vendredi 27 avril 2007

La religion au Québec: cold turkey

Voici mon humble contribution au magazine La Voix au masculin parue dans l'édition de mai 2007 arrivée mercredi sur les présentoirs. À lire : l'excellente entrevue avec Daniel Boucher réalisée par Franco Nuovo.

« La religion, c’est l’opium du peuple », disait Karl Marx. Après avoir été infiniment intoxiqué entre 1944 et 1959 pendant la période de « la grande noirceur » au cours de laquelle l’église imposait un joug oppresseur sur notre population avec la complicité de Duplessis, les Québécois ont littéralement expulsé la religion avec la révolution tranquille qui a débuté en 1960. C’est d’ailleurs aussi en rébellion face à cette époque que nous utilisons si souvent des mots ecclésiastiques pour exprimer notre colère quand nous sommes en tabarnak. Cependant, la désintoxication, en proportion avec l’histoire de l’humanité, s’est faite de façon rapide, brutale et à froid. Cold turkey, disent les junkies.

Or, je suis de plus en plus persuadé que la « victoire » hautement symbolique de Mario Dumont le mois dernier a vraiment quelque chose à voir avec le religieux. On a beaucoup parlé d’une soi- disant colère du Québec rural à l’endroit de certains immigrants qui revendiquent des accommodements déraisonnables.

Que ce soit dans le cas de prières à l’université, de fenêtres givrés ou du couteau sikh, les récriminations ont toujours à voir avec le religieux.
Or, comme le sait la sagesse populaire, 90 % des occasions où un individu est en colère, il l’est en fait contre lui-même.

De voir agir ces immigrants, aussi minoritaires fussent-ils dans les cas qui nous préoccupent, nous a peut-être fait réaliser que nous avons collectivement jeté le bébé avec l’eau du bain en matière de religieux.

J’ai moi-même longtemps fréquenté l’athéisme (suis plutôt agnostique aujourd’hui) et je demeure farouchement partisan d’une séparation de l’Église et de l’État. Mais comme plusieurs d’entrevous, j’ai été ébranlé lors de la dernière campagne électorale lorsque André Boisclair a proposé de retiré le crucifix de l’Assemblée Nationale. « Et pourquoi pas la croix sur le Mont-Royal », ai-je maugrée avec dépit pour moi-même. Pourtant, cette initiative allait exactement dans le sens de mes convictions, non ? C’est en voyant Daniel Boucher quelques semaines plus tard qu’un élément de réponse est apparu. En effet, le « bummer funambule », à l’occasion d’un spectacle au Cabaret, arborait un gaminet sur lequel trônait une représentation du Christ avec l’inscription « Jesus is my homeboy ». «Volonté d’affirmation identitaire, nul doute que c’est de cela qu’il s’agit », me suis-je dit à ce moment en me promettant de faire de même et de m’acheter moi-aussi un t-shirt de Jésus.

Par une espèce de mimétique du désir, ce sentiment qui fait qu’un enfant souhaite toujours obtenir le jouet de son camarade et se désintéresse du sien, d’observer des gens défendre et revendiquer leur culture religieuse, malgré un brutal changement d’environnement social qu’implique le fait d’habiter un nouveau pays, nous a peut-être fait prendre conscience que nous y perdions quelque chose.

Car s’il est vrai que la religion catholique est sexiste et paternaliste, en plus d’avoir eu son lot de scandales pédophiles, c’est aussi elle et son imaginaire sacré qui caractérise notre identité nationale avec la langue française et notre statut de minoritaire en terre d’Amérique. Ces fameuses « valeurs communes » que Mario Dumont, bien qu’il souhaite les enchâsser dans une charte n’a jamais voulu ou été en mesure d’identifier mais qu’il a assurément pressenties.

Avec notre éternel complexe de la ringardise, notre peur de passé pour quétaine nous avons balayé sous le tapis les beaux souvenirs de première communion ou de dimanches chez la grand-mère. De notre papa qui saluait une église lorsque nous en croisions une en voiture. Souvenez-vous de la scène poignante du film Les Invasions barbares où un curé tente de vendre, sans succès, des icônes religieuse. Le réalisateur Denys Arcand touchait là une des cordes les plus sensibles de notre identité collective. De société la plus pratiquante en Amérique du Nord, le Québec est devenue la moins pratiquante. Selon, The Bibby Report on Catholicism in Quebec, le nombre de catholiques pratiquants continue de décroître au Québec et serait maintenant de 22 %. Tandis qu’il remonte à 37 % dans le reste du Canada. Une baisse de fréquentation qui s’explique par le vieillissement de la population des babys-boomers de plus en plus nombreux dans la tranche plus âgée de la population.

Mais ce sondage nous apprends également que 85% des Québécois revendiquent leur appartenance catholique et trois Québécois sur quatre affirment prier à l’occasion en privé (source la Presse 8 avril).

De toute éternité, l’Histoire nous enseigne que l’être humain a toujours tenté d’assouvir un besoin irrépressible de sacré et de symbolique qui n’est pas prêt de s’estomper. Souvenez-vous du succès de la chanson «Seigneur » de Kevin Parent. Avec la résurgence du folklore chez-nous, le succès d’une chanson comme « Dégénération » de la formation Mes Aïeux, la popularité du grandissante du conte et l’effritement de la mode des religions à la carte, il ne faudrait pas s’étonner d’un retour massif et fort probable des ouailles dans les églises du Québec. Les Curés devront alors un fier cierge pascal aux plus revendicateurs des représentants des communautés culturelles qui auront agit en éléments catalyseurs, en quelque sorte.

Et pendant ce temps, des jeunes québécois et canadiens continueront d’aller mourir en Afghanistan, ce pays reconnu pour être le plus grand fabricant d’opium au monde. Bonjour l’ironie.

5 commentaires:

Dianerythme a dit…

Tu sais Klod j'ai grandi dans cette incohérence par rapport a la religion, je t'épargne les détails mais disons seulement que j'ai décider de tout balancer et jai trouvé ma propre lumiere a moi... cette lumiere qui me permet uourd'hui de m'aimer et d'aimer les autres autour de moi... a bientot klod.,..xox

Anonyme a dit…

Il me semble, mais je me trompe peut-être, que le Québec a basardé un peu vite 2000 ans de traditions, de civilisation, d'histoire et de valeurs pas toutes si mauvaises que ça.

L'Église n'est pas qu'un repaire de pédophiles...

Elle n'aurait pas existé, nous ne serions sans doute pas là pour la rejeter...

claude andré a dit…

Et vlan, l'argument qui tue. Très fine observation Pascal, comme toujours.

Je ne dirai qu'une chose Diane, même si j'ai un peu l'air de prôner un retour du catholicisme, en fait je souhaite surtout une affirmation identitaire...: la religion est pour ceux qui ont peur de l'enfer. La spiritualité, pour ceux qui en reviennent.

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord avec toi, après l'enfer, la spiritialité, on ne peut faire autrement que voir les choses différement...

claude andré a dit…

N'est-ce pa Cricri. En plus, ce sont très souvent les religions qui mènent l'humain vers l'enfer....