lundi 2 juillet 2007

L'ultime fédérateur


Entrevue parue dans l'édition du 3 mai 2m7 de l'hebdo Ici.



De Patrick Bruel à Richard Desjardins en passant par Gilles Vigneault et Céline Dion, Claude Dubois demeure l’ultime fédérateur de la pop québécoise que les Français découvriront bientôt

Claude André

Né d’un flash du producteur Paul Dupont-Hébert ébahit de constater à quel point lors d’un séjour en France, les gens ferdonnent Le Blues du businessman sans connaître son interprète, le florilège Duos Dubois regroupe les Québécois parmi les plus célébrés en terre hexagonale (Céline Dion, Lynda Lemay, Isabelle Boulay, Natasha St-Pier, A-P Gagnon, Corneille, Richard Desjardins, Gilles Vigneault, Garou…).



Françis Cabrel et Patrick Bruel ont également accepté de se joindre à l’escouade musicale histoire de palier à cette lacune culturelle de leurs compatriotes à l’endroit de cette richesse naturelle nationale qu’est Dubois.



Et me voilà heureux mandataire d’une entrevue pour la une avec Ze Wood.



Observateur attentif de sa carrière trépidante depuis mes 15 ans, je caresse depuis toujours le projet d’écrire sa bio. Aussi, plusieurs rumeurs glanées ici et là (surtout là) me taraudent à son sujet depuis un bon moment. Aurai-je l’audace de lui en faire part ? Cassera –t-il la gueule de mes souvenirs… ?



Lundi dernier. J’attends dans le couloir d’un hôtel gratte-ciel du centre-ville. Dubois est calé dans le fauteuil. Dernières salutations à la scribe qui me précède. Dupont-Hébert m’introduit. Dubois a souvenir encore de notre dernière rencontre. Ouf, bon signe. Je m’assieds. Le producteur doit filer. Dubois se tourne vers moi, une jambe par-dessus l’accoudoir du fauteuil. Sommes seuls. « Patrick Bruel et Richard Desjardins sur le même disque, qui d’autres que Claude Dubois parmi les contemporains aurait-pu réussir cela. Tu plais donc à tout le monde ? », lance votre scribouillard. «Ça peut-être interprété ainsi. Mais ce n’est pas toujours le cas. Des fois, je fais chier tout le monde. Mais je fais partie de ces familles. Il y a des chansons que j’ai écrites qui font parties de la pop et ça ne m’a pas toujours servi. Tu ne peux pas être à la fois poétique et littéraire et en même temps pop. Prends Bébé jajoue la toune, ce n’est pas Paul Éluard, soyons précis-là. Peut-être que Le Labrador ça l’est plus. Mais en même temps, je suis fait de même. J’ai grandi sur la rue Sanguinet où il y avait à la fois les robineux d’un bord et les intellos de l’autre. Ça fait partie de ma vie que d’avoir à la fois un ami anthropologue qui reconstitue les langues des Inuits et un autre ancien danseur de claquettes de La Paloma », lance Dubois de son sourire assassin.



Des amitiés



Parmi les amis, il y a aussi eu des icones de la chanson française telles Dutronc, Cherge (lire Gainsbourg) et bien sûr, Françis Cabrel dont Paul Dupont-Hébert dirige la carrière au Québec depuis les débuts. C’est d’ailleurs celui qui aime à mourir qui a été le premier à se joindre au projet : « On s’est installé dans le studio à Monfort et j’ai demandé à l’arrangeur d’étudier le genre d’arrangements que Françis utilise, d’entrer dans sa bulle, de comprendre son monde, quelles sont ses influences et ses pulsions et on a soudé ça à la chanson Pas question d’aventure. Quand Françis est arrivé, il était dans ses habits. Ça lui faisait, c’était son monde puis il a chanté comme si la chanson lui appartenait depuis toujours. Moé, après, c’est là où ma job a commencé. Ce n’était pas dans ma clé. Il fallait que j’invente des lignes. Que j’embarque d’autres sections. J’ai réécrit des bouts, dans les betweens, dans les parties de solos. On ne voulait pas faire des duos pour faire des duos. Il fallait que ma voix arrive à la bonne place et que ce soit joli à entendre. Ça prend du temps et c’est une grosse job », se souvient Dubois.



En ce qui concerne la sélection, il était loisible à chacun des invités de choisir sa chanson et elle lui appartenait de facto. Parait qu’il y aurait eu embouteillage au portillon pour la pièce finalement interprétée par Cabrel.



Si Dieu existe, qui a été écrite avant les ennuis cardiaques que l’on connaît avec en mémoire des flashbacks d’accident qu’il a eu, se retrouve ici co-interprétée avec Céline Dion. Pour une première fois, la voix de la protégée de René Angelil émeut l’auteur de ces lignes. À croire qu’elle lui était destinée… « Elle l’avait choisie. Pour Isabelle, c’était J’ai souvenir encore qu’elle connaissait déjà enfant et qu’elle aimait beaucoup. Lynda, pour sa part, a choisi Comme un million de gens, une chanson qui, disait-elle, l’avait marquée. Il y a des affaires qui sont bien tombées. Dans le cas de Desjardins, la chose était évidente. Lui et Vigneault ça donne la dimension des gars du Nord avec Le Labrador».


Et l’ensemble, en effet, saura assurément titiller le vieux fantasme de la cabane au Canada chez les cousins. Une cabane au beau milieu des forêts qui enchantent faite avec Dubois. Du bois qui chante, évidemment.


Glossaires de mots énervants

Heureux : c’est un mot qui me fatigue. Mettons que ça va ben, tsé. Être heureux, âllo…
Ça vient d’où et ça va où ?

La Morale c’est pareil. Ça vient de qui et ça tend vers quoi ?
Avoir des principes. Ça peut être fatiguant les principes. Ça vient de qui ? Ça va où et sa sert à quoi ? Mais « avoir une vision », à la limite, ça peut-être intéressant. C’est rendu que le mot rêve, c’est extraordinaire, est devenu négatif pendant la dernière campagne électorale. Allô…Quand il y a eu le débat des chefs, on a accusé l’autre de rêver. Ce mot, au contraire, devrait être essentiel. Le rêve est pour moi la raison d’être des individus. Si tu enlèves le rêve aux êtres humains, il n’y a plus rien. On est tous à l’âge de pierre.

Musique du monde : (il s’esclaffe) comme si eux autres c’étaient des twits et que nous autres, on était ben correct. C’est malade quand tu y pense. C’est du racisme total.


La langue Dubois
En 1984 : Sortie Dubois, l’album de la rédemption suite à son voyage au bout de l’enfer en prison et en thérapie.
Tu n’as pas envie parfois encore de consommer de la drogue ?
« Ça fait un criss de bout de temps….Il y a le vieux proverbe de Portage qui nous dit de toujours concevoir qu’on est un drogué en perspective. C’est la théorie du « un jour à la fois » et c’est une vérité. Il faut peut-être aussi changer de vie. Si tu veux arrêter de te geler, change de gang…Si tu restes dans le même trou t’es faite. Moé non, je ne suis pas tenté, il n’y a personne qui en fait autour de moé.»

Des mauvaises langues prétendent que certains contacts proches des milieux politiques t’auraient permis d’amoindrir la sentence qui t’a été infligée à l’époque.
Un hibou passe… « Et si c’était l’inverse. Et si j’avais eu de la tôle à cause de ça. Ça serait pas pire, hein. Et si c’était que l’on avait pas présenté de témoins. Et si c’était qu’un politicien actuel, qui à l’époque était avocat, n’avait pas présenté certains témoins. Faudrait l’écrire, l’histoire. Je ne veux pas trop revenir là-dessus parce que je trouve ça dégradant. J’ai fait le temps (en prison) que je n’avais pas à faire. J’ai fait plus que deux ans de tôle en plus de Portage. Je n’ai pas eu un passe droit. Il y a un truc qui s’appelle la jurisprudence en droit. Allez voir combien ceux qui ont eu l’équivalent de moi, combien de temps ils ont fait et après on regardera combien de temps j’ai fait», dira-t-il d’un ton feutré.

3 commentaires:

La grenouille a dit…

Semble que la bio de Dubois comportera maintenant quelques chapitres supplémentaires; et passablement juteux, de surcroît... Un best sellers en puissance ;-) Condo? BM? Héhéééé!

Dis-donc, t'avais vu v'nir le coup où bedon t'es aussi surpris que le reste d'entre nous?

claude andré a dit…

J'avais vu le couple...

claude andré a dit…

Ah oui, je crois qu'il n'y aura pas de bio. De ma part, du moins.
Claude semble, pour le moment, trop réticent à aborder certains sujets pourtant cruciaux dans le cadre d'une bio.