui est faible». Jodo, il scanne les personnes. Et puisque nous sommes tous plus ou moins blessés par 2000 ans de bêtise humaine, il s’avère facile pour lui de trouver l’endroit où, sur le plan émotif, les gens sont marqués.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné en côtoyant Jodo au quotidien ?
La puissance insoupçonnée de son aura. C’est un véritable chaman, encore aujourd’hui, à 82 ans.


                                            Extrait de La Montagne Sacrée de Jodorowsky

vendredi 16 mars 2012

Vander : French toasts et peines perdues

Photo: Vander par Yves Provencher pour le Journal Métro.
Partir du réel pour pouvoir y revenir

Après des années de douleurs à la suite de la disparition tragique de Dédé Fortin, avec qui il créa l’album culte Dehors novembre, l’ancien bassiste des Colocs, André Vander, décida un jour de changer sa façon d’appréhender la vie. Résultat? French toast et peines perdues. Comme le dit Leonard Cohen, « il suffit parfois d’une fissure pour laisser pénétrer la lumière »…


Sur ton album, on retrouve des ambiances de bar, des sonorités tomwaitiennes, des élans à la Brel, de la bédé musicale et beaucoup d’autres choses. Quel était ton leitmotiv au moment du processus créatif?
Après mes années de dub et de reggae, je cherchais dans quel type de projet m’embarquer. Or, l’idée de faire un album de chansons est apparue lorsque j’ai repris la pièce Marie-Jeanne (Joe Dassin), qui parle de post suicide mais sans colère. J’ai remarqué qu’il y avait de la colère dans tous les textes que j’écrivais depuis six ou sept ans. Ce qui m’était très néfaste. Donc, à l’origine, je souhaitais composer un album où il n’y aurait pas de colère, histoire de retrouver une certaine paix intérieure.

Peut-on dire que le socle musical de l’album est constitué de reggae Dancehall, auquel on aurait greffé diverses influences arabes, jazz, slaves…?
Cet exercice de style avait pour objectif de m’éloigner du reggae pur. J’ai beaucoup donné là-dedans et je pense que pendant ce temps, j’ai négligé mon côté auteur. À la fin de ce projet, j’ai fait parvenir un cédé au Festival en chanson de Petite-Vallée, et j’ai remporté le prix de la meilleure chanson.

On a parlé des Colocs. Est-ce que l’on retrouve Pat Esposito di Napoli, l’ex-harmoniciste décédé du sida, dans la pièce La Poussière qui raconte, façon bouddhiste comme lui, comment les choses se transforment?
J’ai vécu une longue histoire qui s’est terminée et on a toujours l’impression de perdre quelque chose lorsque cela se produit. Mais « rien ne se perd, rien ne se créer ». Cet amour-là, il va simplement ailleurs. Le côté Pat, on le retrouve dans Le Marginal qui, à l’origine, part d’un couplet que j’avais écrit pour la pièce Tassez-vous de d’là. Comme j’arrivais d’Europe à cette époque, mon écriture était trop française pour le joual à Dédé. Il y a eu un clash. J’ai donc repris cette chanson. Si ça parle des problèmes de dépendance à la drogue? Je préfère conserver un côté mystérieux aux chansons. Car, comme le disait Dédé, « il faut partir du réel pour pouvoir y revenir ».



Parcours musical

1992 : fondation en Belgique du groupe Les Frères Brozeur, avec lequel il officie en qualité de bassiste. Il participe à trois albums.

1996 : installation à Montréal pour se joindre aux Colocs. Son style imprégné de reggae dub procure une saveur particulière à l’album Dehors Novembre (1998).

2001 : avec Mike Sawatzky, ancien membre des Colocs, il coréalise à titre posthume l’album Suite 2116.

2006 : André Dédé Vander se consacre à un projet de remix dub composé de collaborations, qui débouchera sur l’encodé Bass ma Boom Sound System vol. 1.

2007 : création avec Michel Vézina du spectacle « Dub et Litté » et cap sur le Québec, Haïti, la France, la Belgique et le Sénégal.

2010 : le projet « André Dédé Vander » cristallisé par la parution de l’album French toast et peines perdues, en mars 2012.

note : Ce texte est d'abord paru dans le Journal Métro le 13 mars 2012

mercredi 14 mars 2012

Michel Fugain : le retour de la belle histoire


Pas de hasard ?

Michel Fugain, créateur du légendaire Big Bazar qui marqua les seventies de ses mélodies bariolées, revient avec Bon an mal an. Un album entièrement original qui ne passera pas inaperçu.

Claude André

Dring. Une voix féminine ensoleillée de l’acceng du Midi nous demande de rappeler d’ici 10 minutes. Le volubile artiste étant toujours en entrevue avec le Québec. Fébrile, on rappelle celui qui compte parmi les créateurs de la trame sonore des seventies avec sa formation bigarrée dont les chansons sont imprégnées à jamais dans l’inconscient collectif de deux ou trois générations.

Nous lui faisons remarquer que les pièces de Bon an mal an évoquent l’approche de l’époque Big Bazar, en ce qu’elles posent souvent un regard macro sur la vie ainsi que par le son qu’elles distillent. « Depuis 15 ans, je travaille toujours avec le même groupe de musiciens, il est vrai qu’on a un son qui peut ressembler au Big, peut-être à cause des voix. Regard macro? Oui, bien sûr. Votre question, c’est marrant, m’oblige à plonger un peu parce que je suis, pour la première fois, l’auteur sur cet album. Ma pudeur fait-elle que je regarde plus macro que micro? Oui, c’est généralement le cas mais pas sur la pièce La Sirène », observe Fugain en parlant du morceau truffé d’anglais composé « pour dire en déconnant à quel point je suis accro à ma blonde ». Cette compagne qui le suivra peut-être lors de sa prochaine venue à l’occasion des FrancoFolies de Montréal.

Heureux comme un gamin de revivre une part de son enfance, votre serviteur poursuit l’analogie avec le Big. « La chanson Ceux qui s’aiment d’amour, n’est-elle pas la suite de La Belle histoire? »

« C’est pas idiot », acquiesce Fugain, bon prince. « Au moment de l’écrire, cette question m’est passé par la tête : « Et maintenant, 40 ans après, ça serait quoi? », se souvient-il en y allant d’une longue explication sur la vie amoureuse de son de fils de 18 ans, inspirateur de la pièce.

Sardou

On survole les autres titres de cet album composé de 13 pièces dans sa version québécoise, qui se déclinera aussi en 24 morceaux pour l’édition de luxe. « Y a tout qui change soulève une réflexion : vous qui avez connu la gloire avec les idées du flower power, êtes-vous désillusionné aujourd’hui? » « Certainement pas, car je ne suis pas construit avec des illusions. Je n’étais pas du tout flower power. Vous savez, on était tous habillés comme ça, même dans la rue (rires)! Je crois même que le succès du Big Bazar est dû au fait que nous n’étions pas flower power. Nous ne faisions que chanter l’espoir », rectifie Fugain. Lui qui ne saurait trop expliquer son précieux don de mélodiste.

« J’avais 21 ans et Michel Sardou, 5 de moins. On sortait d’un cours d’art dramatique. J’étais assistant-réalisateur et lui, apprenti comédien. On est allé au bistrot et il m’a confié qu’il voulait passer une audition comme chanteur pour la maison de disques Barclay. Patrice Laffont et trois ou quatre autres amis étaient présents autour de la table. On lui a répondu : “On va te faire des chansons.” Je ne savais absolument pas avant ça que je savais faire des mélodies. S’il n’avait rien dit ce soir là, jamais je n’aurais fait de chansons! »

Merci Michel… Sardou!


L’album Bon an mal an est disponible depuis le 13 mars 2012


jeudi 1 mars 2012

Mile End : la bédé


Une bédé et un bébé

Un nouveau tirage de sa bédé Mile End, une nomination aux prix Bédélys et un bébé qui gazouille dans ses bras : la vie est belle est pour Michel Hellman!

Claude André

Dans son appart situé juste au-dessus du légendaire et passéiste resto Wilensky, dans ce même appartement qui sert de repaire à sa bédé, Michel Hellman a le ton joyeux sous la grisaille de février à l’ombre du Mont-Royal.

Tenant dans ses bras sa dernière création – son poupon, qu’il évoque d’ailleurs dans sa réjouissante œuvre artisanale –, celui qui est également illustrateur (voir pochettes CD de son frère Thomas et de la chanteuse Bïa) et critique d’art a raison de se réjouir malgré l’embourgeoisement du quartier.

Phénomène qu’il distille par petites touches de nostalgie dans l’album divisé en quatre saisons.

« C’est une bédé qui parle de ma vie sans être autobiographique. Une espèce de chronique inspirée de mon quartier, un peu comme le fait Guy Delisle (Chroniques de Jérusalem) lorsqu’il part à l’étranger. Je fais la même chose, mais je rentre aussi dans le côté absurde, le rêve et la fantaisie. Je ne voulais pas créer un journal intime qui n’intéresserait que les seuls gens du quartier. Je pars donc de celui-ci pour parler de sujets universels, comme la vieillesse, l’amour, la mort, la naissance de mon bébé et de choses aussi banales que le déneigement des rues de Montréal », analyse l’artiste à propos de son livre paru en novembre dernier.

D'abord conçu pour son blogue, les petites tranches de vie dans ce lieu à la fois bigarré et multiculturel qu’est le Mile End ont rapidement trouvé preneur et créé un petit buzz qui dépasse les « frontières » du quartier.

Réédition

Après avoir vu s’écouler les 1200 exemplaires du premier tirage en deux mois, la petite maison d’édition Pow Pow a dû procéder à un nouveau tirage dont la sérigraphie (lire les lettres rouges du titre de la couv’) a été effectuée à la main à l’aide des bons vieux rouleaux. Ce qui confère un petit cachet encore plus intimiste à l’affaire.

« Je suis très étonné du succès et évidemment très heureux. Lorsque je vois les noms qui sont en lice pour les prix Bédélys qui seront remis en avril à la Grande Bibliothèque, dont celui de Michel Rabagliati (auteur de la série Paul), je me rends compte que c’est quand même quelque chose », s’étonne encore Hellman. Un sympathique personnage dont la propension à la procrastination est également un des éléments centraux de cette bédé, à la fois réaliste et frivole.

Notamment dans la façon dont son auteur s’y prend pour détourner les clichés sur l’hiver (clin d’œil au lectorat de l’Hexagonie), le Québec et ses habitants à travers un style inspiré de Lewis Trondheim, un bédéiste français qui dessine la quotidienneté en mettant en scène des animaux.

« Je pense que ce que je fais se rattache à l’expérience de cette école franco-belge qu’on appelle aussi la nouvelle bédé », avance le titulaire d’une maitrise en histoire de l’art qui s’attaquera à la vie des Premières Nations dans le Grand Nord du Québec pour sa prochaine œuvre. Avant de revenir au Mile End, mais de façon plus historique cette fois. Entre deux biberons, bien entendu.

Mile End
Michel Hellman
Éditions Pow Pow, 136 p