vendredi 10 avril 2009

La nuit américaine


L’ami américain nous revient cette fois dans la langue de Ginsberg


Claude André


On aurait pu évoquer la langue de Neil Young, de Cohen ou de Robbie Robertson, song writer de prédilection de l’artiste, juste en haut des deux autres, duquel il reprend d’ailleurs «Acadian Driftwood» en duo avec Céline. Mais l’allusion à Ginsberg n’est pas fortuite car on le retrouve sur la pièce «Fire in the Night» en amoureux d’un autre fondateur de la Beat géneration… Jack Kerouac.


Si l’anecdote est inventée par l’artiste, elle en dit long sur sa façon de travailler. Là où d’autres écrivent à partir d’une émotion, Zachary Richard tente toujours, un peu à la manière des écrivains, d’appuyer son propos par une histoire qui le sous-tends.


Ainsi, les pièces de l’homme sont toujours lestées d’un poids de vérité qui les rend si puissantes. Et cela, en anglais comme en français même si dans le second cas il met davantage l’emphase sur le son que sur le sens.


Mis à part la langue, on ne retrouve guère de différences sur ce chapitre que sur le précédent sur le plan artistique sinon que notre auteur «régionaliste», en ce sens qu’il est attaché aux images géographiques à la manière d’un William Faulkner, situe son propos essentiellement au États-Unis sauf pour une pièce qui se déroule en territoire amérindien dans le Nord du Québec.


Sur ce plan, l’album suit t logiquement Lumière dans le noir qui, au départ avait été imaginé bilingue mais, pour des raisons de cohésions, est devenu francophone.


Double identité linguistique


«Je suis allé sur le site de Renaud-Bray et il y avait un petit timbre illustrant Last Kiss. Comme les marchands sont très friands de catégories, on y retrouvait un genre: cajun-francophone. Je me suis dit : quelqu’un s’est endormi au volant! D’abord, puisqu’il ne s’agit pas de musique traditionnelle, ça n’a rien à voir avec le cajun et c’est en anglais. Évidemment, il s’agissait d’un lapsus. Cependant, si on pousse la réflexion, il s’agit effectivement d’un album cajun, comme je suis, et francophone, comme je suis également. Le fait qu’il soit en anglais ne change strictement rien de ce point de vue là», poursuit le militant francophile qui expliquera brillamment combien il est dérisoire d’analyser la situation des francophones nord-américains du strict point de vue québécois.


Et c’est cette double identité que Zachary s’emploiera, entre autres, à illustrer lors de sa prochaine série de spectacles où il renouera avec son public américain. Concerts qui s’amorceront avec «Petit Kodiac» et auxquels il ajoutera la magnifique «Au bord de lac bijou» que l’on retrouve aussi sur Last Kiss en guise de stateman.


«Encore un public américain ? J’ai la liste de tous les postes de radio qui jouent mes chansons depuis Snake Bite Love paru en 1992. Donc, il y a des gens qui sont toujours là, m’ont soutenus à l’époque et, je l’espère, le feront encore. Cette liste n’est pas gigantesque mais c’est un point de départ. Sinon, je fais quoi ? Je m’assois sur mon cul et fais le tour des talks shows au Québec, pas très intéressant. Je me dis que je dois reprendre la place que j’ai délaissé. Ce qui me motive, c’est avant tout la reconnaissance. Je ne suis pas friand de la gloire mais j’aimerais bien être reconnu dans mon pays pour ce que je suis, un auteur-compositeur», conclut le nouveau producteur qui, tel le bouddhiste qu’il est, saisi l’occasion pour se «réinventer».


Last Kiss chez Musicor.

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