dimanche 2 mars 2008

Patrick Bruel: qui a le gauche?



Histoire de couronner vingt ans de Bruelmania, Maurice Benguigui vient lancer «des souvenirs…ensemble», un encodé et un dvd captés en public de l’été 2006 à octobre 2007. Rencontre.

Claude André

Je l’observe scruter, commenter et maugréer au sujet son horaire serré des prochaines heures à l’endroit de son attachée de presse. «Sans doute pas facile à vivre, le type», me dis-je en ayant en mémoire une discussion avec une relationniste qui l’a «subi» un jour.

Puis, la discussion s’amorce. Malgré quelques bâillements imputables au décalage horaire, l’homme, enfilait-il un nouveau rôle ?, est affable, séduisant, plutôt mec assumé et généreux dans ses réponses. Je comprends petit à petit un peu mieux l’engouement autour de sa personne. Regard vif, on sent qu’il est passé maître dans l’art de jauger son interlocuteur. Champion du monde de poker, c’est ça aussi.

Je lui raconte que j’ai visionné la veille un document dans lequel il expliquait que c’est un concert de l’illustre Serge Reggiani qui l’a amené à la chanson. Or, lui, Bruel, est devenu l’idole des minettes qui s’agglutinent par dizaines de milliers à son passage. Si l’auteur de ces lignes à pu s’identifier à la colère de «Casser la voix» il y a vingt ans, nenni par la suite. Y aurait-il eu un malentendu entre Bruel l’auteur de chansons et le public qui l’a choisi ?

Le malentendu

«Celui qui m’a vraiment donné envi de chanter, ça dû être Brel quand j’avais 4-5 ou 6 ans. Ma mère avait acheté un disque et ça me touchait beaucoup. Ensuite, un jour, par hasard, on a croisé un ami de ma mère qui allait voir Reggiani à Bobino. On est allé avec lui et le lendemain, j’ai demandé le disque et je chantais ses chansons devant la glace. Ce sont toujours des chanteurs qui m’ont donné envie de faire ce métier. Probablement à cause d’un phénomène d’identification. Soit le chanteur me racontait une partie de mon histoire, soit je rêvais de devenir le chanteur», explique Bruel avant de convenir qu’il y a effectivement eu un malentendu sur la perception que le public pouvait avoir de lui. Les gens auraient choisi de mettre l’emphase sur les jeunes filles exubérantes alors qu’il n’y avait pas que cela dans les salles. Et, soutient-il, ces jeunes filles qui étudiaient ses textes au lycée aimaient également Brel, Reggiani, Brassens et même Ferré. «Cela n’était pas incompatible. Mais il est vrai qu’on a mis un peu de temps à m’accepter, à me faire rentrer dans la famille des auteurs-compositeurs-interprètes respectés. Il y a eu une espèce de condescendance en regard de mon succès auprès des jeunes filles mais cela s’est équilibré. Le respect est un long combat, surtout lorsque tu as beaucoup de succès.»

Le respect du public plus «sérieux» était donc programmé dans les astres. Il est surtout venu avec la publication de l’excellent Entre-deux en 2002 (on n’en retrouve hélas qu’une chanson sur le récent dvd). Un disque de classiques puisés dans le répertoire français de l’entre-deux guerres qui, coquin de sort, allait faire un pied de nez aux lepénistes de tout acabit. Eux qui, malgré leur succès au premier tour des élections présidentielles de cette année-là, devaient se farcir ce Benguigui qui s’emparait des chansons fétiches de la grande France. «C’est vrai que l’album est sorti dans des circonstances particulières avec Le temps des cerises chanté par Jean-Jacques Goldman et moi a capella». C’était lourd de sens n’est-ce pas que cette reprise tiré du répertoire des classiques de la gauche ? «Oui. Surtout chanté par deux Juifs ».

Patrick Bruel
Des souvenirs ensemble…
Musicor/Select

Cd et dvd.

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