L’homme descend du songe
Puis, l’auteur de ce texte apprendra, à grands regrets d’ailleurs, à M. Moustaki qu’Aristide Bruant, le célèbre chanteur réaliste peint par Toulouse-Lautrec, qu’il évoque était aussi un ancien candidat politique qui s’était présenté sous une bannière fasciste et antisémite en 1898 à Belleville Saint-Fargeau. Après échange de courriel et vérifications qui l’amènent à me faire part de son désarroi, le juif errant et pâtre grec Moustaki précise qu’il ne modifiera pas le texte en question. «C'est affligeant, mais je n'ai pas l'intention de modifier ma chanson. Bruant garde sa valeur artistique ; même si sa carrière de politicien a été aussi lamentable que ses idées politiques. On pourrait en parler longtemps»…Ça sera pour une autre fois.
La révolution permanente ?
Mais on peut entre-temps causer de mai 68 et de l’engagé Cali avec lequel il interprète «Sans la nommer», une chanson des années 70 dans laquelle il louange la révolution. Pour Cali on le sait, mais Georges Moustaki, au soir de sa vie, croit-il encore aux lendemains qui chantent pour reprendre un slogan soixante-huitard ? « Avec Cali, on a milité dans les mêmes rangs aux dernières élections présidentielles. C’est une chanson qui traduit notre conviction. C’est difficile d’y croire vraiment (sourire) mais on peut espérer. De l’amertume ? Non, mais j’ai parfois d’autres sortes de consternations. Comme je ne suis plus un adolescent idéaliste, j’attends des choses mais sans trop d’illusions et je n’espère pas des autres qu’ils fassent les choses à ma place», confie l’homme qui «n’invente rien» lorsqu’il écrit une chanson. Fut-elle au sujet d’une jeune Mélanie qui se donne à tous ses amis dont Moustaki lui-même comme le raconte la jolie Mélanie faisait l’amour. Une pièce qui fleure bon les effluves de Madame Nostalgie, pour reprendre le titre de l’un des chefs d’œuvres de Moustaki chanté par Reggiani. «Il y a toujours un peu de nostalgie quand on regarde derrière soi mais ce n’est pas attristant. Quant à Reggiani, il nous manque à tous et moi un peu plus parce nous étions très proche. Notre aventure de chanteurs nous a uni dans une amitié qui a duré jusqu’à la fin», soutient l’homme modeste et intelligent comme le sont la plupart de ceux de sa trempe et qui refusera de parler de son influence ou de dévoiler à un collègue qui a été la personne la plus importante parmi toutes celles qui en ennoblie sa carrière.
Une confidence cependant même s’il n’aime pas faire des choix et dont la devise demeure «l’homme descend du songe» : «j’ai un faible pour ma chanson Sarah». Nous aussi…
Solitaire (album et spectacle)
12-13 et 14 juin au Théâtre Outremont
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