Trois saisons en enfer
Plonger dans ses zones ombragées, bousculer son confort émotif, danser avec la faucheuse, Guylaine Tremblay est allé au bout d’elle-même pour incarner une mère dont l’enfant se fait assassiner dans le film Trois temps après la mort d’Anna de Catherine Martin. Rencontre
Claude André
Elle commande un thé vert. Le temps est serré. Pas facile pour le journaliste de se lancer dans une discussion autour du film Trois temps avant la mort d’Anna lorsque les secondes semblent égrainées. «Mea Culpa» fera la sympathique comédienne qui tient à se ménager avant d’aller, le soir même, coller des timbres et pousser la note dans la comédie musicale les Belles-Sœurs où elle incarne Rose. Un personnage qui cache une profonde désespérance derrière un humour truculent. L’humour n’est-il pas la politesse du désespoir ?
Parfois non. Comme dans ce très beau film de Catherine Martin où la seule chose qui pourrait anéantir la tristesse accablante serait de fracasser la fenêtre noire…
«Quand j’ai lu le scénario, ça m’a plus immédiatement. C’est très beau même si ce qui y est raconté est horrible».
Les répétitions avant le tournage pouvaient commencer. Dès le premier jour, la comédienne habituellement enthousiaste et volontaire devient proie à un immense inconfort. Au retour à la maison, séance d’introspection : «J’ai été obligée de m’apercevoir que je ne voulais pas aller dans ces zones là. Je ne voulais pas penser ni vivre cette histoire. C’était moi, Guylaine, qui ne pouvait pas imaginer comment ça se passerait si mes enfants disparaissaient. Ça me causait un malaise physique».
Se mettre à nue
Se sentant complètement dénudée, comme elle l’est d’ailleurs vraiment dans une scène charnière du film, Guylaine propose à sa réalisatrice de discuter du personnage et d’aborder le rôle à petites doses non sans l’avoir rassurée au préalable : «Lorsque nous serons rendus à Kamouraska et que j’aurai Françoise dans la peau, que j’aurai enfilé les costumes et que les caméras seront en marche, je vais y aller. Je vais m’abandonner, ne t’inquiète pas».
C’est ainsi que Guylaine s’en est allée s’installer trois semaines avant le début du tournage dans la magnifique solitude de Kamouraska accompagnée du bébé chat de ses filles. «Je n’avais jamais vécu quelque chose de ce genre. Le jeu d’acteur consiste généralement en un d’échange d’énergies. Or, je me retrouvais en quelque sorte à vivre un genre de voyage initiatique».
Cette solitude et ce silence ont, évidemment, permis à Guylaine de toucher à l’essence du personnage de Françoise. Cette mère d’une jeune violoniste à l’avenir prometteur assassinée après un concert qui se réfugie dans une maison près du fleuve afin d’affronter son deuil.
Les secrets du silence
«L’unique fait d’être ainsi seule produit des états insoupçonnés. Cela nous amène à aller très loin dans l’introspection et l’intériorité tout en nous faisant prendre conscience que souvent, dans la vie, nous parlons pour éviter les choses plutôt que pour les expliquer», analyse avec panache la comédienne qui livre dans ce film une performance des plus remarquable. Perfo
où chacun de ses gestes, le moindre de ses regards vient, en quelques sorte, se
substituer à une grande économie de mots.
«Il fallait que mon corps soit d’une grande précision émotive» explique-t-elle en remuant la cuillère dans sa tasse de thé avec une lenteur écartelée pour démontrer la lourdeur que Françoise porte telle une chape de plomb.
Conforté par la générosité de Guylaine, le journaliste ose une question, la prévient-il, tordue. Est-ce que finalement elle est allée jusqu’à imaginer la mort de ses propres enfants pour incarner Françoise ? «Dans mon cas, je te dirais qu’il y avait autant un travail de distanciation que d’abandon. Il fallait que j’apprivoise l’idée de la mort, de la perte, du deuil, mais il fallait également que je distancie cela de mon histoire personnelle. Si j’avais eu juste les visages de Julianne et Marie-Ange pendant le tournage, cela n’aurait pas fonctionné. Ce n’est pas ma douleur que je devais jouer mais celle de Françoise. Cela dit, c’est sûr que je me servais de correspondances...»
Puis, lorsque qu’on lui évoque le côté vaguement actor studio de plusieurs acteurs qui s’inspirent de leur propre vie, l’interprète de la célèbre Annie à la télévision se remémore les enseignements de l’un de ses anciens professeurs. «Tu n’as pas tuer personne encore (!) de toute façon. Ce que tu dois jouer, ça s’adonne, mettons, que c’est Tenneesse William qui l’a écrit. Et ces mots là, que veulent-ils dire pour toi ? Que veux tu communiquer aux gens ? Moi, je suis plutôt ce genre d’actrice, j’appartiens à cette école». Pas schizo la Guylaine, mais touchante, oh que si.
Dès le 13 août dans une vingtaine de salles.
Critique la semaine prochaine.
Critique la semaine prochaine.
1 commentaire:
A Guylaine Tremblay vous avez dans mon opinion descendu avec vos photos de Centraide vous aalez faire quoi apres vomir pour ceux qui ne mangent pas a leur faim. La cause est bonne mais la maniere de l`encourager ne l`est pas. J`ai failli ne pas donner cette annee mais je me suis dis pourquoi punir ces gens pour quelques imbeciles.
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