Le mépris et l'entêtement d'Alexandre Chartrand |
L’art de la provoc’
Bénéficiant d’une certaine sympathie dans le milieu du
cinéma underground, grâce à son long métrage de fiction La Planque (2004) ainsi qu’à son documentaire sur le peintre
d’envergure Serge Lemoyne (2005), Alexandre Chartrand, également peintre,
présente une troisième expo à la fois provocatrice et engagée qui promet de
brasser la cage : On se fait tous
fourrer!
Claude André
Votre exposition
s’intitule On se fait tous fourrer!
Pourquoi?
Je suis un peintre engagé et dénonciateur. Pour cette expo,
j’ai décidé d’aller droit au but. Les tableaux ont également un aspect
caricatural, car j’ai représenté, sans détour, des gens qui se font fourrer
dans le sens strict de l’expression. Pour ce faire, j’ai, notamment, mis
l’accent sur les visages.
Êtes-vous influencé
par Magritte?
Oui. On se souvient tous de son œuvre Ceci n’est pas une pipe, qui illustrait une pipe. J’essaie, comme
lui, que les titres de mes œuvres aient autant d’importance que les
représentations elles-mêmes.
Comment on en vient à
faire une expo sur cette thématique?
Ça fait longtemps que je suis désenchanté par la politique.
Les politiciens font, en général, davantage partie du problème que de la
solution. Je trouve qu’il y a trop peu de gens qui s’intéressent à la chose
politique et je me disais que la peinture, à la fois ludique et très colorée,
pourrait attirer les regards. Il faut dire que si le sujet semble à la mode en
ce moment, il ne l’était pas au moment où j’ai eu cette idée d’expo, il y a
deux ans.
Cette expo est donc volontairement
racoleuse.
Exactement. Généralement, lorsque je peins, je m’inspire de
photos que j’ai prises moi-même de mes sujets. Dans ce cas, j’ai travaillé avec
de photos glanées sur Internet, en cherchant délibérément la provocation par
l’intermédiaire de la pornographie.
On retrouve même la
reine d’Angleterre en position, disons… inhabituelle.
Oui, c’est le clou de l’exposition et ce geste est, par sa
nature, illégal au sens de la loi, car il est interdit de représenter la reine
sans son consentement. Je n’ai pas commencé par cette image, mais j’ai
tellement trouvé effrontée la venue du couple royal après leur mariage que je
me suis dit qu’il me fallait émettre un commentaire sur la monarchie. Cela
semble anodin, mais le fait que nous soyons encore une colonie, que l’on ramène
encore l’appellation « royale » dans les institutions, que l’on paie
à ces jeunes un voyage pour venir rire de nous en pleine face et nous rappeler
que nous sommes encore sous domination, m’apparaît totalement déplacé. Ces gens
sont quand même les descendants des grands dictateurs de l’histoire européenne.
Vous présentez cette
expo dans une galerie de l’Ouest de l’île, double provocation?
Oui et non. Ce n’était pas aussi flagrant qu’il ne paraît,
car j’en suis à ma troisième expo à cet endroit. Je m’entends particulièrement
bien avec la propriétaire de la galerie. J’ai pu lui proposer mon concept
verbalement et elle l’a accepté d’emblée. Cela dit, je suis bien content, car
l’emplacement de la galerie a pour effet de confronter plusieurs personnes. Il
y a déjà des gens qui se sont plaints du mauvais goût de ma série.
Et il serait
imputable, selon vous, à l’aspect politique ou pornographique de l’expo?
L’aspect politique. Parce que des gens nus, en peinture, ça
pleut. C’est surtout le fait d’avoir associer la reine à la porno qui choque.
D’autant plus que je lui ai donné un titre assez salé…
Lequel?
À faire bander Stephen Harper…
Le tableau titré Le Mépris et l’entêtement (voir au sommet du texte) qui a été ajouté in extremis à l’expo a rapidement trouvé preneur et les 1779,00 $ demandés symboliquement pour son acquisition seront
entièrement remis à la CLASSE en
signe de soutien au mouvement étudiant. « En tant que non
étudiant, je me suis demandé de quelle façon je pouvais soutenir le mouvement
et manifester mon désaccord avec la position du gouvernement Charest sur la hausse
des frais de scolarité. J’ai participé aux marches, j’ai transmis les textes
sur ma page Facebook, j’ai signé des pétitions. Mais je me rends compte que je
dois parler le même langage que Charest pour qu’il cesse de nous ignorer :
le langage de l’argent! »
On se fait tous fourrer!, dès le 2 mai à la galerie Point Rouge.
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