vendredi 16 novembre 2007

Joachim Alcine


Guerrier de la lumière

Le québécois d’origine haïtienne Joachim Alcine, titulaire de la couronne des super mi-moyens de la WBA (154 livres) défendra son titre le 7 décembre prochain au Centre Bell.

Claude André


Une banlieue industrielle sise au Sud de nulle part. Avec un ami, on se pointe au gymnase des frères Grant. Otis, le miraculé d’un accident de voiture, entraîne un jeune boxeur. Un petit monsieur en costard vient nous annoncer que nous avons loupé de 10 minutes la séance de sparring entre un cet ancien champion et Alcine, un nouveau monarque depuis son triomphe du 7 juillet dernier contre le héros des ghettos malgré qu’il soit sale type, Travis Sims. Victoire qui a fait vibrer les sportifs du Québec et l’ensemble des Haïtiens qui ont suivi le combat à la téloche depuis les Caraïbes.

On observe sur un mur un visage peint au pochard qui nous rappelle au doux souvenir d’un jeune boxeur décédé prématurément. Un drapeau d’Israël et un autre du Liban reposent accrochés ensemble au fond du gym. Le petit monsieur revient nous signaler que le « roi » est sous la douche. Coquet, il se ferait beau avant de nous rencontrer, rigole-t-il.

Il arrive. Vrai qu’il arbore une belle dégaine. On monte dans un bureau histoire de trahir le boucan saccadé des coups de poings dans les sacs qui résonnent. Assis face à Ti-Joa, comme le surnomme ses amis, on observe l’athlète qui pèse actuellement 159 livre. Son regard est doux. Sa voix est clame. Celui qui a commencé à se faire remarquer en démolissant Stéphane Ouellet en 64 secondes en 2004 vit véritablement son fameux «moment présent ».

S’il peut sembler quelque peu hurluberlu auprès de certains journalistes cyniques, le Lavallois arbore la sérénité et la force tranquille de ceux qui possèdent la foi. Hypersensible, il parlera avec émotion des jeunes et de la communauté haïtienne qui ont, pour une rare fois, un modèle. « Ils viennent par groupe de 4 ou 5 frapper à la porte de mes parents pour demander que j’ouvre un gymnase. Chose qui sera faite dès que je trouverai un local d’ici 5 mois», assure-t-il en bougeant les yeux au moindre son, résultat de réflexes longtemps affûtés.

La grande motivation

Lorsqu’on lui demande pourquoi il vaincra le Panaméen Alfonso Mosquera (19-5-0, 7 K.-O.), classé au 14e parmi les aspirants, Alcine (29-0-0, 18 K.-O), nous évoque une loi fondamentale : «Pour atteindre le succès, qu’importe la discipline, il faut accepter de souffrir». Bien sûr, mais encore ? « Je vais gagner parce que je veux rester le modèle et l’ambassadeur d’Haïti. Lorsque l’on fait vibrer un peuple, on ne peut pas se permettre le lendemain de l’abandonner comme ça en perdant un combat », explique –t-il avant de causer de sa motivation première qui demeure sa famille et les ensuite les enfants pauvres.

Avant d’être champion Alcine avait tout à gagner. Désormais, il a tout à perdre. Est-ce que cela change la préparation ? «Avant de remporter le titre, j’ai été malade. Ulcère d’estomac, problème de glande, infection à l’avant bras gauche dont les antibiotiques devaient détruire mon système immunitaire et, deux semaines avant le combat, boum, une gastro qui m’a complètement mis à terre… »

Avait-il l’impression alors que sa puissance supérieure l’abandonnait ? « Dieu nous met des obstacles pour tester notre foi mais ne nous abandonne pas. Je lui ai demandé, en ouvrant la bible pendant la semaine précédant le combat, de m’indiquer le passage que je devais lire. Je suis tombé sur les sept étoiles de Jésus Christ (Apocalypse de Jean 1 ndlr) et par pur coïncidence le combat était programmé pour le 7 du 7 ième mois en 07. Le septième jour de la semaine et il s’agissait de ma septième ceinture…Ça n’a rien à voir avec la loterie 6/49. Mais lorsque l’on parle à dieu...»


Une arme secrète ?

«La peur ? Pour vous dire la vérité, le bon dieu a mis sur mon chemin ce qu’il me fallait. La confiance que je ressens à travers ma femme et ma mère. Parce que ces deux femmes peuvent voir avant que les choses se fassent. Et c’est quelque chose qui est très fort. Ce n’est pas n’importe quel individu qui peut posséder un don pareil. Par exemple, pour mon affrontement avec Stéphane Ouellet, elle m’avait dit que le combat serait court, très court, plus que je le pensais (64 secondes)». Et pour le 7 décembre ? « Elle m’a affirmé que le combat était gagné mais refuse de me dire comment. Tu sais, alors qu’elle devait accoucher à tout moment de notre deuxième enfant, je me battais ce soir là au Casino. Lorsque je l’ai appelé après mon combat à l’hôpital pour lui annoncer ma victoire, elle m’a dit : je sais déjà. Tu la mis k-o au huitième round ! », sourit-il. Serein.

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