dimanche 3 août 2008

Françis Leclerc


Bonsoir, il est parti

Après Mémoires affectives, le réalisateur Françis Leclerc change complètement de registre mais conserve un parti pris pour le mémoriel.

Avec Un été… tu proposes un film très différent de ce à quoi on pouvait s’attendre de ta démarche cinématographique.
Le film Mémoires affectives, mon précédent, venait d’être terminé et j’avais le goût d’un film qui fait du bien.

Tu voulais faire un feel good movie ?
Pas nécessairement mais je connais Marc (Robitaille) depuis longtemps. Quand son roman (Un été sans point ni coup sûr) est sorti, je l’ai acheté et je l’ai lu. J’ai beaucoup aimé le rapport père-fils. Je ne suis pas le fan de baseball numéro 1 comme Marc Robitaille qui connaît tous les joueurs et l’alignement de chaque année.

Et sur le plan technique ?
J’avais le goût de moins me perdre dans des structures de scénario fuckées avec des flashbacks. Je me suis beaucoup cassé la tête sur Mémoires et là je voulais me casser la tête autrement. Parce que c’est dur travailler avec des enfants aussi.

Mais encore…
C’est un autre casse tête. Tu changes de boite. Ce n’est pas des plus gros morceaux, ils sont tous petits mais ils sont différents. Il y avait moins de ciels bleus mettons.

Film familiale et grand public, les mauvaises langues pourront dire que tu as remplie une commande commerciale ?
C’est moé qui me la donne… Ça fait qu’ils diront ce qu’ils veulent. C’est fou à quel point on est catalogué au Québec. Je ne ferai pas Mémoires affectives toute ma vie. Tu fais un film et on dit : «bon, il est de même». Ricardo Trogi a réalisé un film avec trois gars pis leurs rapports avec les filles, pis après il a fait Horloge biologique. Là, il s’en vient avec un film ben ben intéressant pis on va dire : «Hein, ce n’est pas un film comme il nous avait habitué. Il n’a pas le droit». Le droit est où ?

Donc tu t’es donné une commande ?
Oui. Je pense que j’ai appris à arrêter de regarder juste notre nombril. J’ai fait ça pendant cinq ans pour Mémoires affectives. C’est un long processus. Il a fallu 4 années avant qu’on le fasse ce film là. Pis un jour, je lis le roman de Marc et je me dis : «Mon dieu, c’est déjà un synopsis (Marc est aussi un scénariste). Alors je lui ai dit : qu’est-ce que tu attends, on y va…Il ne pensait pas que moi je m’intéresserais à cela et il a été emballé que ce soit le cas.» Ensuite, Téléfilm/Sodec ont embarqué assez rapidement parce qu’ils ne m’attendaient pas là. Mais le même scénario fait par quelqu’un autre aurait donné un autre film. J’aurais fait Nitro, ça aurait donné un autre film complètement différent. Moi, je demande juste le droit d’avoir une vision, non pas de carrière, mais dans chaque film. Tu sais, j’ai fait Marie-Antoinette avec Yves Simoneau, je ne pensais pas faire ça dans ma vie.

Est-ce que tu t’es donné des balises au départ afin que l’on y retrouve ta signature ?
Non. Qu’on le veuille ou non, on me reconnait.

On retrouve plusieurs clins d’œil en forme de caméos. Comme la présence de l’ancien joueur et commentateur Claude Raymond ou le chanteur Dumas par exemple, c’est un de tes amis ?
Oui, oui. D’ailleurs toute la trame musicale a été faite par des chanteurs qui sont des amis. Pour moi, faire un film c’est un peu ça. Tu sais, Pat Robitaille et moi, ça fait 15 ans qu’on se connaît et nous n’avions jamais eu encore l’occasion de faire un projet sérieux ensemble. Et avec Steve (Asselin, le directeur photo), notre défi à tous les deux était d’aller ailleurs que Mémoires affectives. En fait, l’idée de ce film là c’était de faire comme s’il s’agissait d’un film réalisé en 1969 qui aurait été oublié sur une tablette. Il n’aurait jamais vu le jour et là on le sort, en 2008, en ayant utilisé des procédés, des lentilles des années soixante. C’était ça notre consigne à tous le monde.

On y retrouve un plan d’un extrait de journal qui annonce que le métro vers Laval est pour bientôt alors qu’il aura fallu 40 ans !
(Rires). Ce n’est pas tout le monde qui le remarquent. Il s’agissait d’une joke avec mon assistant réalisateur. Il y a d’autres clins d’œil aussi comme le joueur professionnel Denis Boucher qui est lanceur pour les Cards dans une scène. Il y a un de mes chums trippeux de baseball qui m’a dit : «câlisse, c’est Boucher, c’est Boucher…». Moi, ça me fait rire parce que les joueurs de baseball ne sont pas mes idoles.

Qui sont-ils ?
Comme modèle, je vais toujours mettre Stanley Kubrick en haut de la liste pour la simple et bonne raison qu’il a fait des films complètement différents de l’un à l’autre. J’aime aussi beaucoup Bergman (…). Tu sais, les vrais films qui nous marquent dans la vie tournent toujours autour des rapports humains.

On ne peut pas passer à côté, la télésérie sur ton père était catastrophique, qu’en penses-tu ?
Tu peux ne pas m’en parler (rires). Copier-coller sur ce que j’ai dit il y a trois ans. Ça ne me tente pas de réalimenter la patente. Je suis allé en cour, c’est ben stressant pis c’est plate. Moi, ce que je trouve scandaleux c’est qu’il y a une poursuite pour, je ne sais pas trop, 3.5 millions. Je trouve qu’il y a une injustice hallucinante dans le monde dans lequel on vit : tu fais une œuvre complètement ratée et irrespectueuse de A à Z, manquée totalement, tu n’as absolument aucune conscience de ce que tu es en train de faire comme artiste, pis qu’ensuite tu poursuives les gens en disant : «c’est à cause de vous autre que ce n’est pas bon». Et si on lui donne cet argent, je trouverai aberrant de récompenser la médiocrité.

Tu comptes refaire une bio sur ton père ?
Non. Mais peut-être, lorsque j’aurai la maturité pour le faire, vers l’âge de 45 ans, je filmerai son roman Le fou de l’île.

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