Méga tube de 1975. Lady Marmelade.
De Jacksonville au Québec, des comédies musicales aux années boules en miroir, de Johnny Hallyday aux Stones, sans compter les passagers de ses romances et les aléas de sa vie de star, Nanette Workman dévoile ses blues et ses highs dans une biographie qui se lit comme un roman.
Il y a quelques temps, j’ai proposé à Claude Dubois de rédiger sa biographie. Il m’a répondu : «je ne suis pas encore mort». Pourquoi toi acceptes-tu de publier la tienne ?
Je ne suis pas encore morte (rires)… Il ne s’agit pas de quelque chose que j’ai accepté, c’était mon idée de le faire il y a dix ans. Je me suis dit : «mon Dieu, j’ai eu une vie tellement le fun, j’aimerais ça l’écrire». Et puis je voulais que les gens me connaissent au-delà de l’image que je projette.
Tu as commencé à l’écrire seule, non ?
Oui, j’ai entrepris une petite bio en réunissant mes photos et en réalisant des entrevues avec mes anciens chums. Mais je n’ai pas pu aller plus loin… J’ai donc décidé d’attendre de rencontrer une bonne maison d’édition et un auteur avec qui la chimie opérerait. Pui, un jour, les gens de Libre Expression m’ont suggéré l’auteur Mario Bolduc. Dès notre première rencontre, ça a cliqué tout de suite.
Vous avez eu de nombreuses rencontres ?
De 3 à 4 fois par semaine pendant un an.
Le livre démarre avec une scène de viol dans un hôtel newyorkais et ton agresseur était un joueur de baseball professionnel Tu en avais déjà parlé publiquement avant ?
Il n’y avait aucune raison de le faire avant. Mais je me suis dit que c’était quelque chose de très important dans ma vie. Que cela a à voir avec la personne que je suis aujourd’hui. Quand j’ai commencé à écrire la bio, en anglais, elle débutait avec cette scène.
Ce qui rend la lecture de cette biographie particulièrement intéressante d’ailleurs car elle ne suit pas l’ordre chronologique et linéaire habituel…
Je voulais que ce livre ressemble davantage à un roman qu’à une biographie standard. Et c’est écrit ainsi. À la troisième personne, et non au je.
J’imagine que cette horrible mésaventure a modifié ton rapport aux hommes ?
Après ça, disons que j’étais un petit peu déçue (sourire). Ma mère m’avait élevée en me disant que je devais être en amour et mariée avant d’avoir mes premiers rapports sexuels…the old fashion way, tsé…Après cette histoire, je me suis dit : «je pense que je vais attendre quelques années avant de vivre une autre expérience. Sur le coup, j’étais surtout fâchée. J’en voulais à mon agresseur mais jamais à moi-même car je ne me suis jamais perçue comme une victime… J’ai donc décidé d’attendre de rencontrer le bon, de tomber amoureuse.
Et tu as croisé la route de Tony Roman auquel on doit ta venue au Québec…
Oui. Mais je n’ai jamais fait l’amour avec Tony. Je voulais attendre le mariage. Même lui, il était correct avec ça. Puis un jour il m’a trompé alors j’ai dit : goodbye (rires) !
Il était fatigué d’attendre ?
J’imagine. C’est normal. Il faut dire que j’étais très naïve.
Parlons de ton arrivée au Québec en 1965. Tu étais à la fois juive et anglophone dans un milieu catholique et francophone, tu as connu des moments d’hostilité ?
Nothing. Je n’ai jamais ressenti aucun feeling négatif. Jamais. Je me suis tout de suite et pour toujours sentie très aimée dès que je suis arrivée ici. Par la famille de Tony d’abord qui m’a accueillie les bras ouverts et ensuite par les Québécois.
Tu as appris le français dès ton arrivée ?
(Rires) Ça a pris du temps… quelques années. C’est quand je suis allée en France que je l’ai davantage appris parce que j’étais obligée de le parler. Ici, j’étais entourée de gens qui étaient bilingues.
Mais les premières pièces que tu as interprétées au Québec étaient en français, tu ne savais pas ce que tu chantais (rires) ?
Pas vraiment (rires). Je chantais phonétiquement mais on m’expliquait ce dont il s’agissait, l’idée générale.
Ta vie a été jalonnée par les excès de toutes sortes dont l’alcool, la coke, l’héroïne…des regrets ?
Non, pas du tout.
Et comment on s’en sort-on lorsque l’on est devenue accro à l’héroïne par exemple ?
On le voit dans le livre, à un moment donné j’étais en France (en tourné avec Charlebois qui ne jurait que par les restos haut de gamme) avec mon chum Jimmy. Un soir, au milieu de la nuit, je me lève, je vais aux toilettes, me regarde dans le miroir et je ne reconnais pas mon visage. Ce n’était pas moi. Alors j’ai dit : «ok, that’s it. C’est fini. Tu ne me prendras plus. C’est moi qui prend la drogue, pas la drogue qui me prend». J’ai vidé mon sachet dans la toilette et je n’y ai jamais touché parla suite.
Tu as fait ça cold turkey ?
No cold turkey. Moi, je suis très têtue…J’ai une tête de cochon, c’est comme ça aussi que j’ai arrêté de fumer.
Et l’alcool ?
Je bois encore. Parfois un petit peu. Parfois 2-3 jours de suite alors qu’à d’autres moments je suis une semaine ou deux sans boire.
Et tu n’as pas le gout de replonger quand la garde baisse ?
Non, je tombe de sommeil. Je vais au lit. Paf… (rires).
Tu me disais que tu iras au Mississipi la semaine prochaine. Tu t’exerceras au tir au fusil ?
Non, je m’en vais voir ma mère qui est dans une maison de retraite. J’y suis allé à tous les mois depuis qu’elle a déménagée en mai dernier. J’y passerai quelques jours et y retournerai pour les fêtes. Elle ne peut pas vivre ici : l’hiver, le froid, les assurances…
Tu révèle à la fin du bouquin que tu as fais tes choix en fonction des hommes que tu as aimés. Serais-tu une grande dépendante affective ?
I don’t know…Je n’ai jamais pensé à ça.
Certaines personnes aiment les gens comme ils aiment où ont aimé la dope…
Quand ça buzz on est high et quand ça buzz pas on part ! C’était à peu près ça, oui.
Aujourd’hui que tu es une femme plus mature, est-ce que tu fonctionnes encore ainsi ?
Ça fait longtemps que je n’ai pas eu de chum. I d’ont know, peut-être que la prochaine fois ça sera différent. Et puis maintenant, je ne prends pas de drogue… Si ce n’est une petite puff de pot à l’occasion. Je n’ai pas pris de drogues dures depuis plus de vingt ans et que je n’ai pas fumée de cigarette non plus… But i don’t know what i will be right now.
Mais ça ne fait pas vingt ans que tu n’as pas eu de chum quand même…
Non, pas vingt ans. Mais mon dernier ça fait environ 7 ans. Et il était beaucoup plus jeune que moi. Dans le livre je parle de lui d’ailleurs. Nous somme encore de bons amis.
Et tous ces ex-amoureux, tu leur as demandé la permission avant de parler d’eux ou tu t’es dit : «c’est aussi mon histoire alors je peux la raconter» ?
Ben je les ai interviewés. Je voulais savoir ce qu’ils retenaient de notre relation. Lorsque je ne l’ai pas fait, c’est Mario (l’auteur) qui s’en est chargé.
Qu’est-ce que tu appris sur toi-même que tu ignorais avec ce livre ?
Hum (silence). On se souvient des choses, mais lorsque l’on réuni tous ces souvenirs ensemble, dans un livre, on prend du recul. J’ai appris que l’on peut avoir, que l’on peut vivre, une douzaine de vies si l’on veut et il me semble que ce que j’ai fait.
Bonus tracks : Amour
Ton plus grand amour, ça a été Johnny Hallyday ?
Non. Chaque homme que j’ai aimé était très différent du précédent. Toutes les émotions que je vivais pour un homme en particulier n’avaient rien à voir avec l’homme d’avant ou celui d’après.
Un peu comme si tu changeais, à chaque relation, de personnage ?
Oui. Ça serait ennuyant d’être la même personne toute sa vie.
Oui, mais n’est-ce pas une façon de se fuir soi-même. Tu cherchais ta propre identité ?
Je ne cherchais pas. I was just living. Je vivais et faisais ce que j’avais envie de faire à ce moment là. Je ne me juge pas.
Des rêves ?
I don’t know. J’aimerais voyager davantage. Depuis que mon fils est né j’ai passé toute ma vie avec lui… Puis, j’ai ma maison et mes nombreux animaux dont je dois m’occuper, alors ?
Rock’n’Romance
Mario Bolduc
Libre Expression
Et cd
Nanette Workman
Anthologie 1975-2005
Musicor/Select
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