mercredi 23 juillet 2008

Pierre Lapointe : Le mutant éclairé


Le mutant éclairé

Avec Mutantès, l’avant-gardiste Pierre Lapointe s’entoure d’un florilège de créateurs éclairés histoire de repousser encore sa démarche artistique.

Claude André

Dans une mise en scène de Claude Poissant sous la direction musicale de Philippe Brault, sans compter la scénographie de Geneviève Lizotte et les éclairages de Martin Labrecque, le prince de la pop se retrouve à nouveau où on ne l’attendait pas et fait encore preuve d’audace en interprétant cette fois que des chansons inédites, une vingtaine, huit mois avant leur publication.

Il est vrai que depuis le début de sa carrière, ce féru d’art contemporain tente de marier à la fois la création iconoclaste à une pop accessible bien que relevée.

Lorsqu’on le voit apparaître sur la terrasse en hauteur d’un hôtel, c’est la monture blanche de ses lunettes, qui lui donne un air vaguement intergalactique, mêlée à son aura de vedette qui frappent d’emblée. Pas de doute, il s’agit du type qui, l’an dernier, en recevant un Félix pour le spectacle de l’année, a remercié son précurseur Diane Dufresne. Le même qui, en 2005, a balancé un retentissant «merde, réveillez-vous !» aux bonzes de l’industrie qui vient à la rencontre du journaliste. Pendant que je me remémore le grand efflanqué qui semblait manquer de confiance en lui il y a quelques années en entrevue mais qui étonnait déjà par son érudition. Alors ce show ? «Je réalise mon vieux rêve de faire du théâtre, chose que je n’ai jamais faite, tout en faisant de la chanson non conventionnelle. Il y aura, un peu en clin d’œil à un symbole théâtral, un grand cœur composé de douze comédiens-danseurs-chanteurs en plus d’un band rock de 7 musiciens. Ça demeurera du rock assez esthète à la Bowie. Je demeure un gars qui dégage quelque chose d’assez froid et intello», soulève Lapointe au sujet de cette méga production non filmée de l’envergure d’un opéra dans laquelle nous le découvrirons dans la peau d’un mutant.

Marquer son époque ?

À l’écouter causer de Mutantès, qui incorporera des costumes signés Marie-Chantal Vaillancourt conceptrice pour Robert Lepage, on pense illico à Starmania. Lapointe espère-t-il aussi marquer son époque ? «Je ne suis pas certain que c’est avec ce show là que je vais marquer mon époque. Bien que j’aimerais qu’il passe à l’histoire (rires). Chose certaine, il s’agit d’une expérimentation à grand déploiement. Mais ce n’est pas une comédie musicale. En fait, je cherche une nouvelle forme pour présenter des chansons tout en sortant complètement des clichés», s’enthousiasme celui qui ajoute que bien qu’il y aura un fil conducteur on ne saura pas trop de quoi il s’agit.

À la manière de certains de ses textes d’ailleurs. On reconnait, encore là, la démarche singulière d’un créateur qui promet d’ores et déjà de repousser à chaque événement les limites de sa démarche de chanteur pop pour arriver un jour à proposer quelque chose qu’il qualifiera alors lui-même d’avant-gardiste. En attendant, que pense –t-il de tous ces gens qui crient au scandale lorsque des musées se procurent certaines œuvres à grands coûts ? «Il y a un discours un peu primaire autour de cela. Quelqu’un qui passe sa vie à réfléchir sur un mode d’expression personnelle, on parle de Molinari qui utilisait des équations mathématiques pour ses lignes de couleurs, fait preuve d’une maturité et d’une démarche qui ne se conteste pas. Je suis chanceux, parce j’ai une petite aura de «vedette» qui me permet de faire n’importe quasi n’importe quoi et ça va passer. Or, de nombreux artiste en arts visuels utilisent une démarche beaucoup plus valable et poussée que ce que je peux faire. Malgré cela, ils seront toujours obligés des sa battre pour justifier qu’une photographie grande comme la table se vende $ 50 000. Je pense à Richard Martineau qui a un jour pris un plaisir fou à blasté les expos qu’il avait vu en disant que l’art était inutile et ridicule. Ben, continue à pas réfléchir et reste dans ton trou.» Et nous, on applaudira le mutant éclairé…

Jeudi 31 juillet et vendredi 1 er août à 20h
Samedi 2 août à 18h00 et à 21h30
Wilfrid-Pelletier, PdA

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