mercredi 16 novembre 2011

Le Vendeur : sympathique crosseur




Vendre son âme

Le vendeur, chaudement accueilli dans plusieurs festivals dont le prestigieux de Sundance, n’est pas sans évoquer les grands films d’hiver du cinéma québécois des seventies.

Marcel Lévesque, un vendeur de chars usagés, sexagénaire et veuf vivant au Lac Saint-Jean (Gilbert Sicotte, puissant), mène une vie composée d’attente de clients éventuels, de « mensonges enrobés de fleurs » et de moments doux en compagnie de sa fille adorée et de son petit-fils, à qui il apprendra les rudiments de la vente dans une scène mémorable.

En parallèle, une grève qui perdure à l’usine de pâte et papier plombe le moral des travailleurs et menace de chambouler toute l’économie du patelin.

Malgré sa collection de trophées et de médailles qui officialisent en toc ses dons de vendeur, et cela depuis des décennies, Marcel enregistrent toujours ses pitchs livrés aux clients sur un magnétophone afin de s’améliorer encore.  

Au grand dam de sa fille (Nathalie Cavezzali, très juste), une sympathique coiffeuse, qui se demande, comme le spectateur, pourquoi il persiste de la sorte. Elle qui, bienveillante, voudrait le voir se reposer et faire attention à lui, histoire de le garder longtemps.

Substance

Gilbert Sicotte livre une performance de haut vol 
Et c’est là que se jouera toute la substance de ce film qui distille aussi une puissante réflexion sur le sens des valeurs et le destin : Marcel, incapable de décrocher de ce rôle de vendeur, sa seule identité sociale, non seulement passe à côté de sa vie, mais il devra aussi assumer les lourdes conséquences de ses petits calculs.  

En nous proposant une histoire proche des gens et philosophiquement profonde, Sébastien Pilote s’est inspiré du parti pris pour la working class d’un Bruce Springsteen – il faut voir la scène du spectacle dans le sous-sol d’église à la fois drôle et respectueuse – mais aussi de La Cerisaie, pièce du célèbre dramaturge russe, Anton Tchékhov, qui illustrait la fin d’un monde auquel on reste attaché. Comme c’est la cas de ce vendeur vieille école qui, par certains aspects, n’est pas sans rappeler le célèbre « crosseur sympathique » qu’était Jean-Paul Belleau. Ce personnage créé pour la télé par Lise Payette et rendu célèbre par le même Gilbert Sicotte dans les années quatre-vingt.

Clin d’œil du hasard, la papetière AbitibiBowater installée à Dolbeau-Mistassini, au Lac Saint-Jean, devait effectivement fermer pendant le tournage. Le réalisateur Pilote, un fils du Saguenay, s’est donc servie de ses entrevues réalisées avec des véritables travailleurs de l’usine pour apporter une touche de cinéma-vérité à son film poético-réaliste poignant, magnifié des images signées Michel La Veaux. À voir.





Le Vendeur est actuellement à l’affiche au cinéma Pine et au Beaubien.


Merci à l'hebdo Accès qui a publié ce texte dans son édition en cours.

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