La subtilité incandescente
Denis Villeneuve transpose l’oeuvre de Wajdi Mouawad au cinéma de façon magistrale.
Nous savons depuis le très réussi Polytechnique que le cinéaste Denis Villeneuve possède la subtilité et l’intelligence émotionnelles particulières que nécessite le traitement cinématographique de l’horreur la plus abjecte sans verser dans la surenchère mais plutôt la puissante évocation.
Il relève encore une fois le gant avec brio dans Incendies, son dernier long métrage dont l’histoire est inspirée de la pièce du même nom du Québécois d’origine libanaise Wajdi Mouawad.
Cela dit, le film et la pièce demeurent deux œuvres complètement distinctes même si on y retrouve le même fil conducteur.
Si le film se déroule officiellement dans un «espace imaginaire», les spectateurs reconnaîtront la situation politique du Liban et plus particulièrement les conflits entre réfugiés palestiniens (musulmans) et libanais des milices chrétiennes d'extrême droite.
Outre le fait qu’on y réussisse le tour de force de ne jamais faire allusion à Israël, un des aspects les plus réussis de ce film qui en comporte de nombreux autres est de ne pas sombrer dans le manichéisme candide.
Et c’est parce que tout le monde à la fois raison et tort que la finale en forme de tragédie grecque se veut un puissant manifeste humaniste plus convaincant que n’importe lequel des discours.
À l’aide d’un effet miroir, nous retrouvons à Montréal Jeanne et Simon, les enfants de Nawal, une immigrante libanaise chrétienne qui vient de décéder en leur laissant deux lettres : l’une destinée à leur père qu’ils croyaient mort et l’autre à un frère dont ils ignoraient l’existence.
À travers leurs recherches pour retrouver les destinataires, le spectateur se trouve plongé au cœur de l’horreur au quotidien de cette région incendiaire à travers de magnifiques mais parfois très douloureuses scènes tournée en Jordanie.
Et c’est de cette quête initiatique que nous comprendrons la douleur muette ainsi que l’origine de la colère de la défunte mère.
À la fois parce qu’il nous aide à comprendre les clashes entre l’Occident et le Moyen-Orient mais aussi parce qu’il nous rappelle les frontières religieuses sont souvent les bornes de la liberté, ce film s’avère un puissant manifeste humaniste qui n’aurait pas déplu à l’écrivain Albert Camus.
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