jeudi 25 février 2010

Benjamin Biolay : La Superbe



Le premier titre de ce dyptique, La Superbe, nous annonce les débuts d’une liaison amoureuse qui, c’est écrit dans le brouillard, dérapera assurément.

Et déjà, sans crier gare, on plonge dans ce film sonore comme dans une histoire d’amour dont on sait d’avance qu’on n’en sortira pas indemne. C’est le prix de la beauté, on sait, mais bon, y'a qu’une vie et elle est courte….

Le climax est lourd et humide comme un ciel de juin mais beau comme le crépuscule rosâtre d’août grâce à des accords de claviers bien sentis sur des envolées de sax qui confèrent un aspect cinoche grandiloquent à l’ensemble de l’œuvre.

Mais, savant dosage, la pop ornée de cordes de cet admirateur de Debussy ne dérape jamais dans la surenchère de glucose et s’esquive élégamment du côté slam, rap, rock et électro.

Très sollicité pour ses dons d’arrangeur par le gotha de la chanson française populaire (Keren Ann, Isabelle Boulay, Françoise Hardy, Coralie Clément, Carla Bruni, Chiara Mastroianni, Elodie Frégé, Henri Salvador, Julien Clerc....) le dandy sombre nous a déjà démontré dans le passé qu’il possède également une langue pas piquée des vers.

On songe évidement à Gainsbourg dont il est le digne héritier certes, mais aussi, sur le plan musical, à Bashung et Murat quand ce n’est pas, car il oscille entre anciens et modernes sur le plan référentiel, aux Beatles, aux Smith ou à New Order.

Sans sombrer dans le sentimentalisme nunuche d’une certaine variété, Biolay nous parle, entre deux lampées d’alcools et trois taffes baudelairiennes, des soubresauts amoureux qui font tanguer entre l’exaltation charnelle quasi mystique et l’envie de se faire indiquer la sortie.

Et, on ne peut s’empêcher de revisionner le film de nos propres ecchymoses amoureuses, une arme au coin du cœur. Il faut entendre le superbe duo, dialogue de sourds autour de la déliquescence du couple via des post-it sur le frigo avec Jeanne Cherhall, sur Brant Rhapsody. Ou encore ce qu’il raconte à sa gamine dans la sublime Ton Héritage.

On le dit condescendant, prétentieux, hautain.... Qu'importe ce ne sont que vains quiproquos de lendemains de cuites.

Car au dela de tout, ce qui compte vraiment, c'est que ce type qui cause avec ses tripes d’écorché éthylique magnifie la douleur et traine sa superbe comme d’autres un spleen magnifique.

**** 1/2


7 commentaires:

Anne Campagna a dit…

''Car au dela de tout, ce qui compte vraiment, c'est que ce type qui cause avec ses tripes d’écorché éthylique magnifie la douleur et traine sa superbe comme d’autres un spleen magnifique.''
c'est une très belle phrase ça Claude!

anne campagna a dit…

wow c'est super intense, j'aime ça beaucoup, ça me rejoint. merci pour ce magnifique morceau d'art.

claude andré a dit…

Merci Anne,

C'est toujours agréable d'apprendre que le temps consacré à ce petit blogue n'est pas si vain, finalement ;-)

anne campagna a dit…

Lettre à ma mère: ''oh mammy blue''
Oh mammy blues, comme je t'aimais madame Corriveau
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Anne Campagna le 2 Mars 2010


Tu es partie jeudi. Losque j'ai reçu l'appel de ma soeur pour me dire que tu avais succombé à un arrêt cardiaque, j'ai lancé le téléphone sur le mur de rage. Je n'avais pas réussi à te sauver Maman, malgré tous mes efforts. Omar, mon marocain que tu aimais beaucoup, à qui tu avais donné du chocolat a la st-valentin, est venu avec moi en taxi d'urgence vers toi, mais déjà, tu n'étais plus là. J'aurais donné n'importe quoi, n'importe quoi pour te ramener à la vie. Je me suis couchée sur ton lit de mort, et une dernière fois, je t'ai serrée dans mes bras. J'ai senti ton amour pour moi au delà de ton visage devenu tout blanc.


Nous, tes trois enfants, nous avons tout fait pour te retenir, nous étions fous d'amour pour toi Madame Corriveau, et malgré la maladie qui te rongeait, tu en avais trop vu, trop vécu maman. J'ai été témoin de tant de tes histoires. Madame Corriveau, ne cessais-tu de répéter à la fin, n'étant plus capable de ne dire que cela, et c'était déjà beaucoup, car ton identité avec été tellement atteinte.

Alors que la maladie d'Alzheimer avait fait son chemin dans ton cerveau, je m'amusais a te dire que c'était un juif d'Europe de l'est, M. Alzheimer, Al de son petit nom, que je rajoutais, qui t'avais rencontré, monsieur Zheimer qui ne voulait plus se séparer de toi tellement il t'aimait, car il savait que tu comprenais sa souffrance et tu riais de mes farces un peu stupides. En vrai démocrate, tu respectais et voulais aider et sauver tout le monde, les noirs, les juifs, les amérindiens, les palestiniens, les italiens, sans oublier les irlandais! enfin tous ceux qui avaient eu ou qui avaient encore des difficultés à percer en Amérique. Le président est noir aujourd'hui maman, et oui, comme Martin Luther King, qui avait un rêve lui aussi.

Je t'ai tellement aimé maman, je t'ai aimé au delà de moi-même tu m'as fait prendre des risques, mais je ne t'en veux pas, j'aurais fait n'importe quoi pour te sauver. A nous, a tes enfants, tu nous a montré le chemin droit, celui que ta famille avait suivi. ''Ma famille a construit des maisons près des Kennedy Anne, tu dois être fière de nous.' Tu nous montrais leurs grosses maisons lorsque tu nous emmenais à Cape Cod, et nous étions tous impressionnés maman. Teddy tu disais, Joe et Jackie, comme bien des américains, tu les idéalisais trop, et puis il y avait Bill, qui lui aussi avait toute ton admiration, sans oublier Hillary.

Tu nous habillais comme des enfants de la côte est américaine, vestons bleus marins avec un écusson Ralph Lauren, d'ailleurs tu aimais nous habiller de Ralph Lauren, ton designer préféré, des pieds à la tête, et tu nous payais des collèges privés trop sévères, des cours d'équitation avec un ancien général d'armée polonaise qui répétait toujours de se tenir droit sur son cheval. Quand tu m'as envoyé en Angleterre pour apprendre les bonnes manières, je suis revenue en pleurant tellement j'haissais l'Angleterre.

Je me souviens de tout ce que tu nous a donné.

anne campagna a dit…

j'ai envoyé mon texte lettre a ma mère parce que moi aussi comme dans le vidéo j'ai eu l'impression de danser avec une femme qui ne tenait a la vie que par un fil....

Anonyme a dit…

Très touchant Anne. Merci du partage.

anne campagna a dit…

Anne Campagna

Ma mère aurait rêvé d'être écrivain, elle a été professeur. Ecrivain c'était parler beaucoup, et il y avait des secrets dont elle gardait la clé de voute, pour ceux qui veulent voir le vidéo d'elle réalisé par mon frère Patrice Campagna, professeur.
Bonjour à vous tous,
Si vous voulez seulement le voir mais sans le télécharger, vous pouvez aller sur le lien suivant.


http://www.tagtele.com/profil/campagnapat/?v=52970&vc=&vp=1