lundi 9 avril 2012

Bestiaire


Un zoo la vie

Avec Bestiaire, son dernier long métrage dépourvu d’histoire et de dialogue, Denis Côté propose une œuvre de  formalisme pur qui, venant d’un autre cinéaste, passerait peut-être inaperçue mais qui s’inscrit à merveille dans la démarche qui est la sienne. Certains crieront au génie, d’autres au scandale. Une chose demeure certaine, le petit prince tatoué du cinéma d’avant-garde ne laissera, encore une fois, personne indifférent. Rencontre.

Sur l’affiche, on peut lire «Productions Métafilms». Comme dans supérieur ou au-delà. Est-ce que  
Bestiaire est un méta film ?
Contrairement à la plupart des gens dans le cinéma québécois qui disent que ça prend une bonne histoire, la narration n’est pas la chose qui m’intéresse le plus. Est-ce que je suis en réaction à quelque chose ? Peut-être. Je ne veux pas utiliser le mot provocation, cela m’a apporté des problèmes. Mes films ne cherchent pas à provoquer mais ils réagissent.  Les États nordiques réagissait à ma job de critique qui devait couvrir des films en pleine période de politique de performance. J’ai toujours une impulsion un peu juvénile qui consiste à réagir à mon film précédent, à ce qui se fait au Québec et dans le cinéma en général.

D’où est venue l’idée de Bestiaire ?
La direction du Parc safari, rencontrée pour la scène de lion dans Curling, m’a invité à revenir tourner à ma guise. Je me suis dit : «on y fera quoi ? » Je ne suis pas un amoureux des animaux, je ne fais pas des films de sujets, je n’ai pas d’agenda social particulier, je ne fais pas de films de causes et je n’essaie pas de vendre quelque chose.
Mais je suis obsédé par les éléments constitutifs du cinéma comme le montage et le son. Puisque je ne voulais pas faire un documentaire sur un zoo et que je n’avais pas d’argent pour une fiction, je me suis demandé : qu’est-ce qui reste ?

Et alors ?
Généralement, lorsque l’on tourne un animal c’est pour nous faire rigoler sur Youtube ou par anthropomorphisme. Mais un animal, ça ne s’ennuie pas et ça ne possède que 7 ou 8 secondes de mémoire. Ma question était de départ était donc : peut-on filmer un organisme vivant de façon à la fois esthétique et frontale ? Contrairement à ceux qui avancent que je ne fais des films que pour moi-même, la pire insulte, Bestiaire est le film absolu pour le public parce que les gens sont obligés d’y projeter leur propre personnalité et leur vie personnelle en le regardant.

Ce film ne brosse –t—il pas quand même un parallèle avec l’univers carcéral ?
L’avocat du zoo m’a posé la même question. J’ai répondu : «Monsieur, on a pas d’argent, nos sommes que trois munis d’une caméra vidéo et on filme vos enclos pendant l’hiver !». C’est un film qui vise l’objectivité la plus totale mais les gens veulent me prêter des intentions. J’avoue que le son, retravaillé, est assez dur mais il ne visait pas à choquer. Je pense que, puisque nous ne sommes pas particulièrement amoureux des animaux, c’est devenu extrêmement froid, neutre et clinique. Je ne peux pas te dire si tu as raison ou non quant à l’univers carcéral sauf que ce n’était pas mon impulsion.  Fin de l’intellectualisation car on pourrait le faire pendant des heures avec ce film faussement naïf. Mais quand tu me dis, « on voit ce que l’on veut bien y voir, tu me fais un très beau compliment.»

Bestiaire, de mon ancien collègue du Ici Denis Côté, est présentement en salles.





Bestiaire, le 6ième long-métrage de Denis Côté, a eu sa première mondiale au prestigieux festival Sundance, était le film d’ouverture de  la 30ième édition des Rendez-vous du cinéma québécois et comptait parmi la sélection de la 62ième Berlinale qui a eu lieu cette année.

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