jeudi 16 octobre 2008

La soupe Campbell's


Réminiscence des repas de mon enfance quand mon arrière grand-mère venait me faire mes lunchs du midi à la maison ? Besoin de me raccrocher à un quelconque confort food en ces temps de règne conservateur ? Envie de me reposer l’estomac avec un met velouté ? Allez savoir pourquoi, me suis réveillé ce matin avec une fulgurante envie de manger une soupe Campbell à la variété champignons.

En fait, je sais et la raison est fort simple et complexe à la fois : suis allé hier déguster la savoureuse exposition consacrée à Andy Warhol au Musée des Beaux Arts.

Comme quoi, mieux que quiconque, l’artiste né en 1928 à Pittsburgh a su sublimer la quotidienneté pour en extirper ses moments les plus exaltants bien que d’apparence banale. Pas pour rien que le Pope du Pop Art demeure un des artistes les plus influents du XX e siècle.

Me suis donc glissé au Musée par ce bel aprèm de l’été des Indiens. En arrivant, j’aperçois un attroupement de jeunes filles qui écoutent, headphones vissés aux oreilles, les commentaires d’une guide. Je me dis qu’il m’en faut absolument un pour survivre moi aussi aux aventures wahorliennes.

Ma potesse Martine, toujours allumée, décide dare-dare d’aller à l’entrée en réquisitionner un se disant que ça ne devrait pas être trop difficile puisque le personnel d’accueil a reconnu le représentant de l’émission Ici et là à l’entrée. Elle revient bredouille et m’aperçois suivre la guide pas à pas fasciné par son propos.

Faut dire que mon ouïe digne du Professeur Tournesol m’incite parfois au…rapprochement. Enthousiaste, le journaleux ne se gène pas pour poser quelques questions à la guide bénévole de l’expo. Au bout, d’un moment, une personne plus âgée arborant des lunettes de vue à monture noire m’invite à la suivre en retrait de l’index. Je m’exécute : «Voilà. Ça ne me dérange pas que vous vous joigniez à nous mais j’aimerais que vous restiez en retrait car il s’agit d’une visite organisée et vous dérangez les étudiantes». «Ah bon, je dérange vos filles ?» «Oui, vous avez une présence disons imposante et en plus vous posez des questions…» «C’est que je n’entends pas si je suis trop loin», je rétorque ahuri d’apprendre que j’indispose les demoiselles. «Alors je vous prête mes écouteurs», me propose la professeure. Ultime et convaincant argument. J’accepte la proposition avec un sourire grand comme le bar du Ritz.

Heureuse initiative donc qui devait changer le cours des choses. Car l’expo qui s’avérait, certes, intéressante, est devenue fascinante grâce aux propos de la bonne dame qui, visiblement, a dignement célébré les sixties et le pop art au cours de sa jeunesse comme en témoigne son collier d’anecdotes distillé tout au long de cette visite.

Ainsi, dès le premières sérigraphies hommage à ses artistes préférés telles Judy Garland vedette du film culte The Wizzard of Oz, (Warhol adorait les comédies musicales mais aussi le rock et l’opéra) à cette série d’Elvis en cowboy en passant par les photos issues des photomatons de ses amis (gays) transformées en sérigraphies, cette expo démonte de façon hallucinante comme l’artiste qui, en mariant l’art et la publicité à estampillé le XX ème siècle de son sceau unique.

Que ce soit en découvrant devant une immense sérigraphie de bouteilles de Coke vide, qui illustre à la fois la société de consommation et l’industrialisation, qu’aucune n’est identique, le spectateur va d’étonnements en surprises. Et s’il sourit en apprenant que le tableau est assuré pour 50 millions, c’est avec un sentiment de pèlerinage qu’il pénètre dans la salle consacrée au mythique Velvet Underground. Formation rock classée parmi les 13 plus influentes de l’histoire par les observateurs et créée de toute pièce par Warhol. Il avait d’ailleurs imposée la présence de la sculpturale comédienne Nico (Fellini) parce qu’il trouvait que le band composé également de, notamment, Lou Reed manquait de charisme.

D’ailleurs, la musique occupe une place prépondérante dans l’œuvre de l’artiste comme en témoigne la salle qui illustre la cinquantaine de pochettes de disque qu’il a créé. On redécouvre avec bonheur celle avec la fermeture éclair des Rolling Stone, Sticky Fingers ainsi qu’une autre célèbre pochette, celle du Velvet et sa célèbre banane qui, lorsque l’on en retirait la pelure, devenait un gland de pénis rose. Ainsi, à travers les pochettes de Warhol c’est les goûts musicaux des États-Uniens sur une période de 40 ans que l’on découvre puisque la première œuvre de l’artiste excentrique ainsi que sa dernière avant de mourir étaient des pochettes.

Plus tard, le spectateur est invité à revivre l’ambiance de la célèbre discothèque Studio 54 de New York où l’artiste et ses acolytes vendeurs dénichaient les célébrités qui voulait se faire immortaliser la tronche. C’est ainsi qu’il recruta les chanteuses de Blondie et autres Diana Ross. Son truc ? Il travailla à partir de photos captées au polaroid dans la célébrissime Silvère Factory. Le flash de l’appareil rendait la peau mate et enlevait du coup rides et imperfections. Inutiles de dire, agenda à l’appui sous verre, que les rendez-vous ne manquaient pas.

Parlant de la Silver Factory, soulignons que l’expo propose une reconstitution de l’ancienne manufacture achetée par Warhol. Lieu de toutes les transgressions, l’artiste y tournait ses films annonciateurs de la téléréalité et peignait ses œuvres parmi les aristocrates, mannequins et travelos qui y passaient comme on entre dans un lupanar. Pourquoi Silver ? Tout simplement parce que tous les murs étaient peints couleur argent donc miroir. Ce qui renvoyait à la fois aux reflets de la conquête spatiale des années soixante et au narcissisme de l’époque.

Bref, c’est avec une immense gratitude que j’ai remis sa paire d’écouteur à la professeure et me suis empressé de féliciter la guide qui, devait-elle me confier, est une insomniaque qui cherche Ici et là la nuit.

Peut-être nous écoute-t-elle en savourant une soupe Campbell's ? La deuxième chose que Warhol aimait le plus au monde. Après l'argent...

Warhol Live, la musique et la danse dans l'œuvre d'Andy Warhol, Musée des beaux-arts de Montréal, du 25 septembre au 18 janvier. Ouvert les mardis de 11h à 17h; les mercredis, jeudis, vendredis, de 11h à 21h; les samedis et dimanches, de 10h à 17h. Entrée: 15 $ (adultes). www.mbam.qc.ca

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