vendredi 23 février 2007

L'ange noir de nos nuits blanches


À l'époque de ma vie de bitures, j'ai un jour rencontré un type qui allait changer le cours de mon existence et celui de bien d'autres dont le chanteur Éric Lapointe pour lequel il a écrit des textes chamaniques qui allaient contribuer à la création de leurs légendes respectives; Roger Tabra

Dans le délire de nos nuits pâles que nous nous efforcions de noircir, nous nous inventions souvent des personnages histoire de transcender la banalité du quotidien.

Je conserve toujours de ces années rock une caricature du quatuor infernal: Tabra y incarne "L'Ange noir". Éric lui, c'était "L'Enfer". L'ami Luc, dessinateur notamment du personnage Caillou (!) était "Le Diable" et quant à votre modeste serviteur,les copains m'appelaient "Belzébuth".

Je viens de retrouver par hasard un extrait de notre dernière discussion à Roger et moi au cours de laquelle je le questionnais sur la nuit et les bars.

Ces "endroits où l’on cherche à être aimé des femmes que nous ne méritons pas", pour reprendre Bohringer.

En voici un extrait. En attendant ce satané bouquin des mes années sombres et à la fois kaléidoscopiques, que je finirai bien par terminer un jour

Tu as passé, pendant une trentaine d’années, à noircir le plus clair de ton temps dans les bars. Tu y recherchais quoi ?

Moi-même, peut-être. Ou alors un peu fuir. Sans doute les deux. On va dans les bars jusqu’à 4 ou 5 heures du matin (à Paris c’était toujours ouvert) et on sort de là les yeux et le cœur cernés.

Toi qui a connu les deux, qu’elle différence y a-t-il entre la nuit parisienne et celle de Montréal?

Montréal, c’est la campagne. Mais en même temps Montréal est quasiment plus permissive dans le sens ou, dans cette ville, les femmes sont plus abordables. Il y a aussi de la drogue. Hier soir, j’étais avec un ami pour rencontrer des jeunes filles dans un bar et bien qu’ils ferment les portes à 3heures, on a pu rester à l'intérieur. À Paris, une demi heure avant la fermeture, on te sort déjà. Par contre à Paris c’est le transe. À Berlin, c’est exceptionnel aussi. Tandis qu’à Hambourg… Les bars d’Amsterdam sont terribles.

On ne rencontre pas les mêmes personnes la nuit que le jour…Voilà sans doute ce qui t’a plu aussi

Mais c’est parce que je ne savais pas qu’ils ou elles étaient des gens de jour. J’ai toujours été un gars qui faisait 50 siestes par jour. Je me droguais, je ne le fais plus et je bois encore pas mal…Il y a eu cette période de ma vie, qui a duré trois ou quatre ans, ou l’heure de sortie était 1h00 du matin. Parce qu’on savait qu’à cette heure là, sortir c’était quasiment se garantir une rencontre. Malheureusement, ce n’était pas toujours des rencontres exceptionnelles mais, au moins, on ne rentrait pas tout seul.

Tu as passé des belles nuits avec la jet set ?

Je n’ai jamais été du jet set. La seule fois où je la fréquente, c’est au Gala de l’Adisq parce qu’il y a un gros party après. La nuit, c’est dans ma tête aussi. Tu vois, en ce moment il est 11h00 ou midi et je pourrais sortir dehors et ce serait la nuit. Parce qu’il a neigé, personne nous parle… Il y a sans doute des non-voyants qui ont des paysages plus lumineux que les miens. La nuit, on l’aime aussi, parce que c’est l’instant de tous les dangers. On peut se faire taper dessus... Et puis, il y a des femmes qui nous ont trouvé tellement beau alors que nous étions laids comme des pioches. Et elles sont rentrées avec nous autres, imagine !

La nuit, les bars, c’est se croire immortel, non ?

Mais oui, complètement. À une condition, ne pas penser au matin. Lorsqu’on y pense, on redevient des mortels. On demande à un ami : « as-tu des lunettes noires que je puisse prendre un taxi ? »

Puis Tabra ose une blague: "Un gars rentre saoul avec une fille. Il se réveille, elle est partie. Il retrouve des traces de sang sur le drap. « Merde, j’espère que je ne l’ai pas tuée ». Partout où il va dans la maison, il y a toujours du sang par terre. À un moment, il rentre dans la salle de bain et se regarde dans la glace. Entre ses dents de devant, une petit fil blanc apparaît : « sacrament, j’espère que c’est la poche de thé! »

1 commentaire:

Dianerythme a dit…

Hiihii...C'est ce que j'appelle finir en beauté.!HIiii..Super l'entrevue j'ai adoré, merciiiii..........a bientot.xox