samedi 21 avril 2012

L'exil selon Gabriel Anctil


Choisir l’exil

Passionné de  Kerouac et marqué par l’œuvre de Michel Tremblay et sa petite musique joualisante, l’auteur Gabriel Anctil fait, avec son premier roman Sur la 132, une entrée tonitruante dans notre paysage littéraire.
  
Votre personnage Théo, avant de partir à Trois-Pistoles, évolue dans le milieu de la pub. Peut-on établir un lien avec 99 Francs de Beigbeder ?
Je ne l’ai pas lu et Beigbeder ne figure pas parmi mes auteurs préférés. La publicité ? Je ne pense pas que cela apporte beaucoup de choses positives. Si j’ai voulu situer mon personnage dans ce milieu, c’est qu’avec son ancrage dans la superficialité et l’image, il me semblait le plus opposé à la région.

La thèse de votre roman est donc la quête de soi, la quête du sens ?
Oui, Théo n’a jamais été plus loin que la ville de Québec. Il a vécu, après l’université, dans une bulle hermétique avec des gens qui pensent et vivent comme lui. Ce qui fait en sorte qu’il ressent tout un clash culturel lorsqu’il  arrive en région mais sa quête le poussera à s’ouvrir aux autres dont quelques babys boomers.

Contrairement au discours ambiant (Martineau, Buck-Côté, Duhaime) vous êtes, à 32 ans, fasciné par les boomers et semblez vouloir en quelque sorte les réhabiliter…
Je me suis réconcilié avec eux en écrivant le roman. Ma conception du Québec ne s’articule pas autour de l’idée d’une guerre entre les générations mais plutôt dans esprit de continuité. Je crois, contrairement à ceux que vous venez de nommer, que chaque génération doit nourrir la suivante. Je suis aussi fasciné par les boomers car ils ont évolué dans un contexte qui est difficile à imaginer aujourd’hui. Ils avaient un peu plus de 30 ans en 1976 lorsque le Parti Québécois est arrivé au pouvoir. Collectivement, ils ont vraiment essayé beaucoup de choses et sur le plan culturel, ça demeure la génération qui a été la plus forte au Québec.

Vous pensez pas que cette génération a fait un gros party et que c’est la suivante, la X, qui a eu la gueule bois ?
(Rires) Oui, vous en avez vraiment plus bavé que nous. Dans le milieu du travail il est vrai qu’ils ont occupé tous les postes mais je les vois partir depuis deux ou trois ans. Mon personnage, qui ne connaît rien du Québec, rencontre Clermont, un vieux militant boomer qui l’invite à regarder les élections et l’éveille à la politique.

Votre intention d’auteur était-elle de secouer votre génération ? La trouvez vous aphasique à l’égard de la politique ?
Oui, mais ma réflexion a changé depuis quelques semaines avec le mouvement étudiant. Avant cela, j’étais plutôt découragé par le faible pourcentage de gens de ma génération qui se rendent voter. Mais les plus jeunes sont en train de prouver à tout le monde que ce n’est pas une génération d’égoïstes, qu’ils sont très articulés et pourvus d’une vision d’avenir. Cela me rempli d’espoir.

Comme votre personnage, vous avez vécu en région. Votre souvenir le plus marquant ?
À Trois-Pistoles presque chaque coin de rue est associé à une légende. Ça m’a profondément marqué. La ville existe depuis 350 ans et avant on y retrouvait des Amérindiens. Il y a tout un imaginaire qui entoure cette  région. L’église par exemple est associée à une légende que j’ai reproduite, en l’adaptant, dans mon roman. Sans parler du paysage qui est vraiment extraordinaire.

Sur la 132 est disponible en librairies



Gabriel Anctil est né en 1979 à Montréal. Sur la 132 est le premier roman qu’il publie mais il en a écrit d’autres. Il a publié des textes sur Kerouac dans Le Devoir et bosse à Télé-Québec où il est chargé des achats de films présentés dans le cadre de Ciné-cadeau.

mercredi 18 avril 2012

Lettre à la CLASSE

Lettre à la CLASSE

La situation est tendue tel un fil sur le point de casser.

Après plus de deux mois de manifestations historiques, de répression et, plus récemment, un processus de judiciarisation du conflit, la ministre Beauchamp semble reculer. La muraille entêtée du gouvernement Charest se fissure. Cette brèche est suffisante pour faire pénétrer la lumière dans le débat.

Mais voulant sans doute sauver la face du gouvernement, et ce qui reste de dignité au premier ministre Charest, celle qui commence probablement à paniquer sous la pression des multiples bavures policières et les échecs de la job de bras digne de l’époque de Duplessis, lance aujourd’hui un ultimatum : « condamner les violences et y renoncer afin de faire avancer les choses ». 

Je comprends que vous ne souhaitiez pas participer, voire vous abaisser, à cette logique paternaliste qui va à l’encontre des principes même de la démocratie directe. Je comprends très bien que vous ne souhaitiez pas adhérerà cette façon de penser selon laquelle un porte-parole, confondu avec un chef, devrait dénoncer des gestes isolés qui, dans certains cas, n’ont peut-être rien à voir avec le mouvement qu’il représente.

Je comprends qu’en refusant de vous prononcer à ce sujet vous refusez un amalgame qui a sans doute pour objectif de vous discréditer auprès de la population.

Mais le récent (et ignoble) débat auquel le porte-parole de la CLASSE a participé face au chroniqueur Christian Dufour, inutilement provocateur et sincèrement obtus à l’émission de Denis Lévesque sur les ondes de LCN,  démontre que même un professeur comme M. Dufour ne semble pas comprendre la culture de la démocratie directe.

Même lui, habitué à la chose politique, ne parvient pas, et je ne doute pas de sa sincérité, à comprendre votre refus d’adhérer à la politique spectacle et à la personnalisation des enjeux politiques.

Le culte de la personnalité ambiant jumelé à un hyperindividualisme devenu culturel les empêche, lui comme Martineau et de nombreuses personnes hostiles au mouvement étudiant, de comprendre une autre logique que celle qui est devenue la leur.

Voilà pourquoi je ne saurais trop vous suggérer de tenter une autre approche que celle de la confrontation des idées et d’obtenir auprès de vos adhérents le mandat de formuler une déclaration qui irait dans ce sens :

« Nous condamnons la violence utilisée par certains de nos membres, ainsi que la brutalité policière qui a été déployée depuis le début des manifestations. »

Cette déclaration qui aurait pour effet de permettre au gouvernement Charest de sauver la face auprès de la population, ce qui le rendrait plus disposé à négocier, pourrait du même souffle lui jeter à la figure sa propre responsabilité quant à l’escalade de la violence.

De plus, elle lierait les mains de la ministre Beauchamp qui ne pourrait plus se réfugier derrière un écran de fumée pour refuser de vous inviter à la table des négociations, tout en permettant à la CLASSE de faire preuve d’une certaine envergure.

Cette envergure que la population attend encore d’un homme d’État, c’est de vous qu’elle viendrait.

Chose qui, en plus d’être noble, s’avérerait positive pour le rayonnement de votre cause auprès de l’opinion publique.

Merci de votre attention,

Cordialement.

Claude André

mardi 17 avril 2012

Hollywood et la politique : se divertir sans s'abrutir


Hollywood en plywood

Certains ne s’en vantent pas dans les salons, mais la plupart des gens adorent savourer des films hollywoodiens. Dans son captivant essai Hollywood et la politique, paru chez Écosociété, Claude Vaillancourt nous invite à ne pas bouder notre plaisir tout en demeurant attentifs aux messages qui y sont véhiculés.

Votre livre est-il une charge contre le cinéma d’Hollywood?
Non, au contraire. L’objectif est de contribuer à ce que les gens comprennent mieux ce qu’ils voient car de nombreux messages sont transmis par le cinéma hollywoodien. Il s’agit d’un contexte assez particulier où les investissements sont très élevés et où nombre de personnes interviennent dans le processus de production. Dans ce contexte, est-ce que les réalisateurs peuvent vraiment transmettre des idées qui leur sont personnelles ou qui vont à l’encontre des intérêts de ceux qui financent ces films? Un contrôle est-il exercé et, si oui, dans quelle mesure?

Et la réponse est…
Il subsiste un contrôle qui est assez grand mais les gens peuvent y échapper car, malgré tout, on y retrouve une certaine liberté d’expression.

Vous dites qu’Hollywood souffre, en ce moment, d’un grave manque d’imagination. Quel serait l’âge d’or?
Je reproduisais un propos que l’on entend souvent, dont celui du célèbre critique Roger Ebert. Si on analyse les années 40-50, on se rend compte qu’il y a eu beaucoup de bons films à cette époque, dont ceux de Frank Capra. On y retrouvait une grande richesse dans les dialogues, qui s’est transformée avec le temps en scènes d’action. Chaque année, de bons films sont réalisés. Par exemple, en 2011, The Descendants avec George Clooney est un exemple assez intéressant de film qui pose de bonnes questions. L’idée de mon livre m’est venue pendant les années Bush durant lesquelles la presse était soumise aux dépêches et aux communiqués qu’émettait son gouvernement. Or, le cinéma américain a connu une excellente période à ce moment-là. Je pense à des films contestataires, comme Lord of War, Syriana ou Munich (Steven Spielberg).

Parlant de Spielberg, que pensez-vous du discours selon lequel le cinéma hollywoodien serait contrôlé par des Juifs qui s’en serviraient comme d’un instrument de propagande?
Je n’embarque pas là-dedans. Les studios appartiennent à des empires financiers qui sont plus grands qu’eux-mêmes et ces empires viennent de partout. Il y a Sony, qui appartient à des Japonais, l’Australien Murdoch est propriétaire d’un studio, il y a aussi General Electric qui en possède… C’est une sorte de grande sphère financière. Certains, comme Hervé Kempf, ont parlé d’une oligarchie mais j’ai ne crois pas à une oligarchie dominée par une ethnie particulière. Cela dit, aux yeux des républicains, Hollywood est un nid de démocrates et c’est pour cela qu’ils s’y attaquent souvent.


Claude Vaillancourt est romancier, essayiste, conférencier, musicien, professeur de littérature, militant altermondialiste et cinéphile. Membre du comité de coordination de la revue À bâbord, il a écrit Mainmise sur les services et les romans Les années de bataille et L’inconnue. Son dernier ouvrage, Hollywood et la politique, est actuellement en librairie.

«The Descendants avec George Clooney, un exemple assez intéressant de film qui pose de bonnes questions», selon l'auteur Claude Vaillancourt.

lundi 16 avril 2012

Le western urbain de Marie-Hélène Poitras

Western urbain

Fana des films de Sergio Leone et de polars, l’auteure et journaliste Marie Hélène Poitras nous livre un western-spaghetti nappé de 
« montréalités » avec son roman Griffintown. Une oeuvre qui sublime ces marginaux, souvent poqués, qui conduisent des calèches. À lire avec du Ennio Morricone en musique de fond.


Vous avez choisi d’écrire un western urbain…
Je laisse les gens décider si c’est vraiment un western ou non. Mais je le suggère d’autant plus que j’ai eu vraiment du plaisir à jouer avec les clichés qui s’y rattachent. Je ne parle pas des westerns traditionnels construits de façon manichéenne, mais bien des westerns-spaghettis avec leur côté série B, leur aspect lyrique et leurs trames musicales. Mon défi était de trouver une façon de faire passer ces effets sonores dans l’écriture. C’est d’ailleurs pour cela que j’emploie un style assez sensible et que la prise en charge de la narration frôle la forme poétique. Pour la conclusion du livre, j’avais la volonté de créer quelque chose qui pourrait rappeler la célèbre scène finale du film Le bon, la brute et le truand, lorsque le gars se sauve à cheval avec la musique qui embarque sur l’image.

Vous dites que les cochers sont des gens qui construisent leur légende. Pourrait-on dire que ce sont aussi des poqués qui se font du cinéma?
Oui, c’est cela. Ce sont tous des conteurs nés. C’est ainsi qu’ils gagnent leur vie. Plus leur tour de calèche est captivant, davantage ils touchent en pourboire. En les côtoyant, j’ai découvert que ces gens colorés ont souvent un passé assez rough qu’ils essaient d’oublier. Un cocher raconte toujours sa légende, celle qu’il a peaufinée. Or, lorsqu’il n’est pas présent, les autres cochers proposent une autre histoire sur ce même cocher. En passant pas mal de temps avec eux, on finit par connaître la vérité qui est toujours fascinante. Par exemple, lorsque nous attendions les touristes, il m’arrivait de les observer, de les écouter et j’avais l’impression d’être dans une pièce de théâtre où il n’y aurait jamais de temps morts.

Vous révélez que les cochers sont détestés des résidents du Vieux-Montréal.
Ce sont des gens assez fortunés qui achètent des condos de luxe. Pour eux, de voir un gars à l’allure un peu louche qui n’a pas bien nettoyé son emplacement en partant et en y laissant l’odeur du cheval, c’est dérangeant. Vous savez, le fouet dont sont munis les cochers n’est pas destiné aux chevaux. On me l’a dit assez tôt. Une fois, alors qu’un conducteur me mettait de la pression pour me dépasser dans une petite rue où cela n’était pas possible, j’ai arrêté mon cheval et je suis descendue de ma calèche avec mon fouet pour lui en administrer un coup retentissant sur le capot de sa voiture! Et je lui ai dit : « Si t’es pressé, ne passe pas par les petites rues du Vieux. » Je suis ensuite remontée sur ma calèche avant de repartir très lentement.

Marie Hélène, si je vous invitais à savourer un bon steak de cheval…
(Rires). Jamais de la vie. Je ne mange même pas de poisson ni de fruit de mer, alors encore moins du cheval!






Née en 1975, Marie Hélène Poitras est critique musicale à l’hebdomadaire Voir. Elle a publié Soudain le Minotaure, en 2002, qui lui a valu le prix Anne-Hébert, et La mort de Mignonne et autres histoires, en 2005, qui fut finaliste au Prix des libraires du Québec. Marie Hélène est également éditrice à la Zone d’écriture de Radio-Canada.

lundi 9 avril 2012

Le Grand Martineau

Caricature signée Yvon Roy dont on peut consulter le site en cliquant ici
Le pire c'est que c'est gars-là, Martineau, il est dans la «vraie vie» ultra sympathique.

Bestiaire


Un zoo la vie

Avec Bestiaire, son dernier long métrage dépourvu d’histoire et de dialogue, Denis Côté propose une œuvre de  formalisme pur qui, venant d’un autre cinéaste, passerait peut-être inaperçue mais qui s’inscrit à merveille dans la démarche qui est la sienne. Certains crieront au génie, d’autres au scandale. Une chose demeure certaine, le petit prince tatoué du cinéma d’avant-garde ne laissera, encore une fois, personne indifférent. Rencontre.

Sur l’affiche, on peut lire «Productions Métafilms». Comme dans supérieur ou au-delà. Est-ce que  
Bestiaire est un méta film ?
Contrairement à la plupart des gens dans le cinéma québécois qui disent que ça prend une bonne histoire, la narration n’est pas la chose qui m’intéresse le plus. Est-ce que je suis en réaction à quelque chose ? Peut-être. Je ne veux pas utiliser le mot provocation, cela m’a apporté des problèmes. Mes films ne cherchent pas à provoquer mais ils réagissent.  Les États nordiques réagissait à ma job de critique qui devait couvrir des films en pleine période de politique de performance. J’ai toujours une impulsion un peu juvénile qui consiste à réagir à mon film précédent, à ce qui se fait au Québec et dans le cinéma en général.

D’où est venue l’idée de Bestiaire ?
La direction du Parc safari, rencontrée pour la scène de lion dans Curling, m’a invité à revenir tourner à ma guise. Je me suis dit : «on y fera quoi ? » Je ne suis pas un amoureux des animaux, je ne fais pas des films de sujets, je n’ai pas d’agenda social particulier, je ne fais pas de films de causes et je n’essaie pas de vendre quelque chose.
Mais je suis obsédé par les éléments constitutifs du cinéma comme le montage et le son. Puisque je ne voulais pas faire un documentaire sur un zoo et que je n’avais pas d’argent pour une fiction, je me suis demandé : qu’est-ce qui reste ?

Et alors ?
Généralement, lorsque l’on tourne un animal c’est pour nous faire rigoler sur Youtube ou par anthropomorphisme. Mais un animal, ça ne s’ennuie pas et ça ne possède que 7 ou 8 secondes de mémoire. Ma question était de départ était donc : peut-on filmer un organisme vivant de façon à la fois esthétique et frontale ? Contrairement à ceux qui avancent que je ne fais des films que pour moi-même, la pire insulte, Bestiaire est le film absolu pour le public parce que les gens sont obligés d’y projeter leur propre personnalité et leur vie personnelle en le regardant.

Ce film ne brosse –t—il pas quand même un parallèle avec l’univers carcéral ?
L’avocat du zoo m’a posé la même question. J’ai répondu : «Monsieur, on a pas d’argent, nos sommes que trois munis d’une caméra vidéo et on filme vos enclos pendant l’hiver !». C’est un film qui vise l’objectivité la plus totale mais les gens veulent me prêter des intentions. J’avoue que le son, retravaillé, est assez dur mais il ne visait pas à choquer. Je pense que, puisque nous ne sommes pas particulièrement amoureux des animaux, c’est devenu extrêmement froid, neutre et clinique. Je ne peux pas te dire si tu as raison ou non quant à l’univers carcéral sauf que ce n’était pas mon impulsion.  Fin de l’intellectualisation car on pourrait le faire pendant des heures avec ce film faussement naïf. Mais quand tu me dis, « on voit ce que l’on veut bien y voir, tu me fais un très beau compliment.»

Bestiaire, de mon ancien collègue du Ici Denis Côté, est présentement en salles.





Bestiaire, le 6ième long-métrage de Denis Côté, a eu sa première mondiale au prestigieux festival Sundance, était le film d’ouverture de  la 30ième édition des Rendez-vous du cinéma québécois et comptait parmi la sélection de la 62ième Berlinale qui a eu lieu cette année.

mercredi 4 avril 2012

Amadou, Mariam et... Bertrand Cantat !


Black Soul

Savant dosage entre modernité et tradition, Folila, le nouveau chapitre surtout anglophone d’Amadou & Mariam, est aussi celui des rencontres. Parmi les invités : Santigold, deux membres de TV on the Radio, le rappeur de Brooklyn Theophilus London, Ebony Bone ainsi que… Bertrand Cantat qui se retrouve sur 10 des 13 titres. Discussion avec Amadou Bagayoko

Claude André

Votre de nouvel album distille autant des ambiances d’instruments traditionnels (cora, ngoni, balafon) que des rythmes urbains puisés dans le hip hop. Le concept était-il d’établir un pont entre la tradition et la modernité ?
Oui, nous l’avons réalisé à New York, Bamako et Paris. Au départ, nous voulions faire, avec les mêmes chansons, un album purement traditionnel et un album moderne. Mais finalement nous avons réuni le tout pour en faire un seul.

Bertrand Cantat est très présent sur cet album. Vous avez sans doute discuté de tout ce que cela impliquait avec Mariam ?
Nous n’avons pas eu personnellement de discussions par rapport à ses problèmes. Ce sont des convictions personnelles qui nous ont guidés. Lorsque nous l’avons rencontré à Bordeaux, nous avons trouvé qu’il est quelqu’un de très généreux, de très sympa et de très ouvert au point de vue musical, c’est tout. On a beaucoup parlé de musique et après on l’a invité pour aller au Mali. Il est venu et il y a passé une dizaine de jours.

Vous savez néanmoins que vous aurez à défendre ce choix. Il y a une prise de position philosophique dans votre geste, non ?
Effectivement, ce qui peut être compris c’est que l’individu doit toujours donner une chance aux autres de se racheter. C’est surtout ça.

L’idée du pardon, du lâcher prise, c’est le discours qu’Amadou & Mariam a toujours véhiculé.  SurOh Amadou, vous dites : «tu n’as pas le choix, c’est plus fort que toi, tu dois plié».
Oui, c’est le message que nous avons toujours tenté de véhiculer.  Avant même de rencontrer Bertand nous avions cette chanson-là. Ce n’est pas parce qu’il était là qu’on l’a chanté même si ça peut coller avec son histoire.

Parmi les rencontres que l’on retrouve sur Folila, il y a donc celle avec le rap. Une musique que vous aimez particulièrement Amadou ou étais-ce simplement pour illustrer l’urbanité inhérente au concept de l’album ? 
On n’a pas la même manière d’exprimer les messages et le rap est un bon véhicule. En tant que musique, on aime bien le hip hop et ça nous fait vraiment plaisir de voir les styles se rencontrer. Vous savez, il y a un de nos garçons qui fait du rap.

Vous écrivez la plupart des textes de vos chansons. Où puisez-vous cotre inspiration Amadou, la spiritualité ?
Dans la quotidienneté, la spiritualité, l’amour du prochain, la vie pacifique, le déroulement des choses dans la fraternité et l’amitié et aussi dans l’espoir qu’il faut donner aux uns et aux autres sur cette terre. Leur dire que tout n’est pas figé : aujourd’hui nous pouvons être dans le bonheur et demain être dans le malheur mais qu’avec le courage tout peut changer. Notre discours consiste surtout à donner de l’espoir aux gens. À leur dire que tout n’est pas perdu et qu’il est possible de se racheter.

Quelle différence majeure ressentez-vous lorsque vous êtes devant un public africain et face un public occidental?
Généralement, en Afrique, les gens montent sur la scène pour danser avec les artistes ou faire des accolades (rires).

Folila d’Amadou & Mariam est maintenant disponible.


dimanche 1 avril 2012

Bravo Sonia Johnson !


Chaleureuses accolades à mon amie Sonia Johnson qui a vu hier son album Le Carré de nos amours  remporter le Junos du meilleur album de l'année dans la catégorie Jazz Vocal.

Pour savourer des extraits et/ou l'acheter en ligne cliquez ici.

vendredi 30 mars 2012

L'histoire de l'art pour les nuls


Arrabal à Montréal



Vos désirs font désordres

Jusqu’ au 2 avril, le kaléidoscopique écrivain, dramaturge, poète, maitre d’échecs et cinéaste Fernando Arrabal viendra colorer la grisaille printanière de sa lumineuse folitude.


Alors que je l’interviewais dans le cadre de la sortie de son film sur la venue de Alexandro Jodorowski à Montréal l’an dernier, François Gourd, l’iconoclaste et bariolé initiateur de cette semaine mémorable, a ajouté: « Quand il a entendu dire que nous avions remis le titre de Grand Rectum de l’Université de Foulosophie à Jodo, son acolyte de l’époque de la fondation du mouvement Panique, Fernando Arrabal, s’est exclamé : c’est trop chouette, j’en veux un aussi ! »

Les désirs du grand homme étant désordres, le voici donc à Montréal ces jours-ci pour participer à une série d’événements qui vont de la projection du film «Jouer sa vie» de Gilles Carle, dans lequel nous le retrouvons en compagnie de Bobby Fisher et Anatoly Karpov, à une grand Cabaret Hommage à Arrabal, animé par François Gourdabal.

Le tout sera entrecoupé de plusieurs événements dont une joute d’échecs mettant aux prises Arrabal en tandem avec le maître Thierry Le Duin face à 10 adversaires en simultanée, des projections de films signés Arrabal tels «L’arbre de Guernica», «J’irai comme un cheval fou» ou «Viva la muerte» sans parler des lectures de ses pièces par la troupe Momentum.

Cette «tournée» se culminera le 1er avril (!) par un  banquet «Arrabalesque» et une soirée d’improvisation de LMI placé sous les auspices d’Arrabal.

Le grand homme, ce «métamec» aurait dit Ferré, qui aura marqué son époque prononcera aussi une conférence à l’Espace Libre.

Peut-être en profitera-t-il pour expliquer le contexte de la publication de son historique et bouleversante «Lettre au général Franco». Véritable cri humaniste que l’on peut entendre sur You Tube et qui lui a valu d’être considéré à l’époque comme faisant partie du groupe des cinq Espagnols les plus dangereux en compagnie, entre autres, de la Pasionaria.

Alors que nous lui réclamions une entrevue dans le cadre de sa présence à Montréal, celui qui a été encensé notamment par Samuel Beckett et Milan Kundura a brillamment décliné l’invitation en nous adressant plutôt un florilège de citations de son crû dont celle ci : « Je suis si spécial que je ne réussis même pas à me ressembler». Ça promet !

Pour plus de détails : http://udfou.com






mercredi 28 mars 2012

Entretien avec l'auteur Philip Kerr sur la Trilogie Berlinoise


Drogue dure (1ère partie)

L'auteur de La trilogie berlinoise Philip Kerr
Avec sa captivante série La Trilogie berlinoise, le romancier britannique Philip Kerr a imaginé un personnage fascinant qui nous fait revivre l’Histoire de l’intérieur. La dernière parution francophone qui porte sur les aventures de Bernie Gunther, Hôtel Adlon, trône comme ses prédécesseurs au sommet des palmarès. Bonheur, il nous en restera deux autres à savourer avant la fin imminente de la série. Quelques questions à son auteur.

Claude André

Comment vous est venue l’idée de créer le personnage de Bernhard Gunther, ce flic allemand antinazi qui assiste à la montée et à la chute de Hitler?
Cela fait plus de 25 ans, alors il difficile de me souvenir. Cela dit, j’étais davantage intéressé par le fait d’écrire une histoire au sujet de Berlin et de l’Allemagne ordinaire pendant cette période que sur un flic. L’idée d’utiliser un policier était donc une bonne façon de découvrir ce que l’Histoire avait cachée.

Où avez-vous puisé votre inspiration pour créer ce personnage?
Sincèrement, je n’avais pas beaucoup de temps à consacrer à l’inspiration. Je n’ai jamais lu beaucoup de polars et pour être honnête, c’est encore le cas. Les détectives que j’ai aimés et qui couvrent la même période que celle de Bernie sont ceux imaginés par Raymond Chandler et par Dashiell Hammett. J’ai peut-être trouvé en eux une part d’inspiration.

On retrouve plusieurs dictateurs dans vos livres. Qu’est-ce qui vous fascine tant chez eux?
Les gens sont toujours fascinés par le mal. C’est pour cette raison que nous aimons regarder des films sur les vampires et les monstres. Les dictateurs nous attirent car nous voulons comprendre ce qui les motive. Comme si nous souhaitions nous rapprocher d’eux sans avoir à en subir les affres. Les gens lisent ces livres pour rencontrer des individus terrifiants et vivre leur vie par procuration.

Vous n’effectuez pas de distinction franche entre le peuple et les hommes politiques en ce qui a trait à la montée du nazisme. Comment votre série a-t-elle été reçue en Allemagne?
En Allemagne, sa réception a été mitigée. À Berlin, elle s’est révélée plus positive. Les Berlinois ne sont pas comme la plupart des Allemands. Ils ne l’ont jamais été. D’ailleurs Hitler détestait Berlin, tout comme Bismarck. Les livres de cette série ont toujours eu davantage de succès à Berlin qu’ailleurs dans ce pays. Les autres Allemands préfèrent mes autres livres, ceux qui sont exempts de nazis.

Pouvons-nous espérer une adaptation cinématographique de votre série?
Il est toujours difficile de faire des prédictions à l’égard de la télé ou du cinéma. En fait, cela ne me préoccupe pas vraiment, mais si je pouvais choisir quelqu’un pour incarner Bernie Ghunter, j’opterais pour Michael Fassbender.

La suite de l'entrevue demain.

Au sujet de La Trilogie berlinoise : « Pour vous dire à quel point j’ai apprécié ces polars historiques, je vais me permettre une affirmation audacieuse : comparé à ces récits bouleversants, Millénium m’apparaît aujourd’hui comme du fast food pour midinettes! », Norbert Spehner. La Presse, 17 mai 2009.

Philip Kerr est né en 1956 à Édimbourg, en Écosse. Il a publié 17 romans pour adultes, dont Une enquête philosophique, ainsi que 6 romans pour enfants sous le nom P.B. Kerr. Sa série articulée autour de La Trilogie berlinoise comprend huit volumes, dont deux ne sont toujours pas traduits en français.


samedi 24 mars 2012

Dumas : à la bonne heure

Droit devant 

Deux ans après Traces et le projet composé de 4 mini albums qui le précédait, le très inspiré Dumas lançait cette semaine L’heure et l’endroit. Un nouveau chapitre aussi accrocheur que par le passé mais à la fois plus rock et sixties que ce à quoi il nous avait habitué. Rencontre avec un des musiciens les plus sympathiques de la faune locale.
  
Bien que cela ne soit pas frappant d’emblée, lorsque l’on relit les textes de l’album on s’aperçoit que la mort plane…
Oui, cela fait partie des thèmes de l’album. Souvenirs en mitraille par exemple est une chanson sur le deuil. Ça plane aussi sur Le fleuve gelé. Une chanson qui aborde l’idée qu’il faut avancer malgré les épreuves. Je souhaitais faire un disque lumineux mais, parfois, pour y parvenir il faut aborder des thèmes sombres.

Sur le plan musical, ce chapitre se révèle de facture plus rock que les précédents.
Je venais d’effectuer une tournée d’un an dans des petites salles et des bars. Or, si les concerts devaient être acoustiques, ils viraient rock and roll quand même. Nous transportions nos amplis et tout le bazar et c’était super inspirant. Je voulais conserver cette énergie sur ce disque qui a été axé sur la batterie.

Tu t’es mis aux drums ?
Non, j’avais simplement envie de cela. Nous avons essayé, Louis Legault, Carl Bastien et moi, de ne pas refaire ce que nous avons fait au paravent comme, par exemple, utiliser une approche atmosphérique. Plutôt que d’aller là, nous avons opté pour un côté percussif à la Talking Heads.

On entend des échos de U2 à certains moments dans les chœurs…
Ah oui ! Du bon U2 ? (Rires). Il est certain que les influences se mélangent. Moi je voulais faire un album à l’image de la musique que j’écoute depuis mon adolescence mais en français : The Kinks, Small Faces et aussi le rock psychélique de ces années-là. Sans oublier le son Motown (de l’époque pré funk ndlr) qui a ensuite été repris par les Anglais.

Question pop psycho : en établissant une liste composée de deux catégories, exil et brosse (ivresse),  on peut y insérer dans chacune, parfois les deux, plusieurs titres de ton nouvel album. Tu vas bien Steve ?
(Rires) Très bien justement. C’est un album qui invite à prendre le risque de changer sa vie. Qui incite à aller vers l’avant. Je crois que je suis plus serein que lorsque j’ai fait des albums mélancoliques comme Le cours des jours. Tu sais, le mythe qui consiste à croire que l’on écrit mieux lorsque nous sommes tristes ou sombres, je ne suis pas du tout convaincu de sa véracité. Cela dit, même si je vais très bien, cela ne m’empêche pas d’être sensible à la douleur que je perçois autour de moi.

Est-ce que tu es devenu le gars que tu souhaitais devenir lorsque tu as commencé professionnellement il y a dix ans ?
Honnêtement, je ne pensais pas exercer encore ce métier. Je me considère chanceux d’avoir rencontré les bonnes personnes, les bons musiciens. Sur le plan plus personnel, lorsque l’on est plus jeune on a peur de vieillir mais finalement je trouve ça cool car je suis plus focus et j’apprécie davantage les moments comme ce soir où je vais jouer devant le public. Finalement, j’aime autant sinon plus ce métier que lorsque j’ai commencé.

L’album L’heure et l’endroit est présentement disponible. Une tournée suivra à l’automne 2012.

mardi 20 mars 2012

Un film sur Jodorowski

Alexandro Jodorowski. 


Ré-évolution poétique

«Trouver ses valeurs intérieures et enrichir le monde plutôt que de le salir…»,  Alexandro Jodorowski

Il y a un an, en mars 2011, le célèbre artiste pluridisciplinaire Alexandro Jodorowsky a séjourné à Montréal afin de prononcer quelques conférences grâce à l’initiative de François Gourd lequel a reçu le soutien logistique et financier du sculpteur Armand Vaillancourt.

Une soirée hommage composée de performances éclatées avait alors été organisée pour celui que l’on surnomme Jodo. Personnage culte d’origine chilienne, cet inclassable artiste porte les casquettes de cinéaste, bédéiste, comédien, psychomagicien, mime et  écrivain. 

Le documentaire Alexandro Jodorowsky Grand Rectum de l’Université de Foulosophie signé Matthieu Bouchard et François Gourd, immortalise cette semaine aussi sautée qu’historique.


Monsieur François Gourdorowsky, auriez-vous la gentillesse de nous décrire votre film ?
C’est un film qui rend heureux. Ceux qui l’on vu me le disent. Les ingrédients ? Un homme extraordinaire qui a toujours utilisé la créativité et l’art pour guérir le monde. Moi ça m’a guéri.

À quel moment François avez-vous découvert l’homme et son œuvre ?
En 1972 et 1974 avec la sortie de ses films El Topo et La Montagne sacrée. Après ça a été via ses bandes dessinées car il est un incontournable du 9ième art. À Montréal, quand je faisais la publicité pour sa venue les jeunes punks me disaient : « Ah Jodo !  L’incal, les Méta-Barons…» Il y a une dizaine d’années, j’ai lu sa biographie La danse de la réalité. On y découvre son parcours magnifique. C’est lui qui, notamment, a inventé le théâtre de la guérison, la psychomagie, les adaptations des méthodes de chamans…

Cette psychomagie, contrairement à ce qu’on pourrait penser d’emblée, est basée sur quelque chose de scientifique comme les travaux de Jung par exemple, non ?
Oui. En fait, lorsqu’il est venu à Montréal plusieurs docteurs et de gens qui travaillent dans le milieu de la santé sont allés le voir car il repousse les limites de la guérison. Nous qui l’avons accompagné, nous voyions vraiment, et je ne sais pas trop ce qui ce passe, que ça marche. Les gens viennent, il leur fait un petit tarot, et ils repartent délestés d’un problème psychologique.

Dans votre film, on peut percevoir que Jodo semble utiliser les tarots de façon métaphorique et non pas comme s’il s’agissait de signes annonciateurs de l’avenir comme le font pléthore de charlatans…
C’est un moyen. Il a fait des recherches très fouillées à ce sujet. Ce  qui a donné lieu à un imposant ouvrage Il utilise le tarot comme d’autres le Yi-King, c’est un prétexte. Nous pourrions établir un parallèle avec la façon dont les médecins chinois prennent le pouls des gens pour en arriver à formuler des constats du type: «ton foie qui est faible». Jodo, il scanne les personnes. Et puisque nous sommes tous plus ou moins blessés par 2000 ans de bêtise humaine, il s’avère facile pour lui de trouver l’endroit où, sur le plan émotif, les gens sont marqués.

Qu’est-ce qui vous a le plus étonné en côtoyant Jodo au quotidien ?
La puissance insoupçonnée de son aura. C’est un véritable chaman, encore aujourd’hui, à 82 ans.


                                            Extrait de La Montagne Sacrée de Jodorowsky

vendredi 16 mars 2012

Vander : French toasts et peines perdues

Photo: Vander par Yves Provencher pour le Journal Métro.
Partir du réel pour pouvoir y revenir

Après des années de douleurs à la suite de la disparition tragique de Dédé Fortin, avec qui il créa l’album culte Dehors novembre, l’ancien bassiste des Colocs, André Vander, décida un jour de changer sa façon d’appréhender la vie. Résultat? French toast et peines perdues. Comme le dit Leonard Cohen, « il suffit parfois d’une fissure pour laisser pénétrer la lumière »…


Sur ton album, on retrouve des ambiances de bar, des sonorités tomwaitiennes, des élans à la Brel, de la bédé musicale et beaucoup d’autres choses. Quel était ton leitmotiv au moment du processus créatif?
Après mes années de dub et de reggae, je cherchais dans quel type de projet m’embarquer. Or, l’idée de faire un album de chansons est apparue lorsque j’ai repris la pièce Marie-Jeanne (Joe Dassin), qui parle de post suicide mais sans colère. J’ai remarqué qu’il y avait de la colère dans tous les textes que j’écrivais depuis six ou sept ans. Ce qui m’était très néfaste. Donc, à l’origine, je souhaitais composer un album où il n’y aurait pas de colère, histoire de retrouver une certaine paix intérieure.

Peut-on dire que le socle musical de l’album est constitué de reggae Dancehall, auquel on aurait greffé diverses influences arabes, jazz, slaves…?
Cet exercice de style avait pour objectif de m’éloigner du reggae pur. J’ai beaucoup donné là-dedans et je pense que pendant ce temps, j’ai négligé mon côté auteur. À la fin de ce projet, j’ai fait parvenir un cédé au Festival en chanson de Petite-Vallée, et j’ai remporté le prix de la meilleure chanson.

On a parlé des Colocs. Est-ce que l’on retrouve Pat Esposito di Napoli, l’ex-harmoniciste décédé du sida, dans la pièce La Poussière qui raconte, façon bouddhiste comme lui, comment les choses se transforment?
J’ai vécu une longue histoire qui s’est terminée et on a toujours l’impression de perdre quelque chose lorsque cela se produit. Mais « rien ne se perd, rien ne se créer ». Cet amour-là, il va simplement ailleurs. Le côté Pat, on le retrouve dans Le Marginal qui, à l’origine, part d’un couplet que j’avais écrit pour la pièce Tassez-vous de d’là. Comme j’arrivais d’Europe à cette époque, mon écriture était trop française pour le joual à Dédé. Il y a eu un clash. J’ai donc repris cette chanson. Si ça parle des problèmes de dépendance à la drogue? Je préfère conserver un côté mystérieux aux chansons. Car, comme le disait Dédé, « il faut partir du réel pour pouvoir y revenir ».



Parcours musical

1992 : fondation en Belgique du groupe Les Frères Brozeur, avec lequel il officie en qualité de bassiste. Il participe à trois albums.

1996 : installation à Montréal pour se joindre aux Colocs. Son style imprégné de reggae dub procure une saveur particulière à l’album Dehors Novembre (1998).

2001 : avec Mike Sawatzky, ancien membre des Colocs, il coréalise à titre posthume l’album Suite 2116.

2006 : André Dédé Vander se consacre à un projet de remix dub composé de collaborations, qui débouchera sur l’encodé Bass ma Boom Sound System vol. 1.

2007 : création avec Michel Vézina du spectacle « Dub et Litté » et cap sur le Québec, Haïti, la France, la Belgique et le Sénégal.

2010 : le projet « André Dédé Vander » cristallisé par la parution de l’album French toast et peines perdues, en mars 2012.

note : Ce texte est d'abord paru dans le Journal Métro le 13 mars 2012

mercredi 14 mars 2012

Michel Fugain : le retour de la belle histoire


Pas de hasard ?

Michel Fugain, créateur du légendaire Big Bazar qui marqua les seventies de ses mélodies bariolées, revient avec Bon an mal an. Un album entièrement original qui ne passera pas inaperçu.

Claude André

Dring. Une voix féminine ensoleillée de l’acceng du Midi nous demande de rappeler d’ici 10 minutes. Le volubile artiste étant toujours en entrevue avec le Québec. Fébrile, on rappelle celui qui compte parmi les créateurs de la trame sonore des seventies avec sa formation bigarrée dont les chansons sont imprégnées à jamais dans l’inconscient collectif de deux ou trois générations.

Nous lui faisons remarquer que les pièces de Bon an mal an évoquent l’approche de l’époque Big Bazar, en ce qu’elles posent souvent un regard macro sur la vie ainsi que par le son qu’elles distillent. « Depuis 15 ans, je travaille toujours avec le même groupe de musiciens, il est vrai qu’on a un son qui peut ressembler au Big, peut-être à cause des voix. Regard macro? Oui, bien sûr. Votre question, c’est marrant, m’oblige à plonger un peu parce que je suis, pour la première fois, l’auteur sur cet album. Ma pudeur fait-elle que je regarde plus macro que micro? Oui, c’est généralement le cas mais pas sur la pièce La Sirène », observe Fugain en parlant du morceau truffé d’anglais composé « pour dire en déconnant à quel point je suis accro à ma blonde ». Cette compagne qui le suivra peut-être lors de sa prochaine venue à l’occasion des FrancoFolies de Montréal.

Heureux comme un gamin de revivre une part de son enfance, votre serviteur poursuit l’analogie avec le Big. « La chanson Ceux qui s’aiment d’amour, n’est-elle pas la suite de La Belle histoire? »

« C’est pas idiot », acquiesce Fugain, bon prince. « Au moment de l’écrire, cette question m’est passé par la tête : « Et maintenant, 40 ans après, ça serait quoi? », se souvient-il en y allant d’une longue explication sur la vie amoureuse de son de fils de 18 ans, inspirateur de la pièce.

Sardou

On survole les autres titres de cet album composé de 13 pièces dans sa version québécoise, qui se déclinera aussi en 24 morceaux pour l’édition de luxe. « Y a tout qui change soulève une réflexion : vous qui avez connu la gloire avec les idées du flower power, êtes-vous désillusionné aujourd’hui? » « Certainement pas, car je ne suis pas construit avec des illusions. Je n’étais pas du tout flower power. Vous savez, on était tous habillés comme ça, même dans la rue (rires)! Je crois même que le succès du Big Bazar est dû au fait que nous n’étions pas flower power. Nous ne faisions que chanter l’espoir », rectifie Fugain. Lui qui ne saurait trop expliquer son précieux don de mélodiste.

« J’avais 21 ans et Michel Sardou, 5 de moins. On sortait d’un cours d’art dramatique. J’étais assistant-réalisateur et lui, apprenti comédien. On est allé au bistrot et il m’a confié qu’il voulait passer une audition comme chanteur pour la maison de disques Barclay. Patrice Laffont et trois ou quatre autres amis étaient présents autour de la table. On lui a répondu : “On va te faire des chansons.” Je ne savais absolument pas avant ça que je savais faire des mélodies. S’il n’avait rien dit ce soir là, jamais je n’aurais fait de chansons! »

Merci Michel… Sardou!


L’album Bon an mal an est disponible depuis le 13 mars 2012


jeudi 1 mars 2012

Mile End : la bédé


Une bédé et un bébé

Un nouveau tirage de sa bédé Mile End, une nomination aux prix Bédélys et un bébé qui gazouille dans ses bras : la vie est belle est pour Michel Hellman!

Claude André

Dans son appart situé juste au-dessus du légendaire et passéiste resto Wilensky, dans ce même appartement qui sert de repaire à sa bédé, Michel Hellman a le ton joyeux sous la grisaille de février à l’ombre du Mont-Royal.

Tenant dans ses bras sa dernière création – son poupon, qu’il évoque d’ailleurs dans sa réjouissante œuvre artisanale –, celui qui est également illustrateur (voir pochettes CD de son frère Thomas et de la chanteuse Bïa) et critique d’art a raison de se réjouir malgré l’embourgeoisement du quartier.

Phénomène qu’il distille par petites touches de nostalgie dans l’album divisé en quatre saisons.

« C’est une bédé qui parle de ma vie sans être autobiographique. Une espèce de chronique inspirée de mon quartier, un peu comme le fait Guy Delisle (Chroniques de Jérusalem) lorsqu’il part à l’étranger. Je fais la même chose, mais je rentre aussi dans le côté absurde, le rêve et la fantaisie. Je ne voulais pas créer un journal intime qui n’intéresserait que les seuls gens du quartier. Je pars donc de celui-ci pour parler de sujets universels, comme la vieillesse, l’amour, la mort, la naissance de mon bébé et de choses aussi banales que le déneigement des rues de Montréal », analyse l’artiste à propos de son livre paru en novembre dernier.

D'abord conçu pour son blogue, les petites tranches de vie dans ce lieu à la fois bigarré et multiculturel qu’est le Mile End ont rapidement trouvé preneur et créé un petit buzz qui dépasse les « frontières » du quartier.

Réédition

Après avoir vu s’écouler les 1200 exemplaires du premier tirage en deux mois, la petite maison d’édition Pow Pow a dû procéder à un nouveau tirage dont la sérigraphie (lire les lettres rouges du titre de la couv’) a été effectuée à la main à l’aide des bons vieux rouleaux. Ce qui confère un petit cachet encore plus intimiste à l’affaire.

« Je suis très étonné du succès et évidemment très heureux. Lorsque je vois les noms qui sont en lice pour les prix Bédélys qui seront remis en avril à la Grande Bibliothèque, dont celui de Michel Rabagliati (auteur de la série Paul), je me rends compte que c’est quand même quelque chose », s’étonne encore Hellman. Un sympathique personnage dont la propension à la procrastination est également un des éléments centraux de cette bédé, à la fois réaliste et frivole.

Notamment dans la façon dont son auteur s’y prend pour détourner les clichés sur l’hiver (clin d’œil au lectorat de l’Hexagonie), le Québec et ses habitants à travers un style inspiré de Lewis Trondheim, un bédéiste français qui dessine la quotidienneté en mettant en scène des animaux.

« Je pense que ce que je fais se rattache à l’expérience de cette école franco-belge qu’on appelle aussi la nouvelle bédé », avance le titulaire d’une maitrise en histoire de l’art qui s’attaquera à la vie des Premières Nations dans le Grand Nord du Québec pour sa prochaine œuvre. Avant de revenir au Mile End, mais de façon plus historique cette fois. Entre deux biberons, bien entendu.

Mile End
Michel Hellman
Éditions Pow Pow, 136 p