dimanche 10 janvier 2010

La révolution intérieure de Mano Solo



Entrevue puisée dans les archives persos qui intéressera peut-être les inconditionnels de Mano Solo... C'était pour la une du Ici à l'été 2M3. Il s'agit ici d'un modeste hommage que je lui offre. Point.

Verbe riche et propos sombre, Mano Solo nous a ébranlé dès la parution de son premier album  «La marmaille nue» en 1993. Chapitre au sein duquel il s’avouait atteint du grand mal. Depuis, ils sont une pléthore à s’être reconnus dans la désespérance magnifiée de ses 4 albums. Sans doute est-ce parce qu’avant d’être les chroniques d’une mort annoncée, les chansons de Mano Solo étaient aussi l’apologie du combat et de la dignité. Rencontre avec un résistant.

«J’ai deux nouvelles à vous annoncer, disait Mano Solo en 1995 en entrant sur scène. Une bonne et une mauvaise: la bonne c’est que je ne suis plus séropositif. La mauvaise; j’ai le sida ». Bang !

Il n’en fallait pas davantage pour que l’on ressente ses chansons à travers le prisme de la maladie. Nous disions même au journal, un peu cyniquement, d’album en album, qu’il faudrait bien un jour qu’il cesse d’annoncer sa mort vu que les progrès de la médecine l’éloignent de plus en plus de la fenêtre noire.

Oubliant au passage qu’il ne s’agissait peut-être pas, finalement, que des confessions d’un sidéen. Lit-on les poèmes de Beaudelaire comme les confessions d’un syphilitique ? Non, il s’agit plutôt d’une vision pessimiste du monde où de l’amertume naît le combat. Parce qu’après tout, on a le choix de se battre ou d’abdiquer. Comme il le dit à un ami trucidé dans Le monde entier («La marmaille nue»): «ce qui compte dans la vie ce n’est pas l’issue, c’est le combat. Et que rien que la beauté du geste te donne raison sur ce que tu détestes…».

Fond de commerce ?


Mais voilà, Mano est pointé du doigt par la Dame à la faux. Même qu’il avoue avoir retransmis le virus à quelqu’un d’autre sur Tu t’envoles («Les années sombres»). Alors qu’il y ait eu confusion, rien de plus normal. Qu’aujourd’hui il prétende que ses chansons ne parlaient pas de cela, grand bien lui fasse. Mais étions-nous tous si cons ? Bien sûr, c’est la faute aux journaleux, qui d’autres ? «Le public lui, il a compris. Je n’ai jamais basé mon discours là-dessus. Je n’ai pas à me situer par rapport à ça. Ce sont les gens qui le font. Quant au fait que certains journalistes aient prétendu que le sida était mon fond de commerce, je m’en branle. Ce sont des gens qui ne sont jamais venus à mes concerts. Tant pis pour eux. Tu sais, j’ai mis ça dans une chanson (Pas du gâteau) et après tout le monde est resté accroché sur cette pièce. Prends un mec comme Brassens, il a fait au moins cinquante chansons sur la mort et personne n’a dit que c’était un chanteur qui ne parlait que de ce sujet», poursuit celui qui craque aussi pour Lhasa.

«Les médias, ils sont tellement cons que ça leur a bien plu d’avoir une tête de Turc. Moi, je n’ai pas cherché à nier quoi que ce soit. J’ai dit les choses que j’avais à dire quand j’ai cru que je pouvais être utile à quelque chose. Quant aux connards qui veulent m’enfermer là-dedans ce sont les mêmes qui fabriquent les ghettos et l’exclusion», analyse le fort en gueule qui bien qu’il ait troqué engueulades dans les bars pour les jeux vidéos n’en a pas moins perdu son goût du combat.

La bataille

«Ouais, c’est vrai que je ne vais plus dans les bars. Quant à play station, j’adore, rigole-t-il un peu mal à l’aise. C’est tellement délicieux de perdre son temps comme ça et d’arrêter de réfléchir. Les jeux que je préfère ? Ceux de baston : de boxe, de karaté ou bien ceux ou l’on tue tout le monde et on bombarde la terre entière. Des jeux violents avec du sang et tout… », s’esclaffe ce nouvel amateur de boxe qui fera un titre sur une compil visant à financer les activités de Boxing beat.

Un regroupement de boxeurs qui tente de faire bouger les choses dans ce milieu. En ouvrant des salles en banlieue, notamment. «Je suis bien branché avec la boxe en ce moment. Ce qui me fascine là-dedans c’est de voir que les mecs sont quasiment prêts à donner leur vie pour un truc complètement illusoire. Qu’il y ait presqu’une envie de mort envers un adversaire qui ne leur a rien fait, c’est un truc que je n’arrive pas à cerner. On a beau être très intelligent, on ne pourra jamais comprendre. C’est ça que je trouve magique dans la boxe. Puis les personnages, lorsqu’on les côtoie, c’est encore tout un monde quoi. Et on y comprend encore moins que rien. Tout ce que l’on a pu croire sur la psychologie des gens devient dérisoire. On repart à zéro. Ces athlètes, je les regarde comme des extra-terrestres, ils m’impressionnent vachement. Et tant que je n’arriverai pas à comprendre ce qu’il y a derrière, ça m’intéressera».

Comme la vie, l’amour, la mort. Tout ce qui nous rattache à l’univers de ce gladiateur du sentiment qui se reconnaît aussi dans le combat que mène José Bové, l’agriculteur qui défend le rocquefort et une certaine idée de la France. «J’ai grandi dans un idéal soixantehuitard, dans un esprit de révolution. Je suis dégoûté de voir comment les gamins d’aujourd’hui s’en balancent complètement. Pour eux, le pognon est la seule carotte qu’ils connaissent. La France a voté pour la gauche en 81 puis les gens ont attendu que Mitterand soit socialiste à leur place. Finalement, la gauche, le respect et toutes les bonnes choses que l’on pourrait s’apporter ce n’est pas dans les urnes qu’on les trouve. Moi, je me reconnais bien dans le combat d’un mec comme José Bové. Il me rappelle mon enfance. La forme d’action qu’on m’a appris à avoir : le terrorisme non-violent. Je suis entièrement avec lui.»

En attendant la suite des choses, Mano Solo poursuit inlassablement sa révolution intérieure. Cette révolution qui nous parle de liberté, de courage et de dignité.


Pour écouter le dernier album paru en septembre 2009

1 commentaire:

Anonyme a dit…

wow tu nous donnes vraiment un beau texte très latin, la vie,l'amour,la mort, la révolution...le tragique,le destin. merci beaucoup de ce texe, ça me rejoint très fort. d'ailleurs je trouve que tu a l'air un peu latin toi aussi.la barbe de 3 jours c'est un style qui te va très bien. mes condoléances encore une fois...
anne campagna