samedi 14 février 2009

Lost Song : La tension permanente, commentaire et entrevue


Dans un film où il ne semble paradoxalement rien se passer, une tension permanente nous emporte jusqu’à la toute fin.

Claude André

Un couple trentenaire bobo décide de s’installer pour l’été dans un chalet au bord d’un quasi isolé lac des Laurentides avec leur nouveau-né tout près du camp de la bienveillante mère (efficace Ginette Morin) de Monsieur. Lui, le fils-à-maman (inquiétant Patrick Goyette) veston-cravate part tous les jours bosser à la ville tandis que Madame, une chanteuse d’opéra (Suzie LeBlanc), tente de répéter en vue d’un récital à l’automne. Une ado en vacances (Marilou Longpré Pilon) viendra à l’occase tromper l’ennui de Madame qui, entre deux cigouilles, semble psychologiquement déboussolée par sa maternité récente.

Dans un cadre bucolique où Mozart se marie à la grandiloquence de la nature, le réputé cinéaste cadien Rodigue Jean livre une autre belle leçon de cinéma.

Si les amateurs des seuls films popcorns n’y trouveront pas leur compte, les cinéphiles qui ont aimé le récent Home d’Ursula Meir ne voudront surtout pas louper ce long métrage dans lequel s’installe petit à petit une violence muette et subtilement suggérée dans laquelle, comme dans la vie, les fous ne sont pas toujours ceux que l’on imagine.

Habillement ficelé, le scénar de Rodrigue Jean (qui a reçu les valeureux conseils de, notamment, Wajdi Mouawad) nous transporte dans des eaux troubles où, malgré leur apparente fonctionnalité quotidienne, des personnages cachent de profonds affects.

Et c’est en maugréant parfois contre le réalisateur que le spectateur se dandine sur son siège et se ronge les ongles. Jusqu’à la toute fin, on se demande, et c’est un compliment, où le manipulateur de marionnettes que nous sommes tente de nous amener. Puis, bang, il nous fracasse le souffle avec une fin entre-ouverte qui, se dit-on, n’aurait pu être différente.

Chargé de symboles qui empruntent à la tragédie grecque, Lost Song prouve encore une fois que l’on peut faire de l’excellent cinoche avec peu de moyens mais beaucoup de savoir-faire. **** Claude André


Crochet de gauche

Observateur des mœurs modernes, le cinéaste Rodigue Jeans boucle sont triptyque amorcé avec Full Blast et Yellowknife.

Claude André

Dans votre dernier film, on a l’impression que vous jouez avec nos nerfs et on se demande toujours où vous voulez nous amener. Or, au moment où on se lasserait, paf, une situation vient changer la donne. Comment arrivez-vous à mesurer avec une telle précision vos effets ?

Je pense qu’il n’y a pas tant de stratégies que d’organisation. C’est films-là se font de façon assez précise en ce qui a trait à la préparation. Que ce soit au niveau du cadre, du choix des acteurs etc…. De plus en plus dans les films le cadre et la couleur sont refaits, les objets peuvent disparaitre à la limite... Alors que nous on travaille encore de façon assez rigoureuse. Le cadre que l’on choisi est celui que l’on conserve et les prises ne sont jamais longues non plus. Ce n’est pas comme si on tournait une prise de 5 minutes pour en garder une seule. Donc l’expérience que vous vivez est aussi la nôtre et cela permet de juger de la scène en terme de supportable et d’insupportable, particulièrement dans ce cas-ci.

D’où vient l’idée de ce film ?

J’ai travaillé, depuis 25 ans, sur la pièce Le Médée d’Euripide, un classique de la tragédie grecque. J’avais écrit un scénario à l’époque, j’étais vraiment très jeune, et le scénario a évolué au fil des années. La question que je me posais était : qu’est-ce que serait devenu Médée dans un capitalisme totale comme aujourd’hui ? Dans un monde complètement dénué de tout où il ne reste que l’économie comme sens des rapports sociaux ? On dirait que ça a l’air à s’effondrer là, tant mieux, mais que ferait-il dans ce capitalisme absolu ? Voilà une des réflexions de ce film. Donc il y a mon intérêt pour Médée d’Euripide et également celui de savoir qu’elle est la nature de la bourgeoisie québécoise en ce moment ?

Vous vous intéressez à la contemporanéité alors ?


Oui. La question que je me pose à l’endroit du cinéma d’ici, particulièrement, c’est pourquoi est-ce que la plupart des réalisateurs font dans la nostalgie ? On retrouve de très nombreux films dont l’action se situe avant 1970. Soit avant que l’étranger n’arrive au Québec. Nous étions alors entre-nous dans un Québec tribal, pur et blanc. Je me suis donné un peu comme mission d’essayer de comprendre ce que cela représente. Car ce n’est pas vrai que nous sommes ruraux. Nous vivons dans les villes depuis très longtemps mais notre imaginaire est encore là. Pour moi qui viens d’Acadie, d’une région très éloignée, un film comme La Grande séduction fait figure de véritable une insulte. C’est très condescendant finalement.

Et le monde moderne dans Lost song ?

Ben c’est l’investigation de la nativité par un couple qui a réussi. Ils ont une carrière, ils sont bourgeois, se payent des vacances dans les Laurentides à tous les étés et qu’est-ce qui arrive lorsque ces gens là ont tout : la beauté, l’argent, la blondeur et que leur monde leur échappe… ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Personne ne semble avoir revisé ce texte: les fautes de français abondent. Incroyable.

claude andré a dit…

Merci de me le faire remarquer. Il s'agit, en effet, de la première version. Mon inestimable intervenant (e) ? anonyme, évidemment, aura -t-il ou elle la grandeur d'âme et l'incommensurable bonté de me faire parvenir une version corrigée ?