mardi 22 avril 2008

Rock, papier, roseaux


Pour la seconde année, Daniel Boucher mets les bouchées doubles pour l’environnement et se fait porte parole de la campagne «Allo la terre» qui s’inscrit dans le cadre du «Jour de la terre».

Claude André

«L’autre fois, je venais de faire l’épicerie. L’emballeur, qui faisait sa job d’étudiant, voulant bien faire sortait un sac en plastique après l’autre et les remplissaient. Alors, je me suis tourné vers la caissière et lui ai demandé :

-tu sais combien de temps ça prend pour que se décompose un seul de ces sacs ?

-euh, un an ?

-Non

-15 ans ?

-Non

-20 ans ?

Non, ça prends de 100 à 1000 ans !, s’exclame Daniel Boucher en se remémorant la scène. Surtout associé à la cause souverainiste, l’artiste tente désormais de «penser globalement et d’agir localement» en matière d’environnement en s’associant à la campagne «Jour de la Terre». Une initiative verte à laquelle l’adhésion de Vidéotron en 2007 a fait en sorte que 100 000 abonnés du câble ont choisi de troquer la traditionnelle facture en papier (une dizaine de tonnes sauvée!) pour celle en ligne et, c’était la part du «deal» proposé par Vidéotron, de contribuer à la plantation de 100 000 nouveaux arbres au Québec via des «corridors verts».

Cette année, en plus d’inviter ceux qui ne l’ont pas encore fait d’opter pour sa facture en ligne, Vidéotron lance une grande campagne de récupération des téléphones sans fil afin de recycler les différentes composantes des appareils défectueux ou plus à la mode, de recycler les métaux précieux qu’ils contiennent et d’éliminer de façon sécuritaire les matières dangereuses qui s’y trouvent. Rappelons qu’un cellulaire peut contenir jusqu’à 1 000 composantes ― dont des métaux précieux comme l’or, l’argent et le platine ― qui peuvent être récupérées. Il contient également des substances toxiques ― arsenic, mercure, cadmium, plomb ― qui présentent des risques élevés pour la santé humaine et l’environnement si elles ne sont pas convenablement gérées.

«On demande aux gens de les rapporter leur vieux sans-fil ainsi que les accessoires qui les accompagnent dans les clubs vidéos Vidéotron et autres point de ventes de l’entreprise et de les déposer dans les boites prévues à cet effet. Il ne faut surtout pas les jeter, c’est dégueulasse ces trucs là. Plein de polluants. L’organisme «Le jour de la terre» procédera ensuite à un recyclage et les ventes serviront à planter des arbres», raconte Boucher en avalant sa salade…verte.

Planter des arbres ? Ces fameux «corridors verts» relèvent en fait d’une vaste et importante stratégie de reboisement au Québec qui s’attaquera à l’une des premières causes de régression de la biodiversité : l’extrême fragmentation écologique des paysages et des écosystèmes. Les détails et autres aspects techniques ne seront communiqués qu’en mai à l’occasion d’une importante conférence de presse qui réunira tout les acteurs impliqués dont les maires des municipalités touchées par le projet et, bien sûr, Daniel Boucher.

Boucher débouche

Pour avoir connu le Boucher dans des circonstances beaucoup plus rock and roll, disons que l’image peut faire sourire. Mais «le monde et les temps changent», chantait Dylan.

Puisqu’il conduit 4x4, vu qu’il passe le plus clair de son temps en Gaspésie et qu’il s’agit du moyen le plus sur de ne pas s’embourber dans la neige (il l’utilise le moins possible à la ville) Boucher incarne en quelque sorte le consommateur ordinaire. Lui qui, pauvre comme Job avant le succès de son premier album 10 000 matins, n’avait même pas de quoi s’offrir une épicerie décente, aurait-il cru s’associer un jour à une grande entreprise comme Vidéotron ? Aurait-il crû qu’il nous fût un jour possible de vivre cette entrevue à caractère environnemental au temps des nuits écartelées ? «C’est flyé hein… Moi, j’ai un comportement normal. Je vis sur la même planète que tout le monde et je respire le même air que tout le monde. Probablement qu’ils m’ont choisi parce qu’ils pensaient que ça aiderait à faire en sorte que le message se rende dans les maisons. J’ai accepté parce que je pense que la cause est bonne. Je n’ai rien contre la compagnie en tant que telle, mais ce n’est pas mon genre de m’associer à une entreprise pour m’associer à une entreprise. C’est sûr que je me suis posé des questions. Tu sais la pureté de l’artiste… En tout les cas, viens un moment où il faut passer par-dessus ça. La cause est là et il y a plus d’avantages que de désavantages, alors…», analyse Boucher sans fausse pudeur. Et ça fait un moment qu’il se sent interpelé par l’écologie ? «C’est sûr que je ne me suis pas réveillé un matin en me disant : ça y est, je suis écolo. Ça s’est fait graduellement. (Il imite une vieille pub de Maurice Richard pour du colorant à cheveux: Ce fût graduel. Personne ne s’en ai aperçu. Encore aujourd’hui, je garde juste un peu de gris. Les femmes aiment bien ça)». Puis on s’esclaffe comme des gamins. Avant de, évidemment, causer hockey et même d’envisager une petite trempette à Boston histoire d’assister à un match.

C’est qu’il est heureux l’artiste par les temps qui courent. En plus de cette verte campagne (sans jeu de mots) qui le stimule sincèrement, il ne porte plus cette angoisse de la page blanche qui le rongeait à notre dernière rencontre. «J’ai maintenant quelques nouvelles tounes que j’aime vraiment beaucoup. Ça commence à débloquer. Quand ça ne sort pas, tu te poses de sérieuses questions», raconte le bummer funambule qui prévoit se produire en solo dans quelques festivals au cours de l’été et aimerait bien rencontrer le chanteur de l’excellente formation hip-hop Gatineau. En effet, le dernier album de la bande, en plus de la découverte du chanteur Devandra Bannhart et son album Cripple Crow, sont en grande partie responsable du retour de Madame l’inspiration chez Monsieur le Boucher. Souhaitons-lui qu’elle lui permettra de mettre là aussi les bouchées doubles. Comme pour l’environnement.

www.jourdelaterre.org

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