samedi 16 octobre 2010

Grand Corps Malade : Troisième temps








Le hasard des rencontres





Avec «Troisième temps», Grand Corps Malade confirme que le texte déclamé ponctué d’ambiances sonores a encore de bonnes années devant lui.

Claude André

Après «Midi 20» qui lançait une petite bombe d’enthousiasme en 2006, Fabien Marsaud alias Grand Corps Malade publiait «Enfant de la ville» en 2008. Un chapitre plutôt décevant pour les partisans de la première heure surtout sur le plan musical.

Puis, le 18 octobre prochain, il dévoilera «Troisième temps». Une sortie beaucoup plus enthousiasmante. Comme si ce récent papa du petit Anis (4 mois 1/2) pour lequel il  d’ailleurs slamé un texte, avait décidé de s’offrir une véritable direction artistique. Il suffit pour s’en convaincre de visionner le clip 
Roméo kiffe Juliette (voir plus bas). Une relecture du célèbre conte qui implique cette fois une juive et un musulman.

«C’est moi qui ait écrit les textes et j’ai également choisi les musiques issues de plusieurs compositeurs différents. Ensuite, une fois en studio, pour diriger les musiciens et arranger les morceaux, je me suis appuyé sur Dominique Blanc-Francard. Un grand monsieur qui a bossé avec Dutronc, Gainsbourg, Françoise Hardy et plein d’autres», souligne GCM qui a effectué sa sélection parmi les nombreuses musiques reçues de compositeurs et celles proposées après qu’il eût sollicité des amis compositeurs dont Yann Perreau pour 
À Montréal. « La seule recette que j’ai trouvé pour choisir c’est au feeling. Il fallait que la musique serve le texte et que les deux se trouvent. C’est pour cela qu’il y a autant de compositeurs différents. Ce n’était pas un choix. Si un compositeur m’avait fait des musiques qui collaient à tous les textes, j’aurais choisi ce dernier.»


Je reviendrai à Montréal


Pour À Montréal, le texte qu’il avait déjà écrit en guise de surprise à son avant dernier passage chez nous à la Place des Arts, la rencontre avec Yann Perreau a été initiée grâce à un éditeur. « Je me suis dit : qui mieux que Yann Perreau par son talent et sa connaissance de Montréal pourrait illustrer ces paroles ? Alors je lui ai envoyé le texte a capella par internet et il m’a retourné une musique avec trois proposition d’arrangements dont une qui m’a semblée parfaite», poursuit le slameur qui adresse un clin d’œil à Charlebois sur cet album où l’on en retrouve également à Renaud et Dutronc en plus d’un duo avec Charles Aznavour pour le très beau Tu es donc j'apprends dont il a écrit les paroles et Aznavour la musique.


Parmi les autres heureux rendez-vous du hasard qui émaillent cet encodé, il a celui avec un chauffeur de taxi très politisé qui lui reproche d’écrire pour Johnny Hallyday, un pote à Sarkozy, et lui balance qu’un bon chanteur doit être un chanteur engagé (
Rachid Taxi). Il a raison ? «Je pense qu’un chanteur engagé est forcément un bon chanteur (rire), mais est-ce qu’un bon chanteur se doit d’être engagé, ça je ne le sais pas. Mais il est vrai que lui c’est un passionné de politique. Lorsqu’il me reproche d’avoir écrit pour Johnny, je lui réponds qu’avant d’être un pote de Sarkozy, il s’agit de l’un des plus grands interprète français, d’une légende de la chanson. Il faut voir un peu au-delà de la politique», poursuit Fabien qui se sent encore aujourd’hui beaucoup plus à l’aise dans les soirées slams que sur les plateaux de télé notamment parce qu’on y trouve pas le temps de vraiment discuter.

En attendant son retour sur les scènes montréalaises prévu pour septembre ou octobre 2011, voici un disque qui nous réconcilie avec un artiste qui, à son façon, comme le disait San Antonio (Frédéric Dard) de Renaud, fait le «boulot de Verlaine avec des mots de bistrots.»



Grand Corps Malade - Roméo kiffe Juliette



À Montréal (extrait)


Me revoici à Montréal
On m’a dit qu’ici l’hiver est dur 
Alors je suis venu au printemps 
Six mois dans le froid c’est la torture
Si peux éviter j’aime autant 
Ce matin le ciel est tout bleu 
Et je sens que mon cœur est tout blanc
Je veux connaître la ville un peu mieux
Je veux voir Montréal en grand 
J’ai plutôt un bon a priori 
Parce que les gens sont accueillants
Y’a plus de sourires qu’à Paris 
Puis surtout y’a leur accent 
Mis à part quelques mots désuets
 Ils parlent le même langage que nous 
Mais pour l’accent je sais leur secret
 Ils ont trop de souplesse dans les joues 
Au niveau architecture Montréal c’est un peu n’importe quoi
Y a du vieux, du neuf, des clochers, des gratte-ciel qui se côtoient 
Mais j’aime cette incohérence
L’influence de tous ces styles 
Je me sens biens dans ces différences
je suis un enfant de toutes les villes 
Y’a plein de buildings sévères et y’a des grosses voitures qui klaxonnent 
Et des taxis un peu partout c’est l’influence anglo-saxonne
Y’a des vitraux dans les églises 
et des pavés dans les ruelles 
Quelques traces indélébiles 
De l’influence européenne 
Y des grands centre commerciaux et des rues droites qui forment des blocs 
Pas de doute là-dessus, Montréal est la petite sœur de New York 
Y’a des p’tits des p’tits restos en terrasses, un quartier latin et des crêperies 
Pas de doute là-dedans, Montréal est la cousine de Paris 

Grand Corps Malade 

jeudi 14 octobre 2010

Lara Fabian : Les femmes en moi

Lara Fabian © CourtoisieLara Fabian © Courtoisie

On invite une amie, on débouche une bouteille devant un bon repas et les questions existentielles fusent. On se lève parfois le lendemain avec un mal de cheveux carabiné et d’autres, plus rares, avec un projet d’envergure.
C’est ce qui s’est produit pour Lara Fabian lorsque sa grande copine lui a demandé: «Qu’est-ce qui fait en sorte que l’on devient ce que nous sommes et non pas ce qu’on voudrait être?» Et Lara de lui répondre: «Moi, ce sont vraiment les femmes de ma vie». «Mais encore?» La maman bien sûr, elle, Nathalie, la copine éternelle, et ensuite les femmes au cinéma, en littérature et… en musique.
De cette idée devait naître le concept de Toutes les femmes en moiparu en France en 2009, sur lequel elle reprend des titres rendus célèbres par Nana Mouskouri, Diane Dufresne, Véronique Sanson, Barbara, Dalida, Nicoletta, Nicole Croisille, Maurane, Françoise Hardy, Catherine Lara, Édith Piaf et Céline.
En plus des relectures contemporaines de ces chansons, on y retrouve en guise de livret des lettres émaillées de confidences parfois touchantes et quelquefois étonnantes adressées aux femmes en question. Ont-elles entendu le résultat?
Non seulement elles l'ont entendu, mais la plupart ont également répondu, sauf les disparues bien sûr et Céline qui ne l’a pas encore fait. Le spectacle de la dernière tournée d’ailleurs incluait plusieurs de ces femmes et, dans certains cas, on les apercevait chanter en duo avec Lara virtuellement grâce au procédé de l’hologramme.
Un pari risqué?
Et lorsqu’on lui demande, en faisant allusion à la lettre à Véronique Sanson où elle la remercie de lui avoir appris le goût du risque, si cet album en est un, la chanteuse n’hésite pas: «Sélectionner des monstres sacrés pareils et prendre pour parti pris de les détourner vers de la musique plus urbaine, plus R&B et même plus gospel, c’est prendre un risque. En même temps, ça sert à quoi de vivre si on n’en prends pas? Cela servirait à quoi de prendre des chansons comme celles-là et de ne pas, en tout respect, tenter de me les approprier?», se questionne celle qui a eu maille à partir ces dernières années avec la presse française plus souvent qu’à son tour.
D’aucuns disent que sa réaction épidermique en regard des propos d’une marionnette à son effigie dans une célèbre émission caustico-humoristique aurait déclenché les hostilités. La principale intéressée attribue cela à sa «too muchcité». Quoi qu’il en soit, l’épreuve lui a permis de se découvrir une salvatrice alliée qu’elle ne soupçonnait pas: Françoise Hardy.
Cette dernière aurait un jour, après «trois ans de bashing absolu» en France, demandé aux journalistes de lui lâcher les baskets en déclarant en substance: «Elle est effectivement dans un élan passionnel total qui va avec sa jeunesse et les extrêmes qui l’accompagne. J’ai fait pareil.
Laissez-là vieillir, laissez-là grandir», raconte Lara, cette récente maman désormais sereine mais toujours prête à relever la garde.
Mais qui avouera à son interlocuteur scribouillard, avant qu’il ne quitte le hall du luxueux hôtel montréalais, éprouver une grande passion pour les hommes.
Au fait, si on reprenait la démarche au masculin, qui seraient les mecs qui ont forgé sa personnalité? «Félix, Lama, Hallyday, Brel et Aznavour», lance-t-elle bien qu’il ne soit pas question qu’elle les détourne à leur tour. Mais tiens, un album jazz, à la manière d’Aznavour, avec cette voix remplie de théâtralité assumée, ça sonnerait tellement bien, pas vrai?

mardi 12 octobre 2010

Bédé: Le retour de Binet, créateur des Bidochon






Drôle de musique

Parmi les nombreuses bédés qui paraissent ces temps-ci, les amateurs de la cultissime collection Les Bidochon, genre de La Petite Vie à la française, seront fort heureux de découvrir Haut de gamme


Une nouvelle série signée Binet qui met en scène les tribulations d’un pianiste concertiste sur le déclin qui tente d’améliorer l’ordinaire en dispensant des leçons à toute une galerie de personnages.


Passionné de musique classique, Binet a puisé dans ses propres expériences pour caricaturer ce milieu qu’il connaît bien. On sourit, on s’esclaffe et on passe un bon moment en savourant les 47 planches en noir et blanc de cet auteur reconnu pour son regard caustique et incisif.      *** 1/2

Haut de gamme
(Volume 1)
Bas de gamme
Ed. Dargaud

lundi 11 octobre 2010

Neil Young: Le Noise

Neil Young
Le Noise

Réalisé par Daniel Lanois alias Le Noise (U2, Dylan), le dernier Neil Young recèle des chansons sombres et mélancoliques qui laissent toute la place à la guitare électrique Gretsch stéréo et sa constellation sonore. 

Si on a l’impression d’entendre la trame sonore d’un film inquiétant au départ, le folk accrocheur et poignant de Young revient vite puis, la distorsion contrôlée reprend de plus belle. Fascinant. **** /5

dimanche 10 octobre 2010

Exit Ici et là

Outre les gens qui m'apostrophent à l'occasion, je remarque que plusieurs d'entre-vous, chers amis lecteurs, aboutissez sur ce petit blogue en effectuant une recherche sur Google qui comporte mon nom ainsi que celui de l'émission Ici et là (Vox) où j'ai été chroniqueur/débatteur pendant 4 ans.

Votre intérêt me touche et c'est avec regrets que je me vois contraint de vous répondre que non je n'y suis plus ainsi que mon ex-collègue Pierre Thibeault.

Raoûl Duguay : À l'eau Toulmonde !


Raoûl Duguay © Pascale M LévesqueRaoûl Duguay © Pascale M Lévesque
Très sensibilisé par la cause de l’eau, le poète-chanteur-philosophe Raôul Duguay présente son tout nouvel album, J’ai soif.
C’est avec un savoureux «que les molécules te flottent de plaisir» que le légendaire Raoûl Duguay nous a reçu dans un café/resto grano/bohème de Montréal histoire de causer de cet album, son 16eou 17e, il ne sait plus trop.
Un disque concept dont la genèse remonte à son implication avec la «Coalition Eau Secours!», un organisme voué à la gestion responsable de l’eau dont il est devenu porte-parole suite à l’invitation, il y a huit ans, de la regrettée poète et écrivaine Hélène Pedneault.
De cette sensibilisation est donc apparue l’idée de créer cet album créé et composé en huit mois où chacune des 11 pièces est traversée par la thématique de l’eau. Il en a signé toutes les musiques sauf la pièce Ode à une belle inconnue, où il reprend une musique de Gros Pierre Nadeau, composée en 1589 par Pavane de Thoinot Arbeau.
Éclectique avec ses effluves latins, lounge, jazz et balade, cet album réalisé par Mathieu Dandurand est porteur d’un propos à la fois sérieux et poétique et n’a rien à voir avec l’idée du personnage excentrique qui le précède souvent.
Les fans de La Bitt à Tibi, cette chanson «qui cache la forêt mais qui en même temps ouvre les portes», pourront néanmoins se consoler avec Ève sur laquelle on retrouve, a capella, la bande de Mes Aïeux.
Et s’il ne fait pas, comme sur l’album précédent Caser Raoûl Duguay(1999) dans la pirouette vocale, le chanteur à descendu pour la première fois sa voix d’un octave pour L’eau du moulin. «Je ne suis pas un comique et je ne l’ai jamais été. J’étais un flyé mais l’image du clown, c’est pas moé ça. Sur mon dernier disque, j’avais inséré des images de clown, c’était une erreur… Je suis un chanteur à textes, un philosophe et j’ai des valeurs et des principes à respecter. Je suis aussi un poète. Je travaille longtemps mes textes, ils se tiennent et je peux les défendre contre vents et marées.»
Coup de gueule
Parlant de tempête, nous ne pourrions évidemment pas causer du sort de l’eau avec Raôul Duguay, sans parler du fait qu’en ce moment même une grande entreprise nous vend de l’eau du robinet embouteillée… «L’eau du robinet de Montréal est reconnue comme une des meilleures eau au monde. Plus sécuritaire que la plupart des eaux embouteillées que l’on achète. Moins de bactéries... C’est vraiment difficile à croire la compagnie, mais Aquafina, cette filiale de Pepsi, embouteille l’eau de Montréal et nous la vend 2,50 $ la bouteille», s’insurge l’homme de 71 ans qui, par ailleurs, prends position en faveur de Claude Péloquin dans le conflit qui opposait ce dernier à Guy Laliberté.
«Je sais que nous, à Eau Secours, on souhaitait inviter Guy Laliberté à devenir porteur d’eau (adhérent). Il a refusé parce qu’il voulait partir son affaire. L’argent des puits qu’il a creusé en Afrique, c’est très bien. Mais je crois que s’il investissait autant que pour son voyage dans l’espace cela serait plus convainquant. Ce que je n’ai pas aimé avec Pélo cependant, c’est qu’il a voulu acheter ses droits à vie. Ce n’est pas correct. En plus, le texte qui a passé n’était pas à la hauteur. Moi, j’aurais fait mieux et Pélo aurait fait mieux aussi (…) Il y a un milliard de personnes sur la planète qui n’ont pas accès à l’eau potable. On prévoit qu’en 2050, une personne sur deux manquera d’eau, c’est un dossier majeur. Tu sais, il y a actuellement 30 guerres dans le monde qui ont l’eau pour principal enjeu...»
J'ai soif, de Raoûl Duguay, est maintenant disponible.

Moran : L'exutoire

Moran par Victor Diaz Lamich
L’exutoire 

Fort de son second opus, le très beau Mammifères, Moran saborde avec ses mots riches et sa voix granuleuse la scène du Petit Medley tous les mercredis d’octobre.


Accompagné de ses corsaires Sly Coulombe (batterie, percus, voix) et Thomas Carbou (guitares et voix), il nous est encore loisible de découvrir  le dernier spectacle de cet artiste hélas trop méconnu du grand public mais néanmoins en nomination pour le Félix de l’auteur-compositeur de l’année au prochain gala de l’Adisq.

C’est que le patronyme Moran apparaît désormais sur la courte liste des artistes qui maitrisent l’art de façonner des chansons profondes et accrocheuses, celles qui explorent avec panache les zones parfois sombres de l’âme humaine pour en faire des exutoires.

Avec une approche souvent plus canaille qu’angélique, le trentenaire a lancé Tabac, le jour même de l’interdiction de fumer dans les lieux publics après avoir gagné, auparavant, le concours Ma Première Place des Arts sans même y inclure Balcon la pièce qui avait fait craquer le jury qui lui a décerné alors le prix de la meilleur chanson. «Tu l’aimes ! Je suis content que tu me dises cela parce qu’il y a plein de gens qui ne connaissent que la version de la Place des Arts. Un premier jet très spontané. C’est un truc que je vivais à ce moment là. Il est très rare que j’écrive sur un drame ou quelque chose de beau au moment où cela se produit. J’ai tendance à fermer ma gueule, attendre que sa passe et en parler après», dit-il au sujet de cette pièce subtilement perverse adressée à une ex mais qui cause du lointain futur. Une sorte de lettre enchansonnée qu’il avait interprété en sanglots et qui se retrouve, fort heureusement, sur Mammifères. Le titre de son dernier chapitre, et le mot n’est pas fortuit pour cette plume d’écrivain, paru en janvier 2010.

Des collaborations

Un encodé encensé par les tripeux de chansons dont l’auteur de ces lignes et sur lequel on retrouve aussi deux morceaux en duo avec sa conjointe Catherine Major, dont la très belle Los Angeles.

Au fait, si on y savoure la voix lumineuse et nuancée de Catherine Major, le couple semble avoir résisté à la tentation de faire un album orchestré par cette titulaire d’un prestigieux prix de l’Académie Charles-Cros. « C’est sûr que si on ne respectait pas à la base profondément ce que l’on fait un et l’autre, nous aurions du mal à nous endurer.  Au départ, je pensais l’inviter à jouer du piano et à travailler sur les arrangements puis j’ai réalisé que tout le monde la sollicitait pour cela. Je me suis dit, pour une fois, elle va venir faire mes chansons», explique Moran qui suit pour sa part une démarche plus indépendante.

Ce qui ne l’a pas empêché de donner la réplique à la grande Anna Karina dans un long métrage où il y interprétait aussi des chansons signées Philippe Katerine. « Ça été génial de faire ce film. Il a été diffusé à Los Angeles, en Asie, il existe et j’y tiens un premier rôle mais je ne l’ai jamais vu. Les producteurs sont disparus. Ça ne peut pas avoir donné un grand film mais il est sûrement très sympathique» conclut Moran qui, après avoir appris la guitare à trente ans, prévoit écrire son premier scénario à quarante.


Tous les mercredis jusqu'au 27 octobre à 20 h au Petit Medley à Montréal.
Catherine Major sera sur scène avec Moran les 20 et 27.

samedi 9 octobre 2010

Entretien avec Lara Fabian

La variété assumée

Récemment de passage pour présenter son dernier album Toutes les femmes en moi, la discussion avec Lara Fabian a bifurqué un bon moment sur «l’opposition» musique de variété vs «intellichiante».

Claude André


Adulée des uns, figure horripilante pour les autres, la chanteuse à voix Lara Fabian ne laisse personne indifférent. Elle présente ces jours-ci un album (paru en France en 2009) de reprises de succès voire de classiques créés par des femmes contemporaines ou décédées de Piaf à Céline Dion en passant par Maurane, Catherine Lara et autres Françoise Hardy. En guise de remerciement, elle a adressé à chacune d’entre-elles une lettre leur expliquant en quoi ces dernières ont marqué sa vie et façonné la femme qu’elle est devenue. Intrigué, nous lui avons posé quelques questions en fonction de confidences glanées dans le livret en question.

Dans la lettre à Barbara, tu parles de l’opposition entre musique populaire et «intellichiante». Est-ce que tu crois qu’il y encore un  clash entre les deux ?
Moi non, mais vous les journalistes, oui.

Faux, la preuve c’est que je suis ici avec toi aujourd’hui (sourire).
Ça ne veut rien dire (rires). Mais il est vrai que la France est davantage portée vers ce genre d’opposition tacite et subliminale.

On peut être à la fois fan de Johnny et Sardou et de Desjardins, Brel ou Ferré…
Regarde, eux autres, ils ne disaient pas qu’ils n’étaient pas des chanteurs populaires. T’écoute Brel ou Ferré, c’était des chanteurs de variété, ils le disent. Seulement, il y a une gang de savants, intellichiants de la gauche caviar, qui a décrété que les deux mondes ne s’appartiennent pas. C’est de la connerie. Excuse-moi, mais quand tu lis Les Vieux amants de Brel et que tu l’entends chanter et bien on est dans le même monde que Bénébar aujourd’hui. Les deux font dans la variété et cela signifie : multitude. Pas cochonnerie.

Oui, mais prends Aznavour, il enrobait ses chansons de façon beaucoup moins sirupeuse dans les années soixante-dix qu’aujourd’hui…
J’ai mangé avec lui il n’y a pas plus tard qu’une semaine et Monsieur Aznavour me disait : «Je suis un chanteur de variété, je l’ai toujours été et je le revendique». Et au profit d’une intelligentsia vidé de sens nous sommes obligés de définir les gens par des groupes différents.

Je remarque que les reprises des chansons d’Aznavour plus récentes, je reviens à cela, deviennent plus disons «convenues» et en ce sens, plus variété sur ses derniers enregistrements.
Variété veut dire chanter une multitude de thèmes dans une multitude d’arrangements. C’est vraiment ça la base. Tu pouvais faire une chanson medium tempo, up tempo, hyper balade ou avec un trio violoncelles alto en encore tout simplement guitare/voix. Donc, ton spectacle était rempli d’une panoplie couleurs. Or, aujourd’hui, quand les gens disent variété, ils l’attribuent à une qualité moindre, vidée de son essence et c’est ça qui est incroyable. On écoute même plus : As-tu lu les textes? Tu as écouté les arrangements ? Tu sais qui est l’ingénieur qui a capté la voix ? Allô ! On t’a dit qu’il s’agit d’une chanteuse de variété, tu as mis une étampe dessus et tu n’as même pas écouté l’album. Donc, je ne me bats pas contre ça, car on ne peut se battre contre la connerie.

Pourtant certains artistes, je pense à Raphaël, parviennent à plaire aux deux mondes, non ?
Exactement. Et c’est parce qu’il s’agit d’un chanteur de variété aussi. On pourrait en nommer d’autres aussi : Gainsbourg, Michel Berger, Jean-Jacques Goldman… C’est très récent au fond cette histoire, 20 ans, tout au plus.

Il y a aussi les artistes de variétés d’autrefois qui deviennent hyper «chébrans» des décennies plus tard comme Dalida…Peut-être que les gens qui te regardent de haut aujourd’hui danseront sur tes chansons dans 30 ans ?
Je ne présagerai aucunement, en toute humilité, de ce qui sera…

vendredi 8 octobre 2010

L'immortel avec Jean Reno de Richard Berry





Faut que ça saigne

Le charismatique Jean Reno nous transporte dans un univers de violence et de rédemption.

Claude André

Adapté du roman L’immortel de Franz Olivier Giesbert qui s’inspirait d’un fait divers qui s’est déroulé à Marseille en 1977, ce film raconte la quête rédemptrice d’un chef mafieux, Charly Matteï (Jean Reno au sommet de son art) retiré des affaires depuis 3 ans, qui survit à 22 balles tirées à bout portant dans un stationnement suite à un attentat orchestré par Tony  Zacchia, son lieutenant et ami d’enfance.

Mais il découvrira que les bons sentiments ne suffisent pas et «quand on a du sang sur les main, ça ne part pas jamais. Le mal, c’est le mal. Il est en nous et il faut l’accepter», comme le lui rappellera Zacchia interprété par Kad Merad (Bienvenu chez les Ch’tis, un contre-emploi couci-couça).

Exit la petite vie pénarde avec femme et enfants, celui qui, comme le vrai mafieux qui avait survécu à un attentat, se voit désormais appeler l’immortel investiguera sur son assassinat raté mais en tentant de respecter la promesse faite à sa vieille mère de ne plus user de violence.

Le milieu étant ce qu’il est, cette «faiblesse» aura pour résultat la mort atroce de son fidèle subalterne. L’immortel voit rouge et Jean Reno redevient Léon le nettoyeur dans un monde où l’appareil d’État et sa lourdeur font le  jeu de la bureaucratie au grand dam de l’enquêteure (Marina Foïs, hébétée et effacée) à ses trousses qui souhaite venger la mort de son mari, flic aussi, demeurée impunie.

Outre la volonté du réalisateur Richard Berry  de casser le manichéisme en nous donnant à voir un directeur de police orgueilleux et incompétent et un truand débordant d’humanité, ce film rempli de références demeure haletant (grâce à Reno) du début à la fin même s’il emprunte des codes vus mille fois auparavant et des dialogues parfois clichés.

Si on éprouve un certain plaisir voyeur à pénétrer de l’intérieur le milieu criminel, sans parler de l’ambiance unique de la planète Marseille et son acceng chantant, précisons que la violence très prononcée voire douteusement jouissive de plusieurs scènes en rebutera plus d’uns. Il fait prendre ce film pour ce qu’il est : un divertissement viril et entrainant mais parfois un peu con et surtout assez proche de la bédé.

***/5



mercredi 6 octobre 2010

Martin Petit est à bout


À bout des tabous, Martin Petit revient avec Micro de feu

Claude André

«Le but est de s’attaquer aux tabous et aux thèmes qu’il ne faut pas aborder en général sous un point de vue humoriste. L’idée est d’aller à contre-courant de la liste des sujets qui, normalement, pourraient constituer un bon show d’humour. C’est un trip personnel : prendre des sujets qui portent un grand degré de difficulté et rentrer là-dedans en créant du plaisir», lance tout de go l’humoriste Martin Petit en parlant de son troisième spectacle.

Parmi les propos à risques, le grand Petit (s’cusez-là) abordera, par exemple, le cas de Farah Fawcett qui est décédée d’un cancer de l’anus. Celui lui permet de parler du cancer de façon différente parmi environ 70 autres thématiques dont le suicide.

Mais existe-t-il encore des sujets tabous ? «C’est vrai que l’on peut tout aborder mais par humoriste avec pour résultat de provoquer le rire, c’est une autre histoire. Moi, si je n’obtiens pas un rire au bout, j’ai raté ma shot», souligne Petit qui conviendra n’avoir pu aborder un des sujets tabous les plus grave : la pédophilie. «Je n’ai rien trouvé à dire d’hilarant sur la pédophilie. Mais j’ai abordé le sujet des abus sexuels sous l’angle des femmes qui abusent de jeunes comme on l’a vu aux États-Unis avec cette professeure de 24 ans qui a  eu des rapports sexuels avec un jeune homme de 14 ans. Au sens de la loi, il s’agissait d’un abus sexuel mais entre toi et moi, c’est un fantasme !», souligne Petit en se revoyant sans doute jeune pubère coincé dans son Laval natal.

20 ans de nudité

Lui qui depuis 20 ans a traité des sujets classiques pour un stand up soit la jeunesse, la vie adulte, le rapport amoureux se demandait en quoi consiste la notion de courage dans ce boulot avant d’accoucher de ce concept pour le moins audacieux. Car, comme si ça ne suffisait pas, ce spectacle devra être plus drôle que les précédents qui ont remporté chacun le trophée du spectacle de l’année au gala des Olivier.

Pour arriver à ses fins, il a rôdé ce spectacle l’hiver dernier en débarquant sans tambour ni trompette dans des soirées d’humour histoire de tester des extraits du spectacle. Son premier rodage a d’ailleurs eu lieu aux… Foufounes électriques. «C’est un bel endroit pour commencer un show sur les tabous», rigole l’artiste qui était jadis un adepte des dimanches technos de la boite underground.

C’est peut-être un peu de cette culture alternative que lui vient le fait qu’il ne s’autocensure pas (sauf peut-être dans le cas des motards) et ne se questionne jamais si un sujet sera «grand public» ou non.  Un aspect de sa personnalité qui lui confère une liberté mais également authenticité. «Je n’ai pas l’impression que les gens m’aiment pour quelque chose qui n’est pas vrai. J’ai toujours fait ce qui me tentait et jamais je n’ai travesti mon humour pour devenir plus populaire que je ne le suis déjà. Le Martin Petit que je montre aux gens est le même que celui qui se baigne dans sa piscine.»

Et c’est encore plus dévêtu que jamais sur le plan symbolique qu’il se trimballera à travers la province au cours des prochaines pour présenter son risqué Micro de feu. Mais, parlant de nudité, sans profiter de certains avantages inhérents au vedettariat... «J’ai maintenant deux élastiques qui me ramènent à la maison»,  conclut le père de famille désormais casé en parlant de ses enfants.



Martin Petit
6 et 7 octobre
Monument National


mardi 5 octobre 2010

Des femmes dans le Placard




Des femmes dans le Placard

Le dernier album de Dany Placard, musicalement plus accessible à un large auditoire, dévoile aussi une galerie de personnages uniquement féminins



On dirait que cet album nommé tout simplement Placard est moins «tomwaitien» que le précédent…
C’est vrai que les médias ont beaucoup accroché là-dessus mais Tom Waits était déjà là depuis Plywood 3/4. Cette fois, on voulait s’en aller ailleurs. Pour ce faire, pendant 3 mois on a monté une toune par semaine mais nous ne la pratiquions pas. Ainsi, lorsque nous sommes arrivés en studio, les boys y ont ajouté leurs touches. Par exemple, la ligne de basse de Michel-Olivier Gasse sonne groovy années 70, les drums de Jean-François Mineau sont très Nirvana…Chacun a mis sa couleur et moi je n’ai pas dit grand chose.

D’autres changements ?
On a aussi enlevé les sections de cuivres et de cordes et on a «slaqué» sur les percussions à la Tom Waits, justemment. Nous voulions des pièces avec des refrains, des hooks. La thématique ne tourne plus autour des grands espaces, cet album est plus urbain.

Parlant de thématiques, à l’époque de Plywood ¾ tu faisais un trip de gars. Cette fois, tu ne parles que de filles…
Je trouve que Raccourci est un beau disque et je me demandais si je serais capable d’en faire un autre aussi cool que celui-là. Puis, j’ai comme décroché et ça m’a permis de trouver le thème de celui-ci : 24 heures dans la vie de 10 femmes différentes.

Toutes des filles que tu connais ou tu les as imaginées ?
La Prieuse, c’est une fille qui m’a croisé sur la rue et m’a demandé la permission de prier pour moi. Je lui ai répondu que je n’en avais pas vraiment besoin et que je n’avais pas d’argent. Elle m’a dit «non, non, je veux seulement prier». J’étais lendemain de veille…Il y a une des filles qui est amie avec un gars du band. Madame Henriette raconte l’histoire de la vieille dame qui souhaite aller rejoindre son mari décédé. Ça arrive à toutes les personnes âgées, le gars part toujours en premier. Je l’ai faite cette chanson un mois après avoir discuté de cela avec ma voisine d’en bas qui vivait cette situation.

Un peu à la Bukowski, tu nous montres l’envers de l’Amérique proprette…
Oui. Il y une junkie, une aveugle de naissance qui s’en va au bord de la mer. Il y a la grande Kim qui raconte un peu le phénomène des jeunes des régions qui viennent faire les sqeegees à Montréal pour mettre du piquant dans leurs vies. Parfois ça ne marche pas...

dimanche 3 octobre 2010

Un café avec Paul Cargnello




Cool attitude

Danser moins idiot ? Voici le troisième opus surtout franco de Paul Cargnello

Claude André

Parfois inspiré par Léo Ferré (Plus rien), Che Guevara à qui il doit la chanson titre de l’album La course des loups, allusion au capitalisme et Les mains de Ramon (pseudo du Che), mais aussi par l’amour, le politique et Montréal, Paulo nous livre un septième album à la fois reggae, soul, rock et vintage des plus accrocheurs.

C’est que le trentenaire est vraiment doué pour livrer ambiances musicales qui nous font apprécier les choses du quotidien comme les Bixi par exemple (Bixi bop) en dansant dans les rues de la Cité.

Conscientisé, il écrit des textes qui peuvent êtres entendus de plusieurs façons. «Je n’aime pas l’idée que tu peux interpréter n’importe quoi. Sur une chanson comme Plus rien, par exemple, il y a une certaine critique de la société en général. Je trouve qu’on est en train de manquer de culture», lance le gus qui a connu le bonheur de toucher des droits d’auteur plutôt apaisants grâce à la pièce Une Rose noire parue sur son album précédent.  Un reggae qui a caracolé au sommet des palmarès d’ici mais aussi, à la grande surprise de son auteur, sur des listes francophones aux… États-Unis. Accrocheur, je vous dit.

Ce qui nous incite, après avoir causé politique, à tenter de saisir l’origine de ce malaxage musical savoureux.  Lui qui semble être passé, comme une pléthore avant, du punk au reggae dans ses choix musicaux de prédilection.

«Le reggae est le premier genre musical que j’ai découvert hors de l’influence de mes parents. Ensuite,  ce fut le blues. Il y avait petits liens entre le mouvement reggae-ska des années soixante et le mouvement blues. Je crois que les deux genres sont les plus influents dans ma musique. Le lien avec le punk ? Les Clash. C’étaient des internationalistes et des recherchistes musicaux. Ils ont d’ailleurs fait un album très influencé par la musique jamaïcaine. Je me rends compte que je ne  suis pas un punk rocker mais bien un clasher. Lorsque j’ai rencontré ma femme, à l’âge de 14 ans, elle m’a filé une cassette du groupe. Lorsque j’ai entendu la pièce The Guns of Brixton, cela a changé ma vie. Je pense que tout ce que je fais aujourd’hui tient son origine de cette toune-là. C’est drôle, c’est la première que l’on tape là-dedans», s’étonne-t-il en riant.

samedi 2 octobre 2010

Katerine : la banane des gens heureux...



Katerine par Philippe Gouband
  Hé Banane !

Maitre de la rime ludique et absurde transformée en ver d’oreille musical, le Français Philippe Katerine revient en force avec un album éponyme.

Claude André

 Depuis Je vous emmerde (1999) et Louxor, j’adore (2006) nous savons que la blague des modestes débuts du timide jeune homme qui n’osait pas chanter fort ni danser s’est transformée en ovni rose dans le paysage de la musique francophone. L’artiste, à force d’entendre des applaudissements, a puisé la confiance nécessaire à l’expression de sa folie. Lui qui aime désormais s’adonner au body surfing en spectacle déchaine les critiques et d’aucuns croient qu’il s’agit d’un maitre du traquenard. Il  propose ces jours-ci un nouvel objet ludique éponyme qui comporte d’ores et déjà quelques tubes dont La Banane et bla bla bla. Causette entre deux éléphants roses, une guenon albinos et des effluves de cigarettes de clowns.

Claude André

On écoute les chansons en se demandant comment diantre surgissent-elles dans ton cerveau : défi d’aborder des trucs anti chansons (la musique qui accompagne la fermeture/ouverture d’un ordinateur PC),  flashs qui apparaissent comme ça ou tu fumes de la très bonne herbe ?
Il y a un peu de tout ça (rires). Les trois sont très présents. Je fais beaucoup de chansons, je cumule comme ainsi les matériaux et je sélectionne ensuite.

Hélas, il y a parfois des bad trips. Comme de rêver que tu  administres une fellation à Johnny (Hallyday)…
Ça c’est un pur bad trip.

Doit-on y voir un lien avec ton tube de l’été La Banane ?
Pourquoi pas (rires). En fait, moi je mange toujours des bananes le matin. Il paraît que ça équivaut à un repas. Ce matin-là, tout le monde m’appelait au même moment. Du coup, je n’arrivais pas à manger ma banane. Ça m’a énervé alors j’ai pris ma guitare et j’ai dit : «laissez-moi manger ma banane». Ensuite, je me suis imaginé sur une plage parce que c’était l’hiver et que j’en avais marre du ciel gris et de la neige.



Tu te censures parfois ?
Oui, il y a parfois des trucs vraiment horribles…

Comme ?
Bah, je suis un serial killer et je tue pas mal de gens, surtout des enfants. Ça, par exemple, je ne l’ai pas mis sur mon disque.


Katerine par Philippe Gouband

Plusieurs personnes se demandent, notamment sur Internet, si ton truc relève du génie ou de l’imposture…
Je n’en sais rien moi-même.

Parmi les prochains tubes de cet album, il y a l’accrocheuse bla bla bla, comment est-elle née ?
Euh… J’avais fait une chanson avec des textes mais je trouvais que c’était vraiment du Bba bla bla ce que j’avais écrit alors j’ai tout simplement transformé ce que je pensais et j’ai trouvé que c’était musical. Au final, ça faisait du sens sur un texte ennuyeux.

Clin d’oeil à da da da de Trio, ce hit début eighties et à Bohemian Rhapsody de 
Queen ?
Oui, on y a pensé mais après l’avoir faite.

Sur ton album précédent, Robots après tout dont le titre était en lien avec le Human After All de Daft Punk, tu as invité des pointures telles Gonzales et Renaud Letang. Ils sont de retour encore cette fois ?
Non, pas du tout. C’est moi qui aie réalisé et j’ai travaillé avec un groupe que j’ai monté. Une bande de copains avec lesquels l’on boit souvent des coups ensemble. On s’est dit : « peut-être que l’on pourrait picoler et jouer de la musique en même temps». Nous avons enregistré ce disque avec des bières mais sans aucune machine. On a joué de façon assez brute, ça me changeait aussi car les machines, j’en ai trop utilisé ces derniers temps.

Tu sembles du type noceur. Tu sors en boite tous les soirs accompagné de hordes de gonzesses en délire ?
Bien sûr oui. Avec bain moussant et t-shirt mouillé… J’aime bien sortir. Ce que je préfère, c’est lorsque l’on sort des boîtes et que les rues sont désertes. On se promène dans l’ivresse, comme ça, les bras écartés en remerciant tout le monde d’être en vie.

Katerine par Philippe Gouband
Tu as beaucoup travaillé au cinéma ces dernières années avec notamment les frères Larrieu et plus récemment dans le conte sur Gainsbourg où tu interprétais Boris Vian, tu t’y intéresses de plus en plus ?
De plus en plus, je l’ignore mais j’aime bien ça. Ce n’est vraiment pas désagréable lorsque l’on est en vacances comme je l’étais pendant deux ou trois ans. J’ai accepté car j’aime bien qu’on me donne des ordres. Je manque un petit peu de ça dans ma vie.

Ce n’est pas ta femme qui porte la culotte ?
Ah, j’aimerais bien hein…un peu plus. Et le cinéma c’est bien car il n’y a aucune décision à prendre. On te dit : «assis toi ici», «marche comme ça…» et ça ne dure que deux ou trois semaines. Mais je viens de faire un film où cela a duré deux mois. Il sortira en décembre et ça s’appelle Je suis un no man’s land.

Tu comptes réaliser un jour?
J’ai déjà fait un film, Peau de cochon. C’est un film assez spécial composé que de plans séquences.

Tes parents sur la pochette, ce sont les vrais  (voir Bla Bla Bla ) ? 
Oui, ce sont mes vrais parents avec leurs vrais habits.

Tu viendras nous les présenter au Québec un de ces quatre ?
J’espère bien. Mais je ne sais pas quand. Si nous sommes invités, on viendra. On m’appelle et j’accoure.

Dubois sur Labrèche

vendredi 1 octobre 2010

TO MACLEAN'S...

De Chapleau, publié dans La Presse d'aujourd'hui

Le sens des valeurs

Le sens des valeurs


Reçu cette semaine un coup de fil de tonton Lulu. Heureux comme un paon devant un miroir géant, m’a lancé en m’interpellant par mon surnom
d’enfant :

— Junior, ça fait un moment qu’on s’est vus. Figure-toi donc que la greffe de cheveux que j’envisageais, c’est fait! Ça m’a fait mal en tabarnak, j’ai déboursé 5000 $ mais j’ai l’impression d’avoir rajeuni de 10 ans, m’a-t-il raconté au bout de l’onde.

— On devrait aller dans un « bar rencontre » pour tester ta nouvelle crinière de lion, je lui ai répondu.

Jeudi dernier. Fin de journée. Sous le soleil exactement, au beau milieu d’une terrasse d’un célèbre bar à drague de Saint-Sau. Tonton qui avait l’air d’un sexagénaire se pointe en affichant maintenant sa fière, chevelue et réelle cinquantaine. Je le complimente, il sourit. Nous discutons de choses et d’autres lorsque soudainement une dame, genre couguar « bleachée » arborant poitrine rebondie et talons assassins, s’approche de notre table.


« Je peux me joindre à vous? », lance la quinquagénaire plutôt bien roulée en s’adressant à tonton, un homme qui sait si prendre avec les femmes, lui qui a longtemps œuvré comme vendeur de soutiens-gorge La Senza et autres promesses d’alcôves…

— Évidemment! Prenez place!

La discussion à trois se poursuit pendant une bonne demi-heure, mais tonton semble soudain légèrement agacé par l’ambivalence présumée de Miss Terrasse.

— Je vous écoute là, vous semblez hésiter entre Junior et moi. C’est tout à fait légitime et je respecte ça. Mais disons que si vous me choisissez, mettons, tsé… et bien, je vais devoir vous payer au moins deux ou trois drinks. Ça va me couter autour de 30 $. Et je ne sais même pas si vous faites bien l’amour!

Ensuite, nous irons au resto. Ça va me couter un bon 200 $, c’est assuré. Puis après, car je vous regarde-là, vous n’êtes pas du genre à aller au Motel Canada, han?, alors ça va me couter un autre 200 $ pour une chambre à l’hôtel et j’ignore toujours si vous faite bien l’amour!

Mais si je rentre chez moi et je me call du St-Hubert, ça va couter 11 et 99. Ensuite, je feuillette les annonces dans le journal et je me commande une fille. Une heure plus tard, elle arrive. Je lui donnerai un morceau de poulet et une patate, elle s’en ira ensuite et en plus, je ne manquerai pas ma game à la télé!

Miss Terrasse s’est enfuie, outrée. La serveuse, qui suivait la discussion s’est esclaffée. Nous a refilé une tournée gratos et tonton est reparti avec son numéro.

C’est bien parfois d’avoir encore le sens des valeurs.







Le Poil de la bête, entrevue et critique

Femme ou fille ?

La comédienne Vivianne Audet nous parle de son rôle de Marie Labotte dans le film Le Poil de la bête.


Dans le film, vous interpréter une Fille du Roy. Selon-vous, ces filles étaient-elles de orphelines ou des prostituées contraintes à l’exil?
J’avais en tête l’expression «Fille du Roy, fille de joie» et j’ai souvent entendu dire qu’il s’agissait de prostitués. Mais après m’être renseignée auprès d’une professeure d’histoire j’ai appris que c’étaient des orphelines dont les parents n’arrivaient pas à subvenir à leurs besoins. Des filles donc qui se retrouvaient au couvent et y passaient toute leur jeunesse. Elles y avait appris à  «faire le petit coin», cuisiner, s’occuper d’un homme et des enfants.

Mais votre personnage se nomme Marie Labotte !
Oui, on sous-entend qu’elle n’est peut-être pas aussi pure que ça sœur. On dit aussi dans le film que le père de mon personnage était bottier. Mais c’est un film où il y a des clins d’œil ici et là.

Évidemment, personne n’y était pour les entendre, alors qu’elle était la consigne du réalisateur au sujet des accents des personnages ?
Au la lecture du scénario on s’est dit : «puisque les Filles du Roy sont fraichement débarquées, il serait logique qu’elles parlent le français de France. Les colons, pour leur part, étant ici depuis plus longtemps, ils ont sans doute un langage adapté» Puis, au fil des discussions, nous en sommes venus à la conclusion qu’il serait plus simple pour tout le monde de parler un français un peu plus soutenu plutôt que de rentrer dans le vieux François comme on le disait à l’époque. Cela permettait d’équilibrer la chose et, bien honnêtement, nous n’avons pas eu le temps de plonger là-dedans à 100 %.

Parlant de temps, ce tournage a dû, malheureusement, se faire plutôt rapidement?
Vingt-huit jours. Ce qui est un peu rapide pour la charge de travail que nous avions. Forcément, nous étions vulnérables face aux conditions météorologiques. On a tourné dans la grosse pluie battante en octobre et novembre, jusqu’au 4 décembre.

À quel endroit ?
À Oka. Un seul studio a été construit et c’est l’intérieur du manoir du seigneur. Sinon, la chapelle ainsi que les maisons des colons ont été construites de A à Z. Bref, ce fut un énorme travail.



À rebrousse-poil

Film fantastique ? Œuvre historique ? Thriller ? Comédie ? Le Poil de la bête de Philippe Gagnon (Une Galaxie près de chez vous) est un peu tout ça à la fois mais, hélas, ne creuse aucun de ces sillons en particulier. Cela donne au final une œuvre qui, malgré toute notre empathie de spectateur enthousiaste, nous fait parfois rire pour les mauvaises raisons, soupirer devant le jeu de certains acteurs et lever la tête au plafond à l’audition de réparties truffées de clichés. Heureusement, le gâteau semble vouloir lever à un moment mais c’est déjà la fin. Cela dit, un public adolescent de nature beaucoup plus indulgente et déjà émoustillé par le succès de The Wolf Man pourrait peut-être y trouver son compte? Nous saluerons néanmoins l’audace de la démarche, les reconstitutions historiques et quelques effets spéciaux réussis en regard d’un budget rachitique. **