mardi 25 septembre 2007

C'est beau un bum


En novembre 2000, je me demandais pourquoi certaines femmes préfèrent les bums. Voici la première version d'un reportage paru alors dans un magazine féminin. Les noms de certaines interlocutrices ont été changé à leur demande.

Toutes les femmes n’aiment pas pour les mecs en costard et attaché-case. Pour certaines, cuir, t-shirt et tatouages ont la cote. Pourquoi préfèrent-elles les bums?

Annie, 25 ans, a grandi dans un milieu petit-bourgeois. Fascinée par les romans, elle a fait des études universitaires en littérature. Puis un jour, elle a décidé de correspondre avec un détenu, puis un second. «J’étais obnubilée par l’attrait du danger. Au début, ils nous idéalisent comme ce n’est pas permis. On reçoit des lettres enflammées et souvent très poétiques. Et puis, il y a cet aspect sauvage qui est très attirant. Parce que, il faut bien l’admettre, les bons gars sont généralement «plates», ordinaires. Le fait de me retrouver avec ce grand bébé bardé de tatouages éveillait avec beaucoup de vigueur mes instincts maternels. Je dois admettre que c’était peut-être, également, en réaction avec le milieu bourgeois auquel j’appartenais. Mais, hélas, j’ai été la reine des naïves! Ces gars-là sont généralement très manipulateurs. Ils passent souvent leur journée à établir des stratagèmes pour nous mettre à l'épreuve. On leur envoie même beaucoup d’argent, tout en se dessinant un scénario sur la petite vie qui nous attend à la libération de l’amoureux. Laissez-moi vous dire que les choses ne se déroulent généralement pas comme prévu. Enfin, pas dans mon cas. Ils ont essayé de me contrôler. Ils m’épiaient. Bref, le bel amoureux ressemblait davantage au personnage incarné par Michel Rivard dans le téléroman Scoop qu’à James Dean dans la Fureur de vivre. »

André Grisé, un ex-taulard quinquagénaire confirme : « On leur écrivait des lettres et on envoyait nos photos, puis elles nous expédiaient de l’argent. » Il ajoute : « Je pourrais t’amener dans certains bars et, juste en annonçant le nombre d’années que j’ai fait en dedans et en exposant mes tatouages, je te garantis que c’est moi qui partirais avec des bonnes femmes. » Et pourquoi ces femmes, qui auraient pu rencontrer un homme dans un bar ou dans une agence de rencontres, correspondaient-elles avec vous? « Tu imagines ce qui ce passe dans la tête d’une femme qui rencontre un gars qui n’a pas baisé depuis 15 ans!»

Mario, son fils (!) 35 ans dont 15 en taule, renchérit : « C’est intéressant pour elles parce qu’elles ont le contrôle de la relation». Et elles sont physiquement intéressantes? « Généralement, se sont des femmes plutôt adipeuses. Pas des pétards, quoi ». Comme Annie, qui se décrit elle-même comme une fille belle « intérieurement ».

Bien sûr, le cas d’Annie est extrême. Il y a une nette démarcation entre le baroudeur de bar qui roule des mécaniques (de cuir) et le criminel. Les femmes attirées par les voyous sympathiques ne le sont pas nécessairement par les détenus. Mais il est effarant de constater à quel point ces derniers ont du succès auprès d’un certain type de femmes.

L’appel du loup

Qu’en est-il vraiment dans la vie de tous les jours? Pourquoi certaines femmes sont-elles systématiquement attirées par les mauvais garçons ? « Je pense que les femmes recherchent beaucoup le mâle alpha », avance la journaliste Marie-Anne Tardif. « Celui qui, à l’exemple des loups dans une meute, représente le chef de bande. D’ailleurs, c’est souvent le mâle alpha, chez les animaux, qui va se reproduire avec la plupart des femelles du groupe. Un bum ou un criminel, c’est souvent quelqu’un qui se fout des lois imposées par la société. Quelqu’un qui se pose au-dessus de tout cela. Ce genre de comportement peut être très attirant pour une femme. Parce que c’est une forme de pouvoir. Or, on sait que c’est souvent le pouvoir qui nous attire», poursuit celle qui a avoue avoir longtemps eu une préférence pour les anticonformistes, voire les délinquants. « J’ai déjà vécu une petite aventure avec un Roumain qui avait été mercenaire dans le passé. Il lui manquait des doigts et il avait la peau perforée de part et d’autre. Bref, un dur. C’était très excitant, parce qu’il me permettait d’affronter ma propre peur », se souvient-elle.

Délinquante refoulée?

Dans son livre La fille de son père (éd. Le jour), la psychanalyste américaine Linda Shierse Leonard attribue ce type d’attirance à une catégorie de femmes qu’elle qualifie de marginale; la puella. C’est-à-dire une femme dont le père serait en révolte contre la société, parce qu’il en serait devenu un objet de honte. Ainsi, lorsque cette jeune fille s’est identifiée à son père de façon positive, elle rejette alors la société qui a rejeté son paternel.

Pourtant, comme on l’a vu plus haut, certaines femmes peuvent très bien être attirées par des bagnards ou des bums, tout en ayant eu un père modèle. C’est le cas de Geneviève Bégin, cadre, ancienne conjointe et mère d’un enfant qu’elle a eu avec le parolier Roger Tabra (Lapointe, Bigras, Pelletier, Boulay, D’amour…), vieille canaille « gainsbourienne », s’il en est une. Enfant d’une famille nucléaire des plus traditionnelles, Geneviève a cherché à vivre sa propre délinquance. « Je ne m’en rendais pas compte d’emblée. Mais il s’est avéré que les gars avec lesquels j’ai vécu des histoires d’amour étaient des bums. Je pense que pour être attirée par ce genre de personnages, il faut être soi-même un peu délinquante », raconte Geneviève qui a essayé d’établir une relation stable durant un an avec un comptable pour, finalement, revenir auprès d’un loubard. Ce qui est souvent le cas, comme nous l'avons constaté au cours de ce reportage. « C’était un gars brillant. Rempli de belles valeurs, gentil et tout. Mais c’était tellement ennuyant que j’étais malheureuse comme les pierres.»

Édith Boulanger, une fille apparemment “ straight ” qui bossait jadis en informatique a fréquenté des membres du crime organisé. « L’attrait sexuel joue un rôle important. Faire l’amour à côté d’un magnum 357 est très excitant. Avec ces gars-là, il y a plus de chance qu’il y ait de l’action. Puis, quand on te raconte qu’un tel est mort et que la police t’a poursuivie au cours de la journée, ça te sort de ton train-train. Bref, c’est de l’entertaining », gloussait l’excentrique qui établi une distinction entre le membre de la mafia et le « looser qui boit sa bière à la maison».

Aux dernières nouvelles, Édith purgeait une peine de prison pour fraude.

Hélène Vadeboncoeur, pour sa part, avocate et ancienne compagne d’un écrivain aussi reconnu pour ses frasques, pense également qu’il faut d’abord être délinquante soi-même : «On vit par procuration notre propre délinquance, laquelle est beaucoup moins tolérée chez les femmes par la société. Il y a, bien sûr, le besoin d’aller chercher une forme d’interdit. La question sexuelle? Non. Je ne crois pas que les bums fassent l’amour de façon si différente. » Qu’ont-ils donc de plus que les autres alors, les bum?

Cruauté quand tu nous tiens…

Les lectrices du roman Les hommes cruels ne courent pas les rues, de Katherine Pancol et paru au Seuil, se souviendront de ce révélateur passage :

« Je n’ai jamais aimé que les hommes cruels, m’avait déclaré Louise Brooks. Les hommes gentils, c’est triste mais on ne les aime pas. On les aime beaucoup, mais sans plus. Vous connaissez une femme qui a perdu la tête pour un gentil garçon?

Moi non. Un homme cruel est léger, riche, infiniment mystérieux… Imprévisible. Il vous tient en haleine. Alors qu’on finit par en vouloir à un homme à qui on peut faire confiance… »

Hélas! les hommes cruels ne courent pas les rues. À l’instar de l’héroïne de Pancol, une pléthore de femmes ont éprouvé ou éprouvent le même genre de sentiment à l’égard des hommes. Et s’ il y a toujours eu des femmes qui, à l’instar de Diane Dufresne à une certaine époque, «trippent sur les gars d’bécyks » la culture mâle a été marquée au fer rouge de l’ignominie durant de longues décennies. Elle semble recouvrer un certain lustre depuis quelque temps. Même lorsqu’elle est poussée à son paroxysme, comme on le voit dans des films tel que Fight Club, dans lequel on montre des hommes qui, sous la houlette du personnage incarné par Brad Pitt, retrouvent leur virilité à s’adonnant à une thérapie de bastonnade. Idem dans long métrage Magnolia, où le personnage interprété par Tom Cruise offre des ateliers très virils au cours desquels les hommes renouent avec leur testostérone et leur instinct grégaire. La culture mâle à la cote. Et que dire de ce récent engouement pour les tatouages ou pour les sports de combat, notamment la boxe. Même la frêle et végétarienne Julie Snyder affichait son plus beau sourire à l’occasion de certains galas. Sans compter les succès de chanteurs comme Éric Lapointe, Johnny Halliday ou de l’humoriste Patrick Huard qui, chacun à leur façon, incarnent une certaine idée de la masculinité. Chez les gays, le boy toy, (culte du corps et des muscles) symbolise désormais davantage cette forme de sexualité que le travelo ou la fofolle dans l’imaginaire populaire.

Il y a quelques années, les hommes étaient complètement déboussolés lorsque venait le moment d’aborder une femme dans un quelconque endroit. Souvent, ils courbaient le dos et se tenaient coi, histoire de ne pas se voir rejeter du revers de la main ou même d’être humilié. Ce qui est peut-être encore un peu le cas. Les chanteurs européens que j’ai eu le privilège d’interviewer, notamment Jean-Louis Murat, remarquent tous comme les femmes d’ici ont le port altier, en comparaison aux hommes qui ressemblent parfois à des eunuques. Mais les choses sont peut-être en train de changer avec ce parfum de Zeus qui plane dans l’air du temps.

« C’est très rassurant pour une femme de se retrouver avec un macho. Dans le sens qu’elles se sentent véritablement désirées », explique le psychanalyste Guy Corno.

Ainsi, l’auteure, ex-ministre et féministe Lise Payette n’avait peut-être pas tort lorsqu’elle affirmait que les femmes veulent un homme rose le jour et un macho la nuit. Mais voilà, pour un certain type de femmes, les nuits semblent plus belles que leurs jours.

3 commentaires:

Dianerythme a dit…

Moi je sais exactement quel genre d'homme je désire et c'est avec le temps, avec le cheminement que j'ai fais pour moi dans ma vie que j'arrive aujourd'hui à la conclusion que....(roulement de tambour içi..ihihiii) je suis une FEMME et que j'aime les HOMMES, je m'expliques, j'ai pris le temps de trouver cette femme en moi, de l'aimer, de la trouver belle, etc.. donc je n'attend pas de l'extérieur un père qui remplira ce manque (complexe d'oedipe), je suis donc attiré par un HOMME qui aime etre un HOMME et qui s'assume comme un homme (encore faut-il qu'il est lui aussi cheminé pour arriver à comme moi ne pas chercher à travers l'être aimé la reconnaissance que l'on a manqué!)... Donc en conclusion Voilà mon message dans les petites annonces classées :"FEMME qui est femme cherche HOMME qui est homme, me rejoindre au 514 694-????....."HIHiiii... merci Claude, j'ai adoré ce billet! ;)

Anonyme a dit…

Faudrait dire ça à la police et aux juges qui te foutent en cabane seulement parce que tu as osé lever le ton à la maison devant mâdâme! Parle-t-on ici de la réalité ou d'un abus de pouvoir ?

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je corresponds depuis un an avec un détenu de centrale non dangereux, qui aime les femmes. Etant mariée, je l'ai tout de suite mis au courant de mes intentions qui étaient simplement de l'aider à se réinsérer. Comme il est conditionnable, il m'a fait faire un travail de recherche sans limite, alternant tour à tour compliments et langage de "vache espagnole"(c'est son expression). Aujourd'hui je suis déboussolée car il a trouvé une femme qui veut bien le reprendre à sa sortie (date indéterminée)et depuis (et toujours en fait), j'ai vraiment le sentiment qu'il se sert de moi. Heureusement, je ne lui ai jamais donné d'argent mais uniquement des infos et des conseils. Il ne me lâche pas alors qu'il semble avoir une nouvelle conquête car sont but avant tout est de "coucher". Je crois même que c'est son seul opbjectif. Il est vrai qu'au bout de 7 ans sans femme, je ne saurais lui en vouloir mais j'aimerais que cette dame qu'il attend à l'UVF dès l'accord sur le permis de visite prenne entièrement le "problème" et que je n'intervienne plus. Comment lui faire comprendre, j'aurais peut-être des représailles et je tiens à vivre tranquille (60 ans, retraitée). Merci de me répondre sur mon blog tout nouveau (http://correspondreavecundetenu.blogspot.com).Amicalement
Sissi