Cinéma pour non-voyants
Imaginez un Ennio Morricone trash qui aurait composé la trame d’un film post-apocalyptique et
vous aurez une idée de ce à quoi peut ressembler le nouveau disque de Yann
Tiersen.
Moins d’un an près le sublime Dust Lane, le multi-instrumentiste Yann Tiersen dégoupillait Skyline qui vient d’atterrir dans nos
contrées. Un autre objet radioactif presque entièrement instrumental qui
distille un post-rock/noise mélodique sous haute tension. Ce qui ne déplairait
pas à un Morricone devenu trash.
Créé à Paris, San Francisco et en Bretagne, Skyline pourrait très bien, pour les
oreilles non aiguisées, donner l’impression d’émerger du même élan créatif que
son prédécesseur. « Les deux sont assez rapprochés dans le temps, donc ils
sont assez proches, quoique Skyline soit
complètement différent. Moins sur les textures, moins sur les guitares et plus
sur les synthés analogiques », analyse Tiersen au bout de l’onde en
admettant du bout du lèvres qu’ils sont peut-être cousins.
Quant à sa méthode de création, ce n’est pas Tiersen qui
livrera le secret de la Caramilk.
« Je n’ai aucun instrument de prédilection ni de recette particulière.
J’aime bien me laisser porter. Je pars toujours d’une idée de base assez
simple, qui peut-être répétitive, et je construis à partir de cela »,
avance le créateur, qui n’aime pas intellectualiser son art. « On ne peut
pas avoir d’influences musicales lorsqu’on essaie d’être honnête. Dès que l’on
sent des influences, on s’en détache instinctivement », poursuit cette
figure de proue du post-rock. La mort du rock? « Faux débat. On vit une
époque dense. On a accès à toutes les cultures, à toutes les musiques et tout
cela se mélange et évolue. La musique évolue aussi », tranche le créateur
encore très associé à la bande sonore du méga succès Le fabuleux destin d’Amélie Poulain.
Putain de destin
Il semble d’ailleurs éprouver un étrange rapport avec ce
film. Ras-le-bol d’en causer? « Cela m’est égal. J’ai rien contre, il m’a
fait connaître dans le monde entier, mais je n’ai pas créé cette musique pour
ce film », lance-t-il le ton désabusé. Et lorsqu’on lui demande, narquois,
s’il compte revenir un jour à ces images d’Épinal musicale de Paris, le pote de
Christophe Miossec se rebiffe : « Moi, je suis né en Bretagne. Nous
avons passé des siècles en guerre contre les Français. Je ne suis pas du tout
lié à l’image d’Épinal parisienne. L’accordéon est pour moi un instrument
celtique. » « Peut-être, mais il a servi à cette image, un peu bluette,
dans le film », relance l’intervieweur. « Justement, mes morceaux
n’étaient pas liés à cela. Ils ont été tirés de mes premiers albums. Moi,
autant je cautionne le film, j’aime bien son côté suranné noir et son côté
humaniste, autant je n’aime pas du tout son côté parisien et français. Or,
précisément, c’est parce que je ne suis pas en accord avec le film que ça m’a
un peu gêné d’être collé à cette image », conclut-il.
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