samedi 8 mai 2010

Entretien avec Tony Gatlif


Un Rom libre


Après Gadjo Dilo, Exils et autres chefs-d'oeuvre, Tony Gatlif nous parle de Liberté. Entretien.

Votre film aborde notamment la thématique du refus de l'Autre. On ne peut s’empêcher de penser au débat sur l'identité nationale qui refait surface en France : on voulait aussi laïciser et «domestiquer» les Roms sous l'occupation comme vous le démontrez. Y voyez-vous un lien?

C’est en apprenant que Jacques Chirac voulait réunir des Justes au Panthéon. J’attendais de savoir s’il y avait eu des Justes, dans cette liste, qui avaient sauvé des Tsiganes, mais il n’y en avait pas. Alors je me suis mis à la recherche de ceux qui les ont sauvés en peu partout. J’ai ainsi trouvé un notaire que j’ai transformé en vétérinaire également maire du village. Je voulais absolument parler des Justes, pour raconter ce pan de l’Histoire oublié, si douloureux. Perdu dans le silence de l’Histoire.


À travers votre œuvre, voulez-vous sanctifier le peuple gitan ou de la démystifier ?
C'est de rendre la réalité. Le peuple gitan a été victime de clichés, de folklore... Le folklore c'est ce que préfèrent tous les dictateurs du monde (Ceaucescu, Hiltler Mussolini, Franco).

Le personnage de Taloche est, visiblement, un fou. Est-ce la seule vraie «liberté» possible ?
Erreur. Ce n'est pas un fou, c'est l’âme Tsigane. Taloche est en communion avec le ciel, la terre, l’eau, le vent. C’est un homme libre, un homme qu’on ne peut pas enfermer.

D'aucuns auront du mal à concevoir que les Gitans préfèrent reprendre la route au péril de leur vie alors qu'ils ont une planque légale. En même temps, des personnages accompagnent l'hymne pétainiste «Maréchal, nous voilà !» chanté dans une école en y ajoutant de la musique festive gitane. Doit-on y voir une certaine forme de naïveté, un déni de la réalité ou...?
Les Tsiganes de l'époque ont toujours détesté la sédentarité ; ils ont peur des murs, c'est oppressant, les pierres gardent les secrets des morts. C'est la peur de réveiller les morts.

Avec le personnage du petit Claude, un orphelin dont on ignore les origines mais qui veut à tout prix se joindre aux Gitans, vouliez-vous sous-entendre que ce dernier est un fugitif juif, afin de faire un lien avec le sort terrible qui attendait à la fois les Juifs et les Gitans dans les camps de concentration?
Je n'ai jamais voulu éclaircir ce point, mais le doute qui plane me plait.

Parlez-nous de Marie-Josée Croze. Pourquoi une actrice québécoise dans un film aussi profondément axé sur l'identité?
Parce qu’elle correspondait au rôle et que je me suis bien entendu avec elle. J'aime les acteurs vrais qui ne trichent pas avec leur métier.

Quel est selon-vous le plus beau film de tous les temps ?
Il reste à faire...

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